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Full text of "Mémoires sur la dernière guerre de l'Amérique Septentrionale : entre la France et l'Angleterre ; suivis d'observations, dont plusieurs sont relatives au théatre actuel de la guerre, & de nouveaux détails sur les murs & les usages des sauvages, avec des cartes topographiques"

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MÉMOIRES 

SUR 

LA  DERNIERE  GUERRE 

D  E 

L'AMÉRiaUE  SEPTENTRIONALE. 

.TOME    TROISIEME. 


W; 


MÉMOIRES 

SUR 

LA  DERNIERE  GUERRE 

D  E 
L'AMÉRiaUE  SEPTENTRIONALE. 

E  K  T  R  E 
La  France  et  l'  A  n  g  l  e  t  e  r  r  e. 

Suivis  d'Obfervations  ,  dont  plufîeurs  font 
relatives  au  théâtre  aduel  de  la  guerre  ,  & 
de  nouveaux  détails  iur  les  mœurs  &  les 
ufages  des  Sauvages ,  avec  des  cartes  to- 
pographiques. 

ParAI.PoucHOT,  Chevalier  de  P Ordre  Royal  ^ 
Militaire  de  St.  Lotiis  ,  ancien  Capitaiîze  ait  Ré* 
gimeJit  de  Béarn  ,  Commandant  des  forts  de  Nia» 
gara    ^  de  Lèyis  ,  en  Canada. 

TOME     T  R  O  I  S  I  E  M  E/ 


Y  V  E  R  D  O  N. 


M.DCa  LXXXL 


V 


AVIS. 

lA  carte  que  M.  Pouchot  avoît  le- 
vée ,  étant  trop  étendue,  nous  avons 
été  obligés  de  la  faire  réduire,  afin 
qu'elle  foit  relative  à  la  forme  dans 
laquelle  fes  mémoires  font  imprimés. 
Quoique  celle  que  nous  offrons  au 
public  n'ait  pu  conferver  les  mêmes 
développemens,  elle  renferme  néan- 
moins les  mêmes  détails,  &  mérits 
une  attention  particulière.  D'ailleurs 
les  obfervations  topographiques  fup- 
pléent  en  quelque  forte  à  cstce  ré- 
dudion  inévitable. 


OBSERVATIONS 

TOPOGRAPHIQUES. 


Tome  JIL 


AVERTISSEMENT. 

JVl,  Poiichot  n'avQit  rien  oublié  j 
pour  cofmoître  la  topographie  de 
V Amérique  Septentrionale,  Nous 
avons  trouvé  dans  f es  papiers ,  une 
defcriptioit  gé^térale  de  ce  conti-^ 
iunt  5  à  la  vérité ,  imparfaite  fur 
pliifieurs  points^  mais  achevée  ^ 
d'une  rare  exactitude ,  à  regard  des 
pays  qui  ont  été  le  théâtre  de  la  der- 
nière guerre.  Il  avoit  extrait  de 
cette  partie  de  fou  ouvrage ,  les  ob~ 
fervations  qu'on  va  lire  &  qui  fer-- 
vent  proprement  d'explication  à  fa 
carte.  Le  foin  particulier  qu'il  avoit 
eu  de  les  rédiger ,  prouve  que  h 
defcripîion  dont  nous  avons  parlée  en 
étoit  fhnplement  les  matériaux  ; 
c'ejî  pourquoi  nous  n'avons  pas  cru 
.devoir  la  publier. 


4         ATERTîSSEMENTr 

Nous  ne  dijjimtilerons  cependant 
pas  que ,  dans  cette  même  dejcrlp- 
îion ,  on  ne  trouve  des  détails  qui 
ne  fe  lifent  point  dans  les  objerva- 
tions  uniquement  confacrées  à  nous 
faire  connoître  les  principales  com^ 
munications  du  Canada  avec  les 
tolonies  angloifes ,  &  àfervir  d'inf- 
truBion  aux  militaires  qui  pour^ 
roient  un  jour  être  ejnployir'S  dans 
cette  contrée.  L auteur  n'ayi>nt  écrit 
que  fur  les  rapports  d' autrui ,  tout 
ce  qui  concerne  les  parties  fepten- 
trionales  ^  orientales  du  Canada , 
on  peut  moins  compter  fur  fon  ré- 
cit \  ainfi  nous  avons  pu  le  fuppri" 
772er ,  fans  nuire  à.  fa  réputation,  ., 
D'ailleurs  il  avoue  lui-même  que  Pé-  J 
tendue  êf  la  forme  des  lacs  Huron, 
Miêhigan  &  Supérieur ^ne font  point  i 
connues  ,  ^  qu'à  peine  a- 1-  o?t  de 
foibles  notions  des  pays  fitués  au 
Nord  6f  d  /'O.  N.  O.  de  ces  der- 
niers ^  qui  font  habités  par  les  Affi- 


Avertissement.      ç 

niboels ,  les  Monjouis  ^  les  Crif- 
tin  LUI  X. 

MlVL  de  la  Fcnmderie ,  officiers 
canadiens,  pénétrèrent  dans  cespaySy 
il  y  a  environ  quarante-deux  ans. 
Ils  parvinrent  jtifqn' à  s  oo  lieues  à 
l'OîieJî  du  lac  Supérieur  ,  6?  dé- 
couvrirent plujïeurs  nouveaux  lacs 
qui  fe  communiquoient.  F  eut-être 
Jeroie7n-ils  arrivés  jufqu'à  la  mer 
du  Sud ,  fans  les  objlacks  qui  s'op^ 
pofejit  toujours  à  de  pareilles  ten^ 
tatives ,  les  feules  néanmoins  dont 
il  f oit  poffible  de  tirer  des  lumières. 
Ces  principales  difficultés  font ,  i  *„ 
le  défaut  de  vivres  &  de  reffour-^ 
ces  pour  les  approvifionnemens  de 
toute  efpece  ;  2".  rimpqffibilité  de 
fe  fan  e  entendre  aux  naturels  du 
pays  5  dont  la  langue  devient  à  un 
certain  éloignement  inintelligible 
aux  Sauvages  même  qui  jervent  de 
guides-^  3'.  ledefintérejfement firare 
à  trouver  dans  les  perfunnes  char- 
A  3 


€       Avertissement. 

gées  de  femhlahles  enîreprifes ,  la 
plupart  5  dès  qu'ils  ont  rempli  leurs 
canots  de  pelleteries ,  fi  abondantes 
dans  ces  contrées  ,  ne  penjant  plus 
qu'à  s'en  retourner  ;  4^  Les  rap- 
ports infidèles  ou  énigmatiques  des 
Sauvages ,  qui  cherchent  fouvcrtt  à 
îf  omper  &  à  égarer  les  voyageurs^ 
afin  de  les  faire  périr  &  de  piller 
enfnite  leurs  effets. 

Il  faut  fans  doute  ejpérer  que  ces 
ohjîaclês  s'évanouiront ,  ou  diminue- 
ront 5  à  mefure  que  l'Amérique  Sep-- 
îentrionale  fe  peuplera ,  &  que  les 
relations  entre  les  différentes  parties 
du  Nord  deviendront  alors  plus  né- 
ceffaires.  Cette  révolution  fera  l'ou- 
vrage  de  la  liberté  :,  dont  ce  vafie 
continent  ne  tardera  pas  de  jouir  ^ 
fi  les  vœux  de  toute  l'Europe  font 
marnés. 


"O" 


J 


OBSERVATIONS 

TOPOGRAPHIQUES. 


L 


Es  différentes,  pofîtioiis  où  M. 
Pouchot,  capitaine  dans  le  régi- 
ment de  Béarn  ,  s'eil  trouvé  Se  les 
voyages  qu'il  a  été  obligé  de  faire 
dans  les  principaux  paifages  de  com- 
munication 5  des  polTeffions  fian- 
çoiies  aux  pofleiTions  angloifes  en 
Amérique  ,  l'ont  déterminé  à  en 
donner  les  détails  les  plus  exads 
qu'il  lui  fera  poffible. 

L'on  y  verra  des  parties  incon- 
nues 5  même  aux  Anglois ,  dans  le 
pays  des  cinq  nations  iroquoifes; 
&  les  travaux  immenfès  qu'ils  ont 

A  4 


8       Mêm,  fur  la  dern.  Guerre 

été  obligés  de  faire ,  pour  parvenir 
jufques  aux  poiTeffions  françoifes, 
M.  Pouchot  ne  s'eft  point  atta- 
ché à  détailler  ,  dans  la  carte  qu'il 
en  a  dreflee,  la  partie  habitée  par 
les  François  en  Lanada,  que  l'oiî 
peut  trouver  dans  d'autres  cartes 
particulières.  II  n'a  point  auffi  dé- 
taillé la  partie  habitée  par  les  An- 
glois ,  qui  fe  trouve  bien  dans  les 
cartes  de  iMitchel ,  &  fur- tout  dans 
celle  d'EvanSj  quieit  la  meilleu- 
re (a). 


( o)  La  c?rte  du  Canada  la  moins 
défeclueufe  qui  ait  d'abord  paru,  eft 
fans  contredit  celle  de  M,  Delisle, 
Après  lui,  Pople,  géographe  anglois  ^ 
en  publia  une  en  %o  feuilles  ,  qui  corn- 
prenoit  toute  l'Amérique  Septentria- 
iiaîe.  M.  Belliii  en  a  relevé  toutes  les 
erreurs.  Voyez  fes  rem.////r.  de  la  Nou^ 
ndle-  France  9  T.  V.  Quoiqu'il  ait  eu 
à  fa  difpofitiorîîe dépôt  de  la  marine, 
il  n'en  cil  pas  lui-mèiiie  exempt.  On 
lui  a  reproché  d'avoir  trop  compté 


ie  T Amérique  Septenfrl        3 

Il  s'efl  feulement  attaché  à  mar- 
quer le  cours  des  principales  riviè- 
res qui  fervent  de  communications 
aux  frontières ,  &  les  principales 
places  qui  y  fervent  d'entrepôts. 

fur  des  obfervations  douteufes  &  de 
vieilles  cartes,  &  de  n'avoir  pas  fu 
.profiter  des  découvertes  des  naviga- 
teurs étrangers.  Les  recherches  de  M, 
Banville  ont  été  beaucoup  plus  exac- 
tes. Quoique  fes  cartes  de  TAméri- 
que  Septentrionale  nefoyent  pas  par- 
faites, elles  méritent  néanmoins  beau- 
coup d'éloges.  Il  a  rendu  compte  de 
fon  travail,  dans  une  lettre  adrelTés 
à  M.  Folkes,  &  inférée  dans  le  Mer- 
cure de  Mars  ï7fi.p.  ïjo.  On  ne  peut 
refufer  à  M.  Gréen  le  mérite  de  la  dif- 
cuilion,  dans  fa  carte  de  l'Amérique, 
qu'il  publia  en  ijf^.  Son  compatriote, 
M.  Mitcheî,  n'a  faitprefque  que  copier 
fes  prédécelTeurs,  dans  les  huit  feuilles 
qu'il  mit  au  jour,  en  îjff.  M,  Evans 
avoit  commencé  avant  lui  fes  excel- 
lentes cartes,  par  celle  ie  la  PenflU 
vanie  &  du  Nouveau  Jerfey  ,  dont 
la  publication  remonte  à  l'année  1749, 

A    î 


^  ^       Mém.  fur  la  dern.  Guerre 

Le  Canada ,  quoique  d'une  éten- 
due très-coiifidérable,  a  très-peu  de 
communication  avec  les  colonies 
angioifes ,  foit  par  i'éloignement 
des  pays  habités  ,  foit  à  caufe  des 
contrées  remplies  de  montagnes 
qui  s'y   rencontrent. 

Après  les  recherches  les  plus 
exactes  5  M.  Pouchot  n'a  reconnu 
que  cinq  principales  communica- 
tions 5  dont  il  donnera  des  defcrip- 
tions  particulières. 

î'o  De  la  frontière  du  Canada, 
par  le  lac   Champîain. 

2^  Du  fleuve  St.  Laurent ,  de- 
puis Mont-Réal  jufqu'à  Chouegen. 

3\  De  la  rivière  de  Chouegen 
4iux  poîTeffions  angloifes. 

4^  Du  lac  Ontario  aux  fron- 
tières angloifes 3  par  la  rivière  de 
Cafconchiagon, 

5^  De  Niagara  à  l'Ohio  ,  &  de 
l'Ohio  en  Penfil  vanie  &  en  Virginie. 

Avant  que  d'entrer   dans   tous 


de  t  Amérique  Septentr.       1 1 

ces  détails ,  nous  croyons  devoir 
parler  do  fleuve  St.  Laurent ,  de- 
puis fon  embouchure  dans  le  Gol« 
phe  de  ce  nom,  jufques  à  Qué- 
bec ;  mais  en  peu  de  mots ,  par- 
ce que  cette  partie  du  fleuve  re- 
garde plutôt  la  marine  3  que  les 
opérations  de  terre. 

A  Pentrée  du  fleuve  St.  Laurent, 
à  trois  lieues  au  S.  du  cap  des 
Roziers  5  on  ^trouve  la  baye  de 
Gafpé.  Elle  a  près  de  deux  lieues 
d'ouverture.  Se  s'apperçoitde  loin 3, 
à  caufe  des  terres  blanches  cou- 
pées en  écors,  qui  font  entre 
ion  entrée  &  le  cap  des  Roziers, 
L'on  peut  approcher  fans  crainte 
le  rivage  de  Pentrée  au  N,  où  eft 
un  petit  rocher,  appelle  Fotmllon^ 
qui  de  loin  fembîe  un  bateau  à 
la  voile,  la  marée  portant  hors 
de  la  côte. 

Dans  la  partie  du  S.  dont  îa 
pointe  s'avance  davantage  dans  k 

A  6 


1%     Mém.fiir  la  dern.  Guerre 

mer,  &  dont  les  terres  font  plus 
baffes  5  il  y  a  des  roches  fous  l'eau, 
à  denii-lieiie  de  l'entrée  ,  qui  font 
dangereufes  ^  lorfqu'an  ne  les  cori- 
lîoît  pas. 

L'on  mouille  toujours  dans  le 
N.  à  trois  quarts  de  lieue  dans 
la  baye,  par  les  ^5^  braffes d'eau, 
à  la  portée  du  fufil  de  terre.  La 
tenue  n'eft  pas  trop  bonne  ,  parce 
que  le  fond  efl  en  penchant. 

A  4  lieues  dans  l'intérieur  que 
l'on  nomme  Penotùlk ,  le  mouil- 
lage eil:  très  -  bon  ,  les  plus  gros 
%?aiffeaux  peuvent  y  mouiller  par 
les  12  braffes  à  toucher  terre.  Il 
s'y  trouve  un  plateau  très  -  pro- 
pre à  y  bâtir  une  bonne  fortifi- 
cation. 

La  fortie  de  cette  baye  efî:  affez 
difficile,  parce  qu'il  faut  attendre 
des  vents  de  terre  affez  fraix  ,  fans 
quoi  la  fortie  eft  dangereufe,  à  eau- 
fe  des  courants  5  qui  font  dérivei 


de  r Amérique  Septenîr,       1 3 

f«r  les   roches    dont    il  eft  parlé 
ci  -  delTus. 

Lorfque  l'on  efl:  forti  de  la  baye^ 
&  que  Ton  veut  entrer  dans  le  fleu- 
ve St.  Laurent ,  on  peut  fans  crain- 
te fuivre  la  côte  à  la  portée  de  la 
carabine  pour  tourner  le  cap  des 
Roziers.  Quoique  l'on  dife  qu'il  y 
a  des  batures  dans  cette  partie  ^ 
l'on  n'en  a  point  apperçu,  malgré 
que  l'on  ait  louvoyé  dans  toute 
cette  partie  ,  bien  près  des  terres  ^ 
toute  une  journée. 

Les  bâtiments  qui  hy vernent  dans 
cette  baye ,  peuvent  -difficilement 
remonter  le  fleuve  St.  Laurent  ^ 
avant  ceux  qui  partent  de  bonne 
heure  d'Europe,  parce  que  les  vents 
de  N.  E.  qui  font  très-fréquents 
dans  le  printems ,  font  contraires 
pour  fortir  de  cette  baye ,  &  y  jet- 
tent les  glaces  qui  débouchent 
de  ce  fleuve. 

La  navigation  du  fleuve  St.  Laa« 


14     31m.  fur  la  dern.  Gmrrs 

rént,  quoique  belle  en  elle-mémes 
eît  cependant  difficile ,  lorfque  les 
vents  font  dans  la  partie  du  N.  E. 
(  le  plus  favorable  pour  remonter 
ce  fleuve  ).  La  brume  y  eft  très- 
forte. 

Il  n'y  a  prefque  point  de  mouil- 
lages dans  la  partie  du  S.  qui  eft 
la  côte  la  plus  faine.  II  faut  arri- 
ver à  St.  Barnabe  ou  au  Bic ,  pour 
mouiller. 

Il  eft  très  -  probable  qu'il  y  a 
dans  la  partie  du  N ,  quantité  de 
bons  mouillages  &  des  beaux  ports; 
mais  CQitQ  côte  nous  étant  con- 
nue très-imparfaitement,  nous  n'en 
avons  guère  que  des  fondes  don- 
nées au  hafard ,  &  très-imparfaites. 
On  donnera,  pour  exemple,  le 
goufre  que  l'on  craignoit  comme 
Caribde  ;  les  Anglois  y  ont  mouil- 
lé :  à  la  travejfe  que  l'on  donnoit 
comme  prefque  impaflable,  les  An- 
glois ont  trouvé  i^oo  toifes  de  pat 


de  f  Amérique  Septentr.        i  f 

fe  ;  &  des  bâtiments  de  loo  pièces 
de  canon  y  ont  paffé  le  paffage 
au  N.  de  Tisle  d'Orléans ,  où  les 
plus  fortes  frégates  ont  paffé ,  & 
de  très-gros  bâtiments  marchands 
font  montés  jufques  au  rapide  fous 
Mont  -  Real.  Cela  fuffit  pour  faire 
juger  combien  les  côtes  de  ce  fleu- 
ve font  mal  reconnues  s  puifque 
les  fautes  ci-deffus  font  dans  des 
endroits  les  plus  fréquentés. 

M.  Fouchot  a  remarqué  que  l'isle 
aux  Coudres  eil  de  bonne  défen- 
fe  pour  empêcher  les  bâtiments  de 
monter-,  en  plaçant  des  batteries 
aux  éboulements  qui  font  vis-à- 
vis  la  paffe  la  plus  étroite. 

En  conftruifant  auffi  des  batte- 
ries de  gros  canons  au  cap  Tour- 
mente, cet  endroit  feroit  le  feul 
capable  d'arrêter  des  vaiiTeaux.  Le 
courant  les  oblige  d'en  pafTer  très- 
proche.  Ils  ne  fauroient  néanmoins 
s'y  arrêter  ^  à  caufe  de   ce  même 


i€     AJcm.furladern.  Buerre 

courant,  foitquela  marée  montea" 
foit  qu'elle  defcende  ,  pour  battra 
cet  endroit.  Ils  feroient  très  -  en- 
dommagés à  leur  paffage.  Ce  pot 
te,  par  fa  pofiti'on  ,  peut  être  rendu 
fort  refpedabîe,  étant  fur  un  ro- 
cher vif  &  très-peu  abordable  dans 
fes  alentours. 

La  pofition  de  Québec  eft  très- 
bonne  ;  elle  reiTemble  à  celle  de 
î^amur.  Elle  eft  même  meilleure; 
mais  les  fortifications  ont  été  mal 
deflînées,  relativement  à  cette  po- 
fition. Llle  n'a  aucun  commande- 
îîient  qui  la  gèn^. 

Les  habitations  françoifes  com- 
mencent à  Cap-tViouraska,  fans 
interruption  julques  à  Québec.  11 
y  a  trois  lieues  d'un  village  à  l'au- 
tre ,  prifes  du  milieu  d'un  village 
au  milieu  de  l'autre.  Aucun  villa- 
ge- en  Canada  n'eft  de  défenfe , 
toutes  les  maifons  étant  éloignées 
l'une  de  l'autrt'  de  deux  arpents. 


de  t Amérique  Septentr,  Ch.  I   ï  7 

C'eil  tout  ce  que  l'on  dira  de 
l'intérieur  du  pays ,  pour  s'attacher 
aux  pays  moins  connus  &  aux 
frontières. 


CHAPITRE     L 

De  la  frontière  par  le  lac  Cham- 
plain. 


L  y  a  deux  communications 
des  habitations  du  Canada  au  lac 
Chaaiplain  ;  l'une  par  la  rivière 
Forei ,  qui  eft  fon  écoulement  dans 
le  fleuve  St.  Laurent;  &  l'autre ^ 
après  avoir  traverfé  le  fieuve  i^t 
Laurent,  de  Mont-Kéàl  à  la  Prai- 
rie, allant  par  terre  de  la  Prairie 
à  Chambly  ou  à  St  Jean.  Le 
fleuve  bt.  Laurent  a  trois  lieues 
de  largeur  de  Mont-Keal  à  la 
Prairie  5    Yiliage   fitué    ^is-à-yis 


î  8     Mem,  fur  la  dern.  Guerre 

Mont- Real  De  la  Prairie  à  St 
Jean  il  y  a  trois,  lieues. 

A  trois  quarts  de  lieiie  de  ce 
village ,  on  paffe  une  petite  riviè- 
re encaiffée  de  près  de  20  piedsg 
"&  au  fortir  de  là  on  entre  dans 
des  prairies  noyées ,  que  l'on  nom- 
me Savannes ,  d'une  lieue  de  lar- 
geur dans  cet  endroit.  On  s'y  en- 
fonce jufqu'au  genou  dans  l'eau 
&  dans  la  boue.  Au  defibus ,  le  fond 
en  eft  bon.  Le  refte  do  chemin 
jufques  à  St.  Jean  eft  à  travers  des 
bois  remplis  de  fources ,  qui  ren- 
dent le  chemin  prefque  imprati- 
cable 5  fi  on  ne  le  tient  pas  réparé. 

Cette  Savanne  fe  vuideroit  à  peu 
de  fraix,  S  on  donnoit  un  écou- 
lement à  ces  eaux  dans  la  rivière 
de  Sainte  Therefe,  Se  dans  celle  de 
Soreî.  Le  chemin  du  bois  s'écou- 
leroit  de  même  par  cette  opéra- 
tion. 

11  y  a  trente  lieues  de  Mont- 


de  P Amérique  Septentr,  Ch,  I.   t^ 

Real  à  St.  Jean  ,  par  eau.  L'on  def- 
cend  le  fleuve  St  Laurent,  îf 
lieues,  pour  arriver  à  Sorel ,  où  eft 
rembouchure  de  la  rivière  de  ce 
nom.  Elle  eft  auffi  grande  que  la 
Saône  auprès  de  Lyon ,  &  plus 
profonde ,  lorfque  les  eaux  font 
hautes ,  dans  le  printems.  Le  cou- 
rant en  eit  rapide.  Les  barques 
venant  du  fleuve  St.  Laurent,  re« 
montent  jufques  dans  le  bafiin  de 
Chanibly.  La  direclion  générale  de 
fon  cours  eft  N.  N.  O.  &  fes  fî- 
nuofités  font  de  l  de  lieue,  ou 
de  I  lieue  de  longueur.  Elle  forme 
un  coude  confidérable  à  4  lieues 
de  Chambly ,  où  elle  court  un  peu 
plus  au  N.  E.  Dans  fa  grande  cour- 
bure eft  fon  plus  grand  courant 
Au  deffus  de  Chambly  eft  un 
rapide  de  deux  lieues.  Sur^tout  ini- 
ques au  petit  village  de  Sainte  The- 
refe  ,  la  rivière  eft  fort  plate,  rem- 
plie de  gros  cailloux.  11  faut  y  être 


20       Mem.fur  la  dern.  Guerre  ^ 

bien  guidé,  pour  ne  pas  échouer 
fon  bateau,  iiu  deffus  de  Sainte 
Therefe  ,  on  la  remonte  à  la  per- 
che ,  jufques  auprès  de  St.  Jean, 
les  bateau.^  VLiides.  Le  portage  eft 
de  trois  lieues ,  de  St.  Jean  à  Cham» 
bly.  Depuis  St,  Jean  jnfques  au 
lac,  la  rivière  eft  beaucoup  plus 
largejfort  douce3&  profonde  à  pou- 
voir porter  d'aiïez  gros  bâtiments. 

Les  terres  des  environs  de  cette 
rivière  font  très-bonnes.  Celles  au 
deffus  de  St.  Jean  le  feroient  auffi , 
fî  elles  étoient  cultivées.  C'eft  un 
pays  bas,  rempli  de  fources ,  quife 
noyé  dans  les  grandes  eaux  ;  une 
partie  l'eii  même  prefque  toute 
l'année.  k.es  fources  font  que  cette 
rivière  gelé  difficilement ,  &  les 
glaces  en  font  toujours  mauvaifes. 

A  cinq  lieues  au  deffus  de  St. 
Jean  5  on  trouYe  l'isle  auxlSoix, 
que  les  François  ont  retranchée  en 
17  )S^.   La  rivière  autour  de  cette 


de  P Amérique  Septentr.  Ck.  I.   2t 

isle  eft  d'une  portée  de  faiîl  de  lar- 
ge ,  tout  alentour.  Les  terres 
&  les  bois  des  environs  font 
noyés,  au  moins  deux  pieds,  lorf- 
que  les  eaux  font  bafles.  On  avoit 
feniié  la  rivière  par  une  eilaca- 
de  défendue  par  le  retranchement 
de  l'isle.  C'eil;  le  feul  poite  capa- 
ble de  couvrir  la  colonie ,  dès  que 
l'ennemi  eft  maître  de  St.  Frédéric. 
11  ne  peut  tourner  ce  pofte  par  au- 
cun endroit  ni  y  mener  de  l'ar- 
tillerie par  terre.  M.  Fouchot,  en 
defcendant  de  Carillon  ,  en  1 75  8  » 
en  avoit  défigné  la  poiîtion  à  M. 
le  chevalier  de  Lévis.  Elle  peut 
contenir  deux  à  trois  mille  hom- 
mes ,  dans  un  cas  de  nécefiîté. 

Une  lieue  au  deffus  on  trouve 
quelques  isles  remplies  de  joncs; 
mais  la  pafle  eft  toujours  belle 
pour  des  barques.  La  Prairie  à 
Boyieau,  &  la  pointe  au  Moulin 
Foucautj  font  les  feuls   endroits 


%%     Mêm.  fur  h  dern.  Guerre 

fecs  à  pouvoir  former  des  camps 
avantageux. 

Lorfqu'on  veut  entrer  dans  le 
lac  Champlain  en  bateau,  ron 
prend  la  droite  pour  gagner  la 
pointe  au  Fer  ^  &  de  là  à  la  poin- 
te Skenonfton,  d'où  l'on  fait  la 
traverfe  aux  isles  Valcourt.  L'on 
peut  fuivre  la  côte  de  l'Oueft  ; 
mais  elle  fait  une  grande  fin uofité, 
qui  fait  perdre  plus  de  deux  lieues. 

Un  peu  au  deiïus  des  isles  Val- 
court  5  dans  cette  côte,  eft  la  riviè- 
re au  Sable.  On  peut  mettre  à  ter- 
re par-tout  dans  la  première  isle 
Valcourt  ;  dans  la  féconde ,  il  y  a 
plufieurs  bons  ports  du  côté  du 
large  très-à  l'abri.  Dans  ces  diffé- 
rentes cales ,  on  mettroit  plus  de 
200  bateaux.  Le  refte  des  côtes  de 
cette  isle  font  des  rochers  efcarpés. 

A  4  lieues- plus  haut,  eit  une 
cfpece  de  cap  de  rocher,  où  il  y 
a  une  petite  ance  pour  deux  ou 


de  l'Amérique  Septentr.  Ch.  L  2  | 

trois  bateaux,  en  cas  de  mauvais 
tems. 

Vis-à-vis  eft  Tisle  au  Chapon, 
li  y  a  un  petit  crochet  de  terre , 
du  coté  du  cap  ci-deflus ,  fort  com- 
mode pour  mettre  à  terre,  &  y 
tenir  les  bateaux  à  l'abri.  Le  refte 
du  tour  de  cette  isie  n'eft  que  des 
gros  cailloux.  On  y  peut  cepen- 
dant atterrer  en  fe  mettant  à  Tabri 
du  vent. 

Le  cap  dont  je  viens  de  parlei 
termine  les  montagnes  dans  cette 
partie  la  plus  avancée. 

De  Pisie  au  Chapon ,  on  va  à  h 
pointe  des  isles  des  Qiiatre-¥ents , 
&  s'il  fait  beau  ,  on  fait  la  tra- 
verfe  fur  ces  isles.  En  17^*9  »  le  gé- 
néral Amherft ,  voulant  faire  une 
attaque  à  Plsle  aux  Noix,  vint  avec 
un  détachement  de  5  à  <^  mille 
hommes  camper  a  cette  pointe  ; 
il  y  fut  pris  d'un  coup  de  vent  du 
N.  0.  qui  l'y  retint  cinq  à  fix  jours^ 


s  4     Mêm.furïa  dern.  Guerre 

&  y  perdit  une  douzaine  de  ba* 
teaux.  La  mauvaire  laifon  qui  coiii- 
îîiença  alors,  Tobligea  de  s'en  re- 
tourner. 

Un  peut  camper  auprès  d'une 
rivière  qui  eit  dans  le  tond  de  l'an- 
ce  3  auprès  du  rocher  Fendu,  dans 
le  b.  Lette  rivière  prend  fa  fource 
auprès  du  lac  St.  Sacrement.  Des 
partis  ennemis  ont  quelquefois  pris 
cette  route ,  pour  fe  porter  fur  le 
lac  Champlain. 

Depuis  le  rocher  Fendu,  le  lac 
reflemble  à  une  rivière ,  &  le  con- 
tour des  montagnes  forme  un  joli 
baflîn  jufques  à  St.  Frédéric.  Le 
côté  de  rO.  ell  fort  montagneux; 
l'mfpedion  de  la  carte  défignera 
mieux  la  figure  du  pays ,  que  les 
defcriptions.  11  y  a  dans  la  partie 
de  !'£.  plufieurs  bonnes  ances  pour 
camper. 

Un  fuit  rarement  la  côte  de  TE. 
du  lac,  foit  en  montant  ou    en 

defcendant  ; 


de  l Amérique  Septentr.  Ch.T.   2t  f 

defcendant  ;  Ton  doit  même  obfer- 
ver  en  defcendant  de  tenir  la  gau- 
che, ou  le  côté  O.  fans  quoi  Toti 
courroit  rifque  de  s'égarer  dans  la 
baye  de  Miflîskouit.  Les  bords  du 
lac  Champlain  font  des  grandes 
plaines  qui  ne  font  point  habitées. 
Les  terres  y  font  très-bonnes  à  cul- 
tiver 5  &  les  bois  fort  beaux  & 
propres  aux  condrudions  de  ma- 
rine. 

Avant  la  guerre  les  environs  de 
St.  Frédéric  étoient  habités. Ce  fort, 
ti  dans  unt  prefqu'isie  ,   comme 
on  le  peut  voir  dans  la  carte  ,  étoit 
ant  redoute  en  maçonnerie,  à  la- 
quelle   on  avoit    ajouté    uns  en- 
idntQ  en  pierre  s  fans  terraffement. 
Le  mur  de  l'enceinte  avoit  au  plus 
îeux  pieds  d'épaiffeur.  M.  de  Boui- 
amaquefit  fauter  ce  fort  en  1759, 
n  fe  retirant  de  Carillon  à  l'Isle 
ux  Noix. 
Les  Anglois  y  ont  fait  un  fort 

ToîM  ni.  ij 


S,^    ,  Mém,  fur  la  dern.  Guerre 

GonCdérable  fur  l'emplacement  où 
étoit  un  moulin  à  vent.  C'elt  un 
pentagone  d'environ  go  à  loo  toi^ 
fes  du  côté  extérieurs  tout  bâti  ^en 
bois.  Les  pièces  du  revêtement  ex- 
térieur ont  trois  pieds  d'équarriffa- 
ge,  liées  par  des  corps  morts,  & 
Tentre-deux  rempli  de  terre  battue 
&  un  bon  foOe. 

Ils  ont  fait  furies  petits  rochers 
qui  font  aux  environssdes  redoutes, 
ou  blachoufes ,  fuivant  le  fyftéme 
du  Maréchal  de  Saxe.  Ces  rochers 
forment  unt  efpece  d'enceinte  au- 
tour de  la  place.  Le  plus  haut  peut 
avoir  30  pieds  d'élévation  ;  les  re- 
vers tombent  en  glacis,  du  coté  de 
la  campagne^avectrès'-peu  de  terre.- 

L'intervalie  depuis  la  baye  jut 
ques  à  îa  rivière ,  efi  fermé  avec 
des  blachoufes,  à  100  toiles  l'^u ne 
de  l'autre  5  &  un  retranchement  en 
bois  entre  deux.  Ce  pofte  eft  bien 
plus  avantagsufenieiit   fitué  pour 


de  l'Amérique  Septentr.  ,Ch,  I.  %*f 

les  Anglois  que  pour  la  colonie 
françoife,  par  la  difficulté  qu'il 
y  auroit  de  mettre  a  terre  des  trou^ 
pes  pour  l'attaquer. 

Deux  lieues  au  àtSu^  de  St.  Fré- 
déric, &  du  même  côté,  eft  la  rivière 
à  la  Barbue.   Cette  rivière  e il  fond 
de  fable;  fa  profondeur  eft  de  4 
Diêds  dans  les  baffes  eaux  ,  &  dans 
e  printemps  au  moins  de  7.  5 on 
it  eft    tout   couvert   de  joncs  & 
^mbarraffé  d'ouers  très-fourrés.   Il 
l'y  a  qu'un  chenal  très-étroit,  qui 
foit  découvert.  La  largeur  de  la  ri- 
riere  eft  de  plus  de  la  portée  du  fufîL 
.e  bord  ,  du  côté  de  St.  Frédéric, 
it  élevé  fur  l'eau  de  plus   de  43 
?ieds.   Le  terrein  en  eft  uni ,  les 
ois  font  fi'ancs  &  aiTez  clairs. 

En  remontant  une  lieue  cette 
iviere,  du  même  côté,  on  ren- 
ootre  une  montagne  fort  liante^ 
fort  roide..  Le  cours  de  cette  ri- 
iere  eft  tout  à'àïi%  ces  m.ontagnes 
B  z 


ig     Mem.furh  dern.  Guerre 

impraticables  pour  une  armée.  Son 
cours   eft  de  7  à  8  lieues. 

Le  côté  oppofé  e(t  une  langue 
de  terre.  Les  montagnes  viennent 
y  aboutir.  Un  n'y  fauroit  camper 
un  corps  un  peu  confidérable. 

La  rivière  de  Carillon  ,  dans  cet 
endroit,  n'a  pas  plus  delà  portée 
du  fuîil  de  large.  C'eft  l'endroit 
le  plus  étroit  de  cette  rivière ,  de- 
puis Carillon  jufques  à  St.  Fréde-' 
rie.  Ce  poite  ne  peut  être  tourné, 
&  couvre  5t.  Frédéric.  Par  fes  der- 
îieres ,  il  a  fa  communication  par 
terre  avec  ce  fort.  Il  y  a  une  ance,. 
ou  baye ,  qui  y  aboutit,  venant  de' 
St.  Frédéric,  par  ou  les  bateaux 
peuvent  y  arriver  fans  être  vus.     i 

Des  batteries  placées  dans  l'anJ 
glc  de  l'embouchure  que  je  viens' 
de  décrire ,.  peuvent  battre  le  cours, 
de  ia  rivière  de  Carillon  jufques  à 
la  prefqu'isle.  Au  deffus  c'eft  la 
'•aiieilleiire  pofition  qu'il  y  ait  dans, 


de  P Amérique  SeptentTi  Ch,  I.  tS 

tout  le  cours  de  cette  rivière,  poui: 
empêcher  le  paffage  au  lac  Cham- 
plaiu.  Des  bâtiments  affez  gros  re- 
montent jufques  à  Carillon ,  &  les 
bateaux  vont  jufques  fous  la  ChuteSé 

Les  Anglois  ont  fait  un  chemin 
par  terre ,  depuis  la  Chutes  jufques. 
à  St.  Frédéric.  On  y  pourroit  me- 
ner du  canon.  Ils  ont  auffi  fait  un. 
chemin  depuis  Carillon  jufques  au 
fort  appelle  n",  4.  fitué  dans  la 
Conneâicut.  11  peut  avoir  3  5  lieues 
de  long ,  qu'ils  font  en  4  joursJ 
Les  milices  qui  ont  rentré  dans  la 
Nouvelle-Angleterre  de  leur  camp 
fous  St.  Frédéric,  en  Ï7f9,  ont 
pris  cette  route  ;  &  pendant  Tété 
ils  ont  tiré  par  cette  route  les  bœufs 
venant  de  ces  provinces  ,  pour  1© 
fervice   de  Tarmée. 

Le  fort    de  Carillon    (n:)  efl 


(û)  En  anglois  Ticondero^a  ^  &  esî 
fcuvage  TeaonUao^en, 

B  3       ■  ■" 


3o     Mêm,ftir  ladcrn.  Guerre 

%n  quarré   de  4^    toifes    de  côté 
extérieur,  conftruit  en  pièces  fur 
pièces  de  14  à  15  pouces  d'équar- 
rlIFage.  Les  parapets  ont  1 2  pieds 
^'épaiffeur  remblayés  en  terre    & 
cailloutage  du  déblai  de  la  mon- 
'tagne.  Une  demi4une  fur  la  faca- 
,'de  de  l'arête  du  coteau  ;  un  foffé 
-^e  s  h-  6  toifes  de  largeur ,  avec  fou 
•chemin  couvert ,  &  un  glacis  fur 
•le  derrière  du  fort,  à  l'extréaiité  de 
Ja  butejfont  fes  ouvrages  extérieurs, 
-Il  y  a  encore  une  redoute,  qui  com- 
mande fur  l'eau. 

'  Ce  fort  eft  bâti  fur  un  rocher 
mî  efcarpé  prefque  par -tout.  Le 
tôté  le  plus  fufceptible  d'atta- 
que eft  commandé  par  la  hauteur, 
jDÙ  eft  conftruit  le  retranchement, 
^éloigné  de  400  toifes.  Auprès  dj3 
la  place,  fur  le  front  que  j'ai  décrit, 
il  n'y  a  point  de  terre  pour  y  ou- 
vrir la  tranchée,  parce  qu'on  l'a; 
«nlevée  pour    former  le  glacis. 


de  l'Amérique  Septeiitr.  Ch.  I.   3  r 

En  occupant  la  hauteur  dure- 
tranchenient,  &  en  ouvrantja  tran- 
chée dans  ie  bas  de  la  rivière,  on^ 

-pourroit  former  avec  fuccès  une 
attaque ,  y  ayant  de  la  terre  pour 
fe  couvrir  ;  &  de  la  pointe  au  Dia- 
mant il  ett  très^poffible  de  battre 
avec  de  l'artillerie  le  fort.  Ce  pofte 

.défend  auili  bien  que  Carillon ,  le 

.paffage  de  la  baye  &  celui,  de.  Ja 
rivière  de  la  Chutes;  mais  il  ^ue 
peut  empêcher  de  fe  rendre,. à. ,à. 
Frédéric  par  terre. 

Vis-à-vis  Carillon  eft  la  monta- 
gne du  Serpent  à  Sonnette,  d'où 
l'on  peut  encore  battre  Carilloiti 
avec  de  l'artillerie.  A  l'entrée  de 

^îa  baye,  il  y  a  un  paffage  à  pied 
affez  difficile  3.  dans  la  montagne 
du  Serpent  à  Sonnette ,  qui  com- 
munique avec  le  lac  George  ou 
St.  Sacrement. 

.    Les  Anglois    ont  bâti   un  jolî 
moulin  à  fcie  à  la  Chutes ,  &  conf- 

B  4 


^2    Jfîém.  fur  la  dern.  Guerre 

truitune  blachoufe  à  pouvoir  con- 
tenir 100  hommes  &  4  pièces  de 
canon.  Us  ont  auffi  racourci  ie  che- 
min du  portage  de  près  d'un  quart 
de  lieue. 

Le  chemin  efi  bon  &  peu  fuf- 
€eptib!e  de  chicane  ;  c'eft  un  re- 
vers de  montagne  dont  la  pente 
cft  très- douce  ,  borné  d'un  côté 
par  la  montagne  du  Serpent  à  Son- 
nette 5  &  de  l'autre  par  la  rivière 
de  la  Chutes. 

Avant  que  d'arriver  à  la  Chutes,' 
partant  de  Carillon,  on  rencon- 
tre un  ravin  qui  règne  fur  prefqus 
tout  le  travers  de  la  hauteur  de 
cet  ifthme.  Il  efl;  fort  profond  & 
fort  efcarpé  du  côté  de  Carillon. 
A  la  gauche  il  y  a  un  mame- 
lon (a)  qui  bat  le  paffage  de  la 
Chutes  ;  &  fur  la  droite,  ie  rideau 


C«)  C'eft,  je  crois  3  le /no/it  rfeTl/î- 


de l Amérique  Septenh\Qii.l.  33 

commande  à  une  rivière,  &à  une 
ance  de  la  rivière  de  Carillon, 

C'e(t  la  meilleure  pofition  à  oc- 
cuper avec  un  corps  d'armée  ;  l'an 
couvre  Carillon ,  tout  le  cours  de 
la  rivière  ,  &  l'on  ne  peut  y  être 
vu  de  revers ,  comme  dans  les  re- 
tranchements qui  exiftent.  Les  An- 
glois  ont  abattu  prefque  tous  les 
bois  dans  cette  partie,  fur  la  rou- 
te du  portage ,  au  pied  de  la  mon- 
tagne du  Serpent  à  Sonnette,  & 
fur  le   cap  au  Diamant. 

£n  allant  au  lac  George  par  la 
droite  de  la  rivière  au  deffus  de 
la  Chutes ,  l'on  trouve  la  rivière 
de  Bernes ,  étroite  ,  mais  profonde 
&  affez  difficile  à  paffer  pour  pou- 
voir être  chicanée.  En  la  remon- 
tant, on  va  gagner  la  coulée  des 
Arbres  Matachés. 

Le  lac  George  n'a  guère  plus 

d'une  lieue  &  demie  de  largeur, 

;  fur  une  dixaine  de  longueur.  Il  e|l 

B  ? 


34      Mêm.fur  la  dern,  Giierrt 

entaurfé  de  montagnes  fort  efcar- 
pées,  fu^tout  celles  de  la  gauche. 
En  allant  de  Carillon  au  fort  Geor- 
ge, elles  font  prefque  impaffables 
aux  gens  même  à  pied.  Celles 
de  la  droite,  quoique  fort  mau- 
vaifes,  font  paffables.  Le  détache- 
ment, aux  ordres  de  M.  le  cheva- 
lier de  Lévis,y  apaffé  pour  aller 
invertir  le  fort  George  en  1757. 
.  Nous  avions  un  camp  d'obfer- 
vation,  à  l'entrée  de  ce  lac,  appel- 
lé  le  camp  de  Contre- Cœur,  lln'é- 
toit  pas  bien  fitué,  parce  qu'il  pou- 
Toit  être  tourné  par  les  Arbres 
Matachés  &  par  le  lac,  C'eft  l'en- 
droit où  les  Anglois  ont  mis  pied 
à  terre  en  1758.  Il  n'étoit  pas 
alors  occupé, 

La  pofition  auroit  été  meilleur 
le ,  fi  elle  eût  été  un  peu  plus  en 
avant,  au  pied  de  la  montagne 
Pelée.  Un  pofte  fur  cette  monta- 
gne auroit  été  avantageux.    Ob 


de  l'Amérique  Septentr,  Ch.I.   5^ 

n'auroit  pas  pu  être  tourné  par 
terre;  mais  on  couroitfort  rifque 
d'être  dépaffé  par  le  lac,  à  moin$ 
d'y  avoir  des  bâtiments  fupérieurs. 

La  pointe  du  Nord  de  la  baye 
de  Ganaouské ,  feroit  une  pofition 
fort  bonne  pour  défendre  le  pafla- 
ge  de  ce  lac.  Le  camp  y  eft  très-fur 
&  ne  peut  point  être  tourné.  Le 
lac  eft  fort  étroit  dans  cette  par- 
tie ;  en  occupant  avec  de  i'artille^. 
rie  les  deux  petites  isles  qui  y  fonÈ 
tout  proche,  l'on  peut  bien  croi- 
fer  tout  le   lac, 

La  pofition  du  fort  George,  que 
"nous  avons  pris  &  détruit  en  1 7  5  7^ 
eft  dans  une  efpece  de  col.  Lçs 
Anglois  avoient  retranché  le^  fon^- 
mités,  pour  former  un  camp  retran- 
ché ,  crainte  d'être  tournés  paria 
baye,  laquelle  a  un  pofte  de  d^- 
fenfe,  le  rocher  à  la  Reine.  ■ 
.  Les  Anglois  ont  commencé,  en 
17  )S,  un  fort  quarré  d'environ  8.0 

B  c 


Si^    Mêm.fiirliX  dern.  Guerre 

toifes  du  côté    extérieur.  Le   bas 
du  rempart  à   plus   de    i8    pieds 
d'épaiffeuren  maçonnerie.  Le  para- 
pet eft  en  pièces  fur  pièces,  travail- 
lées fort  proprement,  remplies  de 
terre   de   douze  pieds  d'épaiffeur. 
11  y  avoit  en  17599   au  mois   de 
Décembre,'  un  bâillon  fini,  tout 
cafematé  comme  une  redoute.  Sans 
doute  les  autres  font  projetés   dans 
le  Blême  goût.    Au  delTous ,  pour 
protéger  les  ambarquements ,  il  y 
a  un  autre  fort  quarré  ,  beaucoup 
plus    petit,    que   les    Anglois  ont 
bâti  depuis  la  démolition  de  l'an- 
cien. 11  eft  fait  de  pièces  fur  piè- 
ces :  dans  le  haut ,  une  fraife  qui 
cft  un  peu  penchée  vers  le  bas , 
&  une   pièce  de  bois    qui  regric 
tout  le  tour   &   couvre  le  deflus 
du  parapet,  pour  tenir  lieu  de  cré- 
neaux.  La  pofition  de  l'ancien  fort 
démoli  eft  ponfluée  dans  la  carte. 
Le  chemin  du  portage  eft  ï6ï% 


de  P Amérique  Sepîentr.  Ch.  I.  3  7 

bon  pour  toutes  fortes  de  voiture^^ 

I  quoique  le    pays  foit  affez   mon- 

tueux;  ce  qui  le  rend  fort  favo- 

I  rable  aux  embufcades  des  partis  que 

;  nous  y  envoyions  &  qui  paiToient 

par  la  baye. 

Vers  le  milieu  du  portage ,  où 
eft  la  hutte ,  il  y  a  un  petit  fort 
en  pieux  debout  ,  pour  fervir 
d'entrepôt  àfavoiifer  les  convois  ^ 
lequel  peut  contenir  100  hom- 
mes. A  une  lieue  &  demie  de  ce 
fort ,  le  chemin  fuit  la  rivière 
d'Hudfon  ou  d'Orans:e.  Sur  la 
fomrnité  des  coteaux  à  une  lieue 
&  demie  au  àdï,  on  trouve  le  fort 
que  nous  appelions  Lydius  ,  &  les 
Anglois  Edouarit 

Ce  fort  efî  un  quarré  d'envi- 
ron 40  à  42  toifes  de  côté  exté- 
rieur ,  dont  un  côté  eft  fur  le  bord 
de  la  rivière.  Le  foiïe  a  environ 
5  toifes  de  largeur,  peu  profond. 
Le  rempart  de  la  place  eft  partie 


3  8       Mêm.  fur  h  dern.  Guerre 

en  terre  revêtu  en  fauciffons,  & 
l'autre  partie  en  terre  revêtu  en  pie- 
ces  fur  pièces. Le  parapet  eit  en  coi> 
fres  de  bois  remblayés  en  terre,  avec 
une  fraife  au  cordon  du  canon, dans 
les  flancs  &  fur  les  pointes  des 
baillons.  Les  embrafures  étoient 
fermées  avec  des  chevaux  de  frife» 
Un  petit  ruiffeau  coule  tout  le  long 
de  ces  fortifications  dans  la  partie 
inférieure  de  la  place  ,  qui  eft  com- 
mandée tout  le  tour  à  la  bonne 
portée  du  canon.  On  y  a  bâti  des 
blachoufcs  pour  le  couvrir,  &  cela 
forme  ainfî  un  camp  retranché. 
Dans  l'isle,  devant  la  place,  eft  un 
mauvais  retranchement  auffi  com- 
mandé de  par-tout.  Il  y  a  quel- 
ques corps  de   cafernes. 

Ces  blachoufes  dont  nous  ve- 
nons de  parler,  font  des  redoutes 
en  bois  contenant  deux  parties, 
quarrées.  (Les  mieux  faites  font  cel- 
les de  St  Frédéric),  Elles  oiic  ua 


de  l'Amérique  Sepfentr,  Ch.  I.   3  9 

;îûffe  de  r  >  pieds  de  largeur.  Les 
terres  jetées  en  dehors  font  mifes 
en  glacis.  On  fait  une  paliffade  obli- 
que fur  la  crête.  Le  rez  de  chauf- 
fée, qui  eft  crénelé,  fert  de  corps  de 
garde.  Dans  la  partie  fupérieure , 
Iles  angles  du  quarré  répondent  au 
milieu  des  faces  du  quarré  de  def- 
fous;  ce  qui  donne  un  oclogone. 
lll  y  a  ordinairement  des  embra- 
Ifures  de  canons  dans  le  haut,  ou- 
tre les   créneaux. 

Le  pays  autour  du  fort  Edouard, 
jquoique  montagneux  ,  feroit  pro- 
pre à  être  cultivé.  Le  payiage  en 
eft  aiTez  riant ,  fe  trouvant  far  la 
foaiQiité  des-  terres. 

La  rivière  n'eft  point  naviga- 
ble 5  une  lieue  au  delTus  de  ce  fort, 
à  caufe  de  fa  rapidité  ;  c'eil  où  elle 
fort  des  grandes  montagnes.  Elle 
y  a  une  bonne  portée  de  fufil  de 
largeur  ,  &  eit  profonde. 

A  un  quart  de  lieue  au  deffoiîs 


40       Mêm,fur  la  dern.  Guerre 

du  fort  Edouard ,  on  paOTe  la  ri- 
vière fur  un  pont  de  bois ,  &  le 
chemin  continue  dans  un  pays  bas 
&  marécageux ,  pendant  une  lieue. 
Les  deux  autres  lieues  de  là,  juf- 
ques  au  fort  Millier ,  l'on  contour- 
ne le  bas  d'une  côte  dont  on  a 
coupé  les  terres  pour  y  pratiquer 
le  chemin.  Ces  terres  mouvantes , 
à  caufe  de  la  rivière ,  ont  obligé 
de  le  couvrir  de  rondins,  pour  raf- 
fermir. C'eit  un  travail  coniîdérable. 

Le  fort  Mûller  eil  un  petit  quar- 
ré  à  contenir  200  hommes,  bâti 
partie  en  terre  ,  partie  en  pièces  fur 
pièces.  11  paroît  nouvellement  conC- 
truit,  &  n'étoit  pas  encore  fini, 
lorfque  M.  Pouchot  y  paflTa.  11  efl 
dans  un  pays  bas,  marécageux  8c 
plein  de  boue.  On  joint  la  rivière 
à  une  portée  de  fufil  de  ce  fort, 
&  c'eft  là  le  commencement  du  | 
chemin  décrit  ci-deffus. 

On  compte  douze  miUeSpdu  ÎQit 


de  fAmériqus  Sepîe'dtr.  Cn.  L  43 

Vlùller  à  Saratoga  ou  Sarafto.    A 

}  ne  lieue  &  demie,  avrint  d'arriver 

i  ce   fort ,    la  rivière  paffe  entre 

îeux  collines  affez  élevées  ia'):, 

:e  qui  forme  un  bon  pofte.    Les 

iiontagnes  à  droite  &  à  gauche  de 

':ette  vallée,  font  fort  élevées,  &  les 

eaux  de  la  rivière  y  font  belles, 

;    Saratoga  eft  à  l'extrémité  d'une 

'.jprairie,  dans  un  recoude  de  la  ri- 

rtiere.  11  eft  bâti  en  terre ,  revêts 

de   fauciffons ,    &   peut  contenir 

300  hommes  de  garnifon.  Il  y  a 

un  rideau ,  à  une  portée  de  canoîî 

du  fort,  qui  le  commande,  c'eft  une 

jpeloufe,  gravois  &  roches. 

De   Saratoga    on  fuit  toujouts 
la  rivière,  dans  des  efpeces  de  prai- 


(a)  Ceft  par  ce  défilé,  que  l'infor- 
tuné Bourgoyne  comptoit  faire  fa 
retraite;  mais  les  Américains  ayant 
paru  à  la  tête,  il  fut  obligcdefigner  5 
|le  16  Oclobre  1777,  la  capitulation 
iqUe  tout  Is  monde  eonnoit. 


42     Mêm.  [urladern.  Guerre      I 

ries  ou  pacages.  L'on  rencontre! 
deux  chutes  fur  cette  route, jufquesi 
à  Stil-^x'v^arter.  A  la  première,  il  y  ! 
a  des  moulins  a  fcie.  On  y  conf- 
truifoit  des  bateaux.  On  peut  arr 
-river  tout  près  de  la  Chutes  paj: 
eau  ,  &  au  defibus  on  s'embarqupl 
.tout  de  fuite.  Il  en  efl:  de  mén>e 
de  la  féconde. 

Stil- Water  efl  un  peu  plus  pe- 
tit que  Saratoga,  &  conltruit  de 
-niême.  Ce  n'eft  qu'une  grande  re- 
doute à  étoile  en  terre ,  revêtue  en 
Jauciffons,  avec  un  fofle  de  i8 
pieds  de  largeur,  fraifé.  Ce  fo^t 
efl  dans  une  prairie,  &  comman- 
dé à  la  portée  du  fufîl  par  un  ri- 
deau qui  l'environne ,  derrière  le- 
quel on  pourroit  placer  3^4  mille 
hommes,  ce  qui  rend  ce  pofle  fort 
mauvais.  C'ed  l'entrepôt  des  vi- 
vres &  autres  effets  qui  montent 
d'Albany ,  pour  être  tranfportés  au 
fort  George.  L'on  y  vient  de  cette 


de  -  fJviériû'ie  Sepîentr.  Ch.L   4s 

riîle  par  e^u ,  dans  des  bateaux 
plats  qui  refîemblent  à  des  bacs  ^ 
&  qui  vont  cependant  à  la  voile, 

La  marée  remonte  jufques-ici. 
Les  charrois  depuis  ce  pofte  fe 
font  par  terre ,  à  caufe  des  deux 
chutes  5  &  quelques  batures  qui  fe 
trouvent  dans  le  cours  d;e  la  rivière. 
■D'ailleurs  elle  eil; large,  a  un  bon 
courant    &  de  la  profondeur. 

L'entrepôt  des  voitures  qui  char- 
rient les  effets  de  Stii-Water  au 
jfort  George,  eft  un  pofte  appelle 
Halfmund ,  ou  la  demi-iune.  11  y 
avoit,  en  17 î^,  400  charriots  en- 
tretenus pour  le  fervice  de  l'arniéf, 
payés  à  1 2  1.  par  jour  ,  les  hom- 
mes &  les  chevaux  nourris ,  qu'ils 
fuflent  employés  ou   non. 

Depuis  le  fort  Edouard  jufques 
à  Stil-Water,  la  vallée  eft  ferrée, 
les  montagnes  fort  hautes ,  fur- 
tout  du  côté  de  la  Connedicuts 
les  penchants  roides  &  cependant 


44     Mêm.  fur  h  dern.  Guerre  ■  \M 

fufceptibles  de  culture.  11  y  a  un 
chemin  depuis  le  fort  Edouard, 
qui  communique  dans  la  Con- 
neflicut  &  à  Bofton, 

Les  montagnes  commencent  à 
s'abaiiîer  à  Stil-Water,  &  le  pays 
à  y  être  cultivé,  llalfmund  eft  une 
mauvaife  redoute ,  au  bout  d'une 
prairie ,  au  confluent  de  la  riviè- 
re de  Mohack,  qui  forme  un  de- 
mi -  cercle ,  ce  qui  lui  a  donné  ce 
nom. 

A  l'extrêaiité  de  la  prairie,  qui 
peut  avoir  un  quart  de  lieue ,  on 
monte  une  côte  affezroide,  à  deux 
milles  de  laquelle  on  pafîe  la  ri- 
vière des  Agniers  ou  de  Mohack, 
dans  un  bac  ,  demi-lieue  au  deiïus 
de  la  chùce  de  cette  rivière.  Sur  la 
rive  oppofée  au  bac  ^  étoit  une 
redoute  commencée  en  pièces  fur 
pieces,pour  couvrir  ce  paOTage  con- 
tre nos  partis.  La  chute  de  cette 
rivière  eft  belle;  elle  à  75  pieds 


j 


ie-r Amérique Septeiifr.  Ck.I.  4f 

de  hauteur  (  a  )  prefque    à  pied. 

Le  chemin,  pendant  deux  lieoes^ 
bontourne  dans  des  coteaux,  pour 
regagner  le  fond  de  la  vallée  d'Hud- 
ifon.  Cette  partie  efi  très-propre  à 
favoriler  des   enibufcades. 

Dès  qu'on  arrive  au  pied  de  la 
defcente ,  l'on  fuit  toujours  la  ri- 
vière d'Hudfon  au  pied  des  petits 
coteaux,  qui  font  allez  roides.  Ils 
font  plus  élevés  de  l'autre  côté  de 
la  rivière. 

Prefque  au  bout  du  faux-bourg 
d'Orange ,  l'on  paiïe  far  un  pont^ 
un  ruiffeau  fur  lequel  il  y  a  beau- 
coup de  machines.  Albany ,  ou 
Orange,  eft  bâti  fur  le  penchant 
d'une  colline  qui  aboutit  fur  la  rl- 
Tîere  d'Hudfon  ,  autrement  appel- 
lée  Albany  ou  Orange.  Elle  a,  la 
forme  d'un  triande  dont  la    bafc 


(a)  Et  non  pas  fo,  comme  M.  de 
Buffoii  l'a  cru.  Jrlift.  nat.  T.  H.  p.  %9. 


4<^     Mân.  fur  la  dern.  Guerre 

cft  un  beau  quai  le  long  de  la  ri- 
vière ,  avec  des  jetées ,  ce  qui 
forme  un  joli  port.  Les  b:îrques  ;. 
feoaux  &  goélettes ,  montent  de  la 
mer  à  Albany  ,  où  il  le  fait  un  boa 
commerce. 

Au  ibmmet  du  triangle  eft  une 
citadelle  revêtue  en  pierre;  c'eft  uti 
quarré  de  40  toifes  de  côté  exté- 
rieur ,  avec  un  flmple  foITé  d'en- 
viron 20  pieds  de  largeur,  fans 
glacis.  Elle  eil  commandée ,  &  Ton 
peut  en  approcher  du  côté  du  S. 
par  des  cavités,  jufques  à  la  portée 
du  piftolet. 

11  y  a  à  côté  de  la  ville  un  très- 
bel  hôpital  5  bâti  en  bois  par  le  gé- 
néral Loudon,  où  l'on  pourroit  lo- 
ger environ  i  >oo  malades. Les  rues 
d'iilbany  \ont  belles ,  larges ,  bien 
percées  &  bien  alignées ,  mais  fans 
pavé,  ce  qui  les  rend  boiieufes. 
Les  maifons  ïont  proprement  bâ- 
ties à  la  flamande.  Cette  ville  peut 


de  Mmériqus  Sepfentr.  Ch.I.  47. 

:ontenir  cinq  à  fix  mille  ames^' 
brefque  tous  Hollandcis  d'origi- 
le  ou  Flaiiians. 
Du  côté  du  nord  de  la  ville^  il 
a  un  ravin  profond  qui  prend 
laiffance  près  de  la  citadelle.  On 
l'eft  fortifié  fur  fes  bords  par  un 
3on  foffé  &  une  paliiïade.  Le  reftc 
le  la  place  eft  entourré  de  gros 
3ieux  debout,  de  près  d'un  pied 
le  diamètre  ,  &  de  1 1  à  16  pieds 
îe  haut.  Malgré  tout  cela  cette. 
}lace  n'eft  point  à  l'abri  d'un  coup 
le  main  :  de  l'autre  côté  de  la  ri- 
riere,  il  y  a  un  chemin  qui  eft  a(îez 
)on.  11  communique  d'Orange  à  la 
Conneclicut  &  à  Éofton. 

La  rivière  d'Hudfon  a  un  bon 
juart  de  lieue  de  largeur ,  qu'elle 
:onferye  jufques  au  delà  des  raon- 
agnes  d'iffenglafs.  Elle  a  un  cou- 
'ant  doux,  &  une  bonne  profon- 
ieur  ,  fans  prefque  aucune  bature. 
.1  n'y  a  peuc-é^re  point  de  navi- 


4  s     Êléni.  fur  la  dern.  Guerre 

gation  plus  fùre  ;  auffi  les  bâdnieRts 
qui  montent  de  la  Mouveile-Yorck 
à  Albany ,  n'ont  ordinairement  que 
trois  hommes  d'équipage.  Il  y  ai 
prefque  par -tout  bon  fond  pour 
mouiller  dans  l'E.  ou  i'O.  L'on 
choifit  fuivant  les  vents. 

Les  rives  de  chaque  côté  font 
élevées ,  &  forment  une  chaîne 
de  coteaux  couverts  d'affez  mau- 
vaifes  terres.  Les  habitations  font 
féparées  les  unes  des  autres,  d'en-j 
viron  trois  quarts  de  heue.  Hor- 
mis quelques  maifons  de  quelques 
particuliers  aifés ,  le  pays  a  un  air 
pauvre  &  défert ,  comme  les  mau- 
vais pays  dans  nos  montagnes  d'Eu- 
rope. 

On  trouve  quelques  embouchu-, 
res  de  rivière  dans  le  cours  de  cci 
fleuve,  qui  ne  paroiffent  pas  na- 
vigables ,  <k  quelques  mauvais  vil- 
lages. L'on  dit  l'intérieur  des  ter- 
res,  le  long  de  ces  rivières,  mieux. 

habité , 


I 


de  f  Amérique  Septentr.  Ch.  I.  49 

habité  ,  fur-tout  le  long  de  la  ri- 
fiere  Sopus.  Le  pays  ne  promet 
cependant  rien  de  beau  ,  étant  fort 
montueux  &  rempli  de  gros  cail- 
loux ou  roches  détachées. 

A  iîx  lieues  au  deffous  d- Albany, 

pn  trouve  deux  isles   qui  forment 

jtellement    des  batures   fur  tout  le 

icravers  de  la  rivière,  que  les   bâ* 

ciments  chargés  ne  peuvent  paiïer 

:|u'en  pleine  marée.   11  y  a  deux 

Dafiliges ,  l'un  allant  droit  fur  Tisle 

\q  la  gauche,   &  la  contournant 

ont  court,  c'eft  le  plus  mauvais 

)air3ge;  Pautre   entre  Tisle  de  la 

koite  &  la  terre  de  l'Oueft ,  où 

ft  un  village.   L'on  va  droit  fur 

e    village ,    retournant    fur  i'isle 

I  n'en  fuite  l'on  cotoye. 

Quoique  cette  navigation  foit 
rès -fréquentée,  il  y  échoue  ce- 
pendant fouvent  des  bâtiments, 
nais  fans  danger ,  fur  de  la  vafe. 
3n  l'appelle  la  bature  du  Diable. 
Ti)77ie  IIL  C 


f  I     Mém.  fur  la  dern.  Guerre 

C'efl:  la  feule  difficulté  remarqua- 
ble que  l'on  rencontre  dans  cette 
navigation,  dont  une  curiofité  eft 
de  voir  une  quantité  prodigieufc 
d'éturgeons  qui  fautent  perpétuel- 
lement hors  de  Peau  pendant  Tété. 

A  douze  lieues  au  deifous  de  ce 
paffage ,  on  voit  fur  la  droite  un 
grouppe  de  grandes  montagnes,ap- 
peliées  Kaatshilis  5  qui  s'étendent 
bien  avant  dans  le  haut  de  la  Fen- 
filvanie.  Ce  font  les  plus  hautes 
de  ces  contrées ,  &  ne  le  cèdent, 
point  à  nos  Alpes ,  excepté  qu'elles* 
île  confervent  pas  de  la  iiQig^  Tété. 
Elles  font  fort  roides ,  &  de  fimples 
rochers  couverts  de  bois. 

A  une  quinzaine  de  Heues  au 
delà,  l'on  entre  dans  des  monta- 
gnes ,  appellées  Ifîoglas ,  qui  fans 
être  bien  élevées  font  roides  pref- 
que  à  pic  dans  la  rivière  ;  ce  font 
généralement  des  chaînes  de  ro-- 
ciers  couverts  d'aGbz  m.tavais  bois,,  i 


de  l'Amérique  Septentr,  Ch.  L    ^  ï 

dont  on    fait  un  grand  commer- 
ce à  la  Nouvelle-Yorck. 
I    On  contourne  dans  les  finuo- 
Qtés  de  ces  montagnes  l'eipace  de 
If.  lieues.    11   y  a   cependant    des 
bouillages  dans  quelques  racros» 
pour  fe  mettre  à  l'abri.   Si  on  ne 
!s  attrapoit  pas ,  on  feroit  en  dan- 
er  dans  des  gros  tems.    La  rivière 
"  conferve  toujours  à-peu-près  fa 
îême  largeur.  Le  courant  eit  affez 
;)rt ,   ce  qui  fait  que  l'on  n'y  na- 
igue    qu'avec  les  marées ,  qui  y 
lontent  &  defcendent  affez  rapi- 
ment.    On  mouille ,  lorfque  la 
larée  n'eft   pas    favorable ,    ainfî 
iQ  dans  tous  le  cours  de*  cette  na- 
gation,  à  moins  d'avoir  un  bon 
""Tit  qui  faiTe  refouler  le  courant. 
'   Il  fe    forme  là  une    féparation 
e  pays ,  que  l'on  pourroit  appeiier 
i.s  pays  à't:ï  haut  &  à'tn  bas.  Il  y 
¥roit  de  fort  bons  poiles,  pour 
:uper  la  communication  avec  k« 

■        ■   C  S 


i[ 


fi     Mim,  fur  la  dern.  Guerre 

pays  bas  &  la  mer.  Il  y  a  fur-tout 
à  l'entrée  de  cette  gorge  une  petite 
isle,  qui  barre  bien  la  rivière  &  n'eft 
point  commandée  par  les  terres. 

A  là  fortie  des  montagnes ,  à  la 
gauche ,  la  rivière  forme  une  pe- 
tite baye,  que  Ton  prendroit  faci- 
lement pour  le  chenal  de  la  riviè- 
re en  remontants  à  juger  de  fon 
entrée  dans  les  rochers.  A  la  for- 
tie, fur  la  droite^  le  pays  offre  deux 
ou  trois  lieues  d'écors  fort  élevés. 

Le  pays  ne  s'ouvre  pas  moins 
agréablement  à  la  fortie  de  ce  dé- 
troit, &  ne  paroït  qu'une  belle 
pleine  avec  un  payfage  fort  riant, 
bien  cultivé ,  &  couvert  de  niai- 
fons  bien  bâties.  La  rivière  a  pres- 
que toujours  une  lieue  de  largeur, 
depuis  cette  fortie  jufques  à  la 
Nouvelle- Y  orck. 

Cette  chaîne  de  montagnes  que 
Ton  vient  de  décrire ,  court  E.  &| 
O,  tout  le  long  des  provinces  an-j 


de  l'Amérique  Septmtr.  Gh.  I.   ^  S 

gloifes ,  à- peu-près  à  la  même  dif- 
tance  de  la  mer  ;  elle  empêche  les 
autres  rivières  de  ces  contrées  de 
communiquer  de  h  mer  avec  l'in- 
térieur du  continent,  comme  on 
le  verra  ci- après. 

La  feule  rivière  d'Hudfon  procuire 
une  navigation  avantageufe  avec 
l'intérieur  des  terres. Où  finit  la  ma- 
rée dans  cette  rivière  ,  l'on  trouve 
fur  les  montagnes  au  delTus  les 
fcurces  de  la  Delaware  &  de  la 
Sufquehana  (a). 

Le  cours  de  cette  rivière  forme 
fans  contredit  la  plus  belle  entrée 
de  cette  partie  du  continent  de 
l'Amérique  ,  nommée  Canada ,  qui 
ipourroit  communiquer  par  là  toute 
l'année  avec  l'Europe  ;  ce  que  l'on 
ne  peut  pas  faire  par  le  fleuve  St. 

(a)  Cbrervation  importante,  pour 
juger  de  l'élévation  &  de  la  pente  des 
terres  du  Goiitinentde  l'Amérique  Sep- 
tentrionale. 

C  3 


f4       Mem.furîadern.  Guerre 

Laurent.  Par  le  moyen  de  la  riviè- 
re des  Agniers ,  vous  vous  trouvez 
fans  aucune  difficulté  confidérable 
au  milieu  des  terres  &  des  lacs. 
La  province  de  la  Nouvelle- 
Yorck  contient ,  tout  le  cours  de 
îa  rivière  d'Hudfon  ,  vingt  milles  de 
chaque  côté  de  ce  fleuve ,  tout  le 
cours  de  la  rivière  des  Mohacks,  ou 
des  Agniers,  &  la  Longue-Isle  ou 
Long-Island.  La  Nouvelle- Yorck, 
ou  New-Yorck  ,  ou  la  Menade  ,  eft 
une  fort  jolie  ville ,  dans  une  efpe- 
€e  d'isle  formée  par  un  petit  bras 
de  la  rivière  d'Hudfon,  qui  tombe 
dans  le  bras  de  mer  qui  féparc 
la  Longue-lsle  de  la  Terre  Ferme, 
Les  rues  de  cette  ville  font  fort 
larges,  toutes  pavées,  quelques- 
unes  garnies  d'allées  d'arbres  ;  les 
maifons  font  bâties  à  l'hollandoift,! 
beaucoup  en  bois ,  &  de  jolie  conf 
trudion  :  elle  eft  riante  &  forl 
commerçante  3  tout  le  monde  y  si 


de  l'Amérique  Septentr.  Ch.  I   f  T 

un  air  aile.  Elle  peut  avoir  1 5  à 
18  mille  âmes. 

Le  grand  port ,  qui  eft  du  côté 
qui  regarde  la  Longue-Isle,  eit  tou- 
jours plein  de  bâtiments  marchands 
qui  partent  &  arrivent  continuelle- 
ment ;  il  y  en  a  ordinairement  2^0 
à  300  dans  le  port.  II  ne  peut 
pas  y  mouiller  des  vaiffeaux  de 
plus  de  30  pièces  de  canon.  Il  y  a 
jun  peu  plus  de  fond ,  du  côté  de  la 
iriviere  d'Hudfon.  Le  port  de  ce  côté 
eft  cependant  beaucoup  moins  fré- 
quenté, parce  que  Ton  n'y  eft  pas  à 
l'abri  des  vents  de  S.  Lesbaturesque 
l'on  rencontre  depuis  Sandy-Houc 
empêchent  fans  doute  des  bâti- 
ments d'une  plus  grande  force  de 
remonter  cette  rivière. 

Il  y  a  à  New-Yorck  des  pilotes 
côtiers ,  entretenus  pour  conduire 
les  navires  depuis  la'pafle  de  Sandy- 
Bouc  (^)  jufques  à  New- Y orck » 

(a)  L'ortographe  de  ce.  nom  eft  ici 

C4 


ii 


ç^"       JHém.fur  la  dern.  Guerrt 

qui  font  payés  aOTez  chèrement. 
On  a  fait  le  long  des  quais  de  cette 
ville  des  petits  éperons  pour  fervir 
de  loge  aux  bâtiments  qui  mouil- 
lent tout  à  fait  à  terre,  &  on  les 
décharge  avec  des  planches  ou 
ponts  volants. 

Cette  ville  n'eft  point  forti- 
fiée (a).  Elle  a  feulement  une  ci- 
tadelle fur  la  pointe  de  la  terre  des 
(deux  paffes.  C'eft  un  quarré  d'en- 
viron foixante  toifes  de  côté  exté- 
rieur, revêtu  en  bonne  maçonne- 
rie ,  fans  foffés  ni  chemin  couvert. 
Elle  eft  bien  munie   de  canons. 

Au  front  qui  eft  fur  la  pointe 
delà  terre  ,  on  a  conftruit  fur  des 

félon  la  prononciation.  Sandy-Hock 
fîgnifie  proprement  un  crochet  de  fa- 
ble i  ce  qui  eft  relatif  à  la  figure  de 
eette  pointe-  de  terre. 

(a)  On  doit  toujours  fe  rappeller 
que  fauteur  parle  de  l'état  de  ces 
contrées ,  tel  qu'il  étoit  dans  la  der- 
nière guerre.  j 


de  l'Amérique  Septentr.  Ch  J.     f  7 

crans  de  rochers  un  mur  de  13 
pieds  d'épailTeur,  qui  forme  un  re- 
tranchement, &  une  efpece  de  faut 
fe  braye  a  la  citadelle ,  dans  la- 
quelle il  y  a  90  pièces  de  canon 
en  batterie,  depuis  12  jufques  à 
24.  livres  de  balles.  Les  plate-for- 
mes font  toutes  en  grandes  pier- 
res plates.  Ces  pièces  font  toutes 
montées  fur  des  affûts  marins.  Elles 
Dattent  bien  l'entrée  du  bras  de  mer 
&  une  petite  isle  qui  fert  de  laza- 
ret pour  la    quarantaine. 

Les  bâtiments  pourroient  remon- 
ter la  rivière  ,  en  rangeant  un  peu 
la  côte  de  TO,  &  l'on  pourroit 
venir  débarquer  au  deflus  de  la 
ville,  qui  n'eil:  fermée  du  côté 
de  terre  que  par  des  pieux  de- 
bout ,  comme  Orange.  Cette  place 
ift  fufceptible  d'être  très- bien  forti- 
Rée,  n'ayant  qu'un  front  fur  la  terre, 
^ui  eft  même  avantageux.  Il  don- 
le  naturellement  des  feux  croifés 


f  8     Mem.  fur  la  dent.  Guerre 

fur  des  bas-fonds  qui  fe  trouvent 
en  avant,  &  fes  côtés  étant  élevés 
commandent  fur  la  rivière  de  30 
à  40  pieds. 

Les  vaiffeaux  de  guerre  ne  vien- 
nent qu'à  Sandy-Houc  (  a  )  ,  fitué 
à  dix  ou  douze  lieues    au  detfous 
de  -'New-Yorck.   Le  mouillage  y 
cft  très  -  bon  ,  a  l'abri  des  vents  de  j 
S.   par  des  petites  montagnes  qui  ! 
forment  un  cap.  Il  fe    trouve  là 
une  grande    bature  ,  qui  s'étend 
aiTez  au  large  dans  la  mer.    Klle 
Tient  delà  Longue-Isle,  &  oblige 
les  bâtiments  en  entrant  pour  ga- 
gner ce  mouillage ,  à  des  précau- 
tions, auffi  bien  qu'en  fortant. 

£n  venant  de  la  mer  ,  on  porte 
le  Cap  droit  fur  ces  petites  mon- 
tagnes ;  après  quoi  Ton  arrive  fuir 

{a)  L'amiral  Howe  a  montré,  ea 
3778>  qu'ils  pouvoient  mobilier  beau* 
^oup  plus  afant. 


de  f  Amérique  Septentr,  Ch.  I.   f  9 

la  pointe  de  fable,  que  l'on  rafe  à  la 
iportée  du  fufil ,  toujours  la  fonde 
là  la  main.  Dès  que  l'on  a  paffé  cette 
ipointe  5  il  y  a  toujours  bon  fond, 

Qiiand  on  veut  monter  la  ri- 
vière pour  gagner  l'isle  des  Etats , 
il  y  a  auffi  quelques  détours  à  pren- 
dre ;  il  faut  ranger  un  peu  la  côte 
de  la  Gerfey,  fuivre  celle  du  N- 
E.  de  l'isle ,  &  de  là  l'on  tient 
le  milieu  de  la  rivière  jufques  à  la 
hauteur  du  bras  de  mer  j  ou  de  la 
citadelle  :  enfuite  on  eoire  dans  ce 
bras  de  mer,  qui  efl:  le  port.  En  ve- 
nant du  Khode- Island  à  la  Nou- 
velle -  Yorck  par  ce  bras ,  l'on 
trouve  un  petit  détroits  appelle 
Heltgat ,  que  Ton  ne  peut  paiTet 
qu'en  pleine  marée  ,  à  caufe  des 
courants  &  des  tourbillons  qui  s'y 
forment  &  qui  jettent  fur  des  ro- 
chers. 11  eft  à  trois  lieues  au  def- 
fus  de  la  Nouvelle  -  Yorck. 

Au  defflis  dé  l'isle  des  Etats,:  il  fe 
C  ^ 


C6     Mêmjurladern.  Guerre 

trouve  une  petite  isle  où  il  y  a  une 
maifon  de  campagne.  On  y  pour- 
roit  former  un  dépôt. 

Le  pays  à  l'Ê.  d'Yorck ,  en  al- 
lant dans  la  Connedticut,  eft  rem- 
pli de  monticules.  Tout  y  eft  bien! 
cultivé.  Je  n'entrerai  dans  aucun 
détail  far  ces  contrées.  Je  dirai 
feulement  qu'elles  font  toutes  gé- 
néralement divifées  en  comtés  ou 
fchires ,  que  les  habitations  font 
toutes  éparfes  :  chacune  eft  de  900 
arpents  de  terres  ;  elles  confinent 
les  unes  aux  autres  5  en  tout  fens. 
Les  villes ,  ou  chefs  -  lieux  de  cha- 
que comté,  font  des  amas  de  quel- 
ques niaifons,  fans  avoir  rien  de 
çonfidérable. 

Lorfque  le  gouvernement  de 
chaque  province  levé  des  milices, 
elles  ne  font  fur  pied  que  fix  mois. 
Ils  ne,  donnent  les  lettres  aux  offi- 
ciers que  pour  ce  tems ,  ce  qui  ne 
leur  donne  pas  une  grande  confî- 


de  t Amérique  Septentr,  Ch.  1.   Cî 

■S 

dératioii  parmi  eux.  Souvent  tel  a 
été  officier  une  campagne  ,  qui  y 
retourne  foldat  la  fuivante  ,  enfui- 
te  il  redevient  officier,   &c- 

Tout  le  peuple  de  ce  pays  eft 
clafle  en  compagnies  de  loo  hom- 
mes. Lorfque  l'on  forme  des  ba- 
taillons ,  on  les  compofe  d'un  cer- 
tain  nombre  d'hommes  de  ces 
compagnies.  Chaque  habitant  peut 
mettre  un  milicien  à  fa  place , 
qu'il  ioue  pour  les  fiK  m.ois  de 
campagne  ,  depuis  Mai  jufqoes  au 
1^^  Novembre.  Des  habitans  ont 
donné  jufques  à  80  piaPa'es  à  leurs 
reprélentans.  Qjielques  uns  ont  af- 
furé  à  M.  Pouchot  d'avoir  reçu  juf- 
ques à  IX  &  i  <;co  livres.  Les  mili- 
ces font  prefque  toutes  compofées 
de  gens  loués  dans  ce  goût. 

Un  pourra  juger  de  la  popula- 
tion de  ces  pays,  par  le  détail  fui- 
vant.  Pendant  la  guerre  contre  le 
Canada ,  on  a  levé  à  2,  hommes  par 


^2     Mém.fur  la  dern.  Guerre 

compagnies.   La  Nouvelle-  Angle- 
terre  &   la  ConneclicLit    fournif- 
foient      ....     7000  hoiii. 
La  Nouvelle  -  Yorck,   2900, 
La  Nouvelle  -  Gerfey,  3000, 

âinfi  des  autres  provinces  pro 
portîOEinellenient. 

La  Longue-isle  a  2  ,  3  ,  4,  & 
cinq  lieues  de  largeur,  fur  trente  de 
long.  La  moitié  de  cette  isle  ,  fur- 
tout  du  côté  de  la  Nouvelle- Yorck, 
eft  unie  ,  très  -  riante  .  bien  habi- 
tée ,  &  quoique  le  terrein  y  foit 
d'un  fable  graveleux  ,  elle  ne  laifTe 
pas  que  d'être  fertile.  L'autre  par- 
tie eît  plus  montueufe  &  n'eft  pas 
auffi  fertile  ;  on  y  feme  peu  de  fro- 
ment, mais  beaucoup  de  bied  d'In- 
de. On  y  élevé  beaucoup  de  bef- 
tiaux  ;  ce  qui  fait  un  commerce 
confidérable  de  falaifons,  deftinées 
pour  les  ides  de  l'Amérique.  11  y 
a  autant  d'habitans  dans  cette  isle 


de  P Amérique  Septentr.  Ch.  l,  6^ 

feule  que  dans  tout  le  Canada  (  a  ). 

L'on  ne  feme  pas  beaucoup  de 
bled,  dans  les  provinces  de  la  Nou- 
velle -  Angleterre  &  de  Connec- 
ticut;  mais  on  y  élevé  une  quanti- 
té prodigieufe  de  beftiaux ,  dont 
ces  pays  font  un  grand  commerce 
avec  les  isles. 

La  Nouvelle  Gerfey  eft  leur  ma- 
gafin  à  grains.  Cette  province  eft 
prefque  toute  dans  un  pays  plat, 
remplie  de  petites  rivières  où  la 
marée  monte  ;  ce  qui  favorife  ex- 
trêmement rimportation  &  l'ex- 
portation des  denrées.  On  y  élevé 
aiiffi  beaucoup  de  beftiaux.  lly  a 
des  mines  de  fer  &  de  cuivre;  on 
y  fabrique  de   l'artillerie    à  Tufage 

{a)  Cela  n'eft;  point  vrai.  M.  Pou- 
chot  avance,  dans  une  note  manu fcri- 
te  ,  qu'il  y,  a  près  de  ^oooo  âmes  dans 
Long  -  h'jfid^  OU  Longue- Isle.  Or 
dans  le  Canada  on  comproit  à  la  fin  de 
laderaiere  guerre  plub de  ^ooooames^ 


€4-      Mêm,  fur  h  dern.  Guerre 

de  leurs  vaiffeaux  marchands.  Il 
n'y  a  aucune  rivière  confidérable 
dans  cette  province ,  niais  plu- 
fieurs  bons  ports,  fur- tout  en 
bois ,  où  l'on  dit  que  les  plus  gros 
vaiffeaux  peuvent  mouiiler. 

A  l'égard  de  la  rivière  de  Con- 
nedicut ,  quoiqu'elle  foit  alFez  pro- 
fonde &  ait  un  courant  facile  pour 
la  navigation  ,  elle  leur  eft  cepen- 
dant de  peu  d'utilité,  la  marée 
n'y  montant  guère  avant  dans  les 
terres.  D'ailleurs  ,  il  y  a  4  à  f 
chûtes,  ou  rapides,  dont  plufieurs 
obligent  à  faire  des  portages. 

La  Delaware  fert  pour  la  naviga- 
tion intérieure  de  la  Penfylvanie. 
Elle  îi'eit  cependant  pas  m'oins  dif- 
ficile que  la  rivière  de  Connedi- 
cut ,  &  n'a  de  communication  avec 
aucune  frontière  du  canada ,  de 
même  que  la  rivière  Schuilkill,  qui 
eft  peu  profonde ,  &  a  auffi  plu- 
fieurs rapides. 


de  f  Amérique  Septentr.  Ch.  I.   6"^ 

Dans  la  province  de  Penfylva- 

ie ,  les  gros  bâtiments   montent 

jjufques  dans  le  fond  de  la  baye  de 

iDelaware  ,  cinq  lieues  au  deffoas 

|de  Philadelphie. 

La  nation  des  Loups  defcen- 
doit  près  des  fources  de  ces  deux 
rivières,  pour  attaquer  les  habita- 
tions angloiies  de  cette  province  ^ 
&  y  avoit  fait  beaucoup  de  dé- 
gât 5  étant  très  -  écartées  les  unes 
des  autres  fur  -  tout  fur  les  frontiè- 
res des  pays  habités. 


>' 


€6     Ment,  fur  la  dern.  Guerre 


CHAPITRE     IL 

Du  jîeuve   St.     Laurent  ,    depuiv 
Mont 'Real  jufqu'à    Chouegen, 

V^uoiauE  le  fleuve  St.  Lau- 
rent loi t  fort  connu,  l'on  n'a  ja- 
mais parié  que  fuperficiellement  de 
fa  navigation  ,  depuis  Mont-  Kéal, 
où  commencent  fes  rapides ,  juf- 
ques  au  lac  Ontario.  Un  donnera 
des  détails  particuliers  de  cette  na- 
vigation &  des  difficultés  que  l'on 
y  rencontre. 

On  obfervera  d'abord  que  ce 
fleuve  n'efl  navigable  au  plutôt 
que  vers  le  i  ^  Avril ,  tems  où  les 
glaces  partent  ou  fondent.  C'efl; 
ordinairement  le  plein  de  la  lune 
de  Mars,  qui  décide  de  cette  faifon , 


de  P Amérique- Sepîentr.CBÀÏ.   &j 

liivant  qu'elle  fe  trouve  avancée. 

Les  rivières    commencent  à  gê- 

er  en  Canada,  vers  le  i^^  Décem- 

re  ,  quelquefois  plutôt  ,   lorsque 

les  vents  font  dans  le  N.  O.  ;  mais 

les  glaces  en  général  ne  font  bien 

prifes  que  vers  les  Rois. 

On  peut ,  pendant  la  grande 
gelée  ,  charier  depuis  Québec  , 
Mont -Real,  juR]uesaax  Cèdres^ 
toutes  fortes  de  cliofes ,  même  de 
l'artillerie ,  fur  les  glaces  de  la  ri- 
vière, excepté  dans  les  rapides 
qui  ne  gèlent  jamais.  Mais  dans 
ces  endroits  on  a  pratiqué  des 
bons  chemins  par  terre. 

Ces  voitures  faites  dans  l'hyver 
peuvent  faire  gagner  quinze  jours 
de  tems ,  pour  la  navigation  des 
pays  d'en  haut,  parce  que  le  lac 
St.  François  (  ^  )"  déprend  avant  le 


(  a  )  Ce  lac  n'eft  proprement  qu'une 
cxtenfion  du  fleuve  5  en  largeur. 


C8     Mhn.fur-  la  dern.  Guerre 

fleuve  5  &  que  dès   que  ce  lac  ef 
libre  5  ce  qui  arrive  quelquefois  er 
48  heures ,  ia  navigatioîi  jufquesi 
Frontenac  l'efl  auffi,  à  caufe  di| 
la  différence  du  clim?it.  "  j 

De  Qiîébec  à  Mont- Real,  lii 
navigation  ne  rencontre  de  diffi- 
culté un  peu  conlidérable  5  quel(| 
rapide  de  Richelieu,  où  les  maréeî| 
finiffent  d'être  fenfibles.  On  le  re-i 
monte  par  un  vent  frais.  1 

Les  vents  étant  généralement  1 
plus  fouvent  dans  le  S.  O.  que| 
dans  le  N.  E.  en  Canada ,  cela 
rend  la  navigation  encore  plus  lon- 
gue, pour  monter  en  quelque  en- 
droit quecefoit  de  ces  contrées, 
que  pour  en  revenir.  On  peut 
mouiller  par -tout  dans  le  fleuve, 
parce  qu'on  y  rencontre  fréquem- 
ment des  isles  ,  pour  fe  mettre  à 
l'abri  des  vents. 

Les  frégates    peuvent    monter* 
jufques  àSorei,  &  les  gros  bâti- 


Ide  I" Amérique  Septentr.  Ch.II.   6'^ 

ents  marchands  jufques  au  pied 
u  rapide  de  Ste.  Marie,  un  quart 
le  lieue  au  deffbus  de  Mont-  Real. 
is  peuvent  mouiller  entre  Tisle 
■te.  Héleine  &  la  terre  du  nord. 
!  Les  bâtiments  font  quelquefois 
[uinze  jours  &  même  un  mois ,  à 
ttendre  un  vent  de  N.  E.  aOfez 
rais  pour  refouler  ce  rapide.  La 
lavigation  ordinaire  de  Québec 
[Mont  -  Real  fe  fait  avec  des  goue- 
etes. 

I  Mont  -  Real ,  par  fa  pofition  fe- 
îOit  fufceptibie  d'une  bonne  forti- 
ication  ,  à  caufe  d'un  riiiffeau  Se 
|d'un  bas-fond  qui  fe  trouvent  entre 
a  montagne  &  la  ville.  Elle  etl 
bependant  commandée  à  la  bon* 
ne  portée  du  canon,  par  un  ri- 
deau qui  eft  au  bas  de  la  monta- 
gne. Mais  cette  place  étant  au  cen- 
tre de  la  colonie,  n'a  pas  befoin 
d'autre  fortification  que  l'isle. 
Cette  place  eft  ceinte  d'un  miir^ 


ye     31  é m.  fur  k  dern.  Guerre  '  ^ 

fans  terraffènicent  jde  $  k  4.  pieds 
dans  le  bas,  réduit  à  18  pouceg 
dans  le  haut.  Son  deffein  ne  figni- 
fie  rien.  11  a  tout  au  plus  l'avanta- 
ge de  la  mettre  à  l'abri  d'un  coup 
de  main. 

L'isle  de  Mont  -  Real  eft  fufcep- 
tible  de  défenfe,  parce  que  l'on 
ne  peut  pas  y  mettre  à  terre  par- 
tout ,  à  caufe  des  rapides  &  des 
courants  qui  fe  trouvent  autour 
d'elle. 

Sa  pcfition  eft  admirable  à  cau- 
fe de  la  beauté  de  Ton  payfage  &  de 
fes  environs  ,  o/ai  font  des  plaines 
très  «grandes.  Elle  eft  elfentielle , 
parce  que  c'eft  un  entrepôt  nécef- 
faire ,  à  caufe  du  changement  de 
navigation  du  fleuve  ht.  Laurent 
à  la  rivière  des  Outaouais  (  ou  la 
grande  rivière). 

Le  fécond  rapide  que  Ton  trou- 
ve eft  leSault  St.  Louis,  à  deux 
lieues  au  delfus  de  Mont -Real.  11 


de  ^Amérique  Septeritr. Cn.ll,  71 

ure  une  lieue.  Les  voyageurs  le 
bgardent  comme  le  plus  mauvais 
e  ce  fleuve ,  jufques  à  la  Préfen- 
ition.  L'on  monte  les  bateaux 
iuides  ,  à  la  côte  du  nord  ,  &  on 
îs  fait  palFer  avec  peine  dans  un 
igolet  pratiqué  auprès  d'un  mou- 
n,  qu'on  appelle  de  la  Chine,  ap- 
artenant  aux  Sulpiciens.  On  les 
onduit  à  une  lieue  piushaut,  où 
on  a  fait  un  entrepôt  général, 
\rec  des  magafins ,  où  l'on  dépofc 
îs  effets  que  l'on  eft  obligé  de  fai- 
i  venir  par  terre,  de  Mont-iiéal 
L3  vill?.ge  de  la  Chine, 
Le  chemin  de  ce  portage  eft  très- 
lauvais ,  à  cauie  des  boues,  fur- 
)ut  dans  le  printems  que  ce  font 
;s  plus  grands  charrois.  Ce  che- 
lin  auroit  pu  fe  rendre  fort  bon  , 
1  y  pratiquant  des  foffés  pour  l'é- 
3ulement  des  eaux.  Ce  défaut  a 
ccafionné  beaucoup  de  fraix  de 


7^       Mém.  fur  la  dern.  Guerre 

Toitures,   des  retards,   &  des  em- ! 
barras  coniidérables.  j 

Si  le  pays  étoit  plus  habité,  l'or  I 
pourroit  faire  un  canal  qui  pafie| 
roit  de  la  Chine  fous  Mont  -  Kéal 
par  ce  petit  ruiiTeau  qui  eft  entre  1( 
rideau  &  la  ville ,   &  iroit  jufquc 
au  deflbus  du  rapide  bte.  Marie.  1 
éviteroit  ce  portage  qui  eftdetroi! 
lieues. 

Les  bateaux  dont  on  fe  fer 
pour  la  navigation  du  haut  de  C{ 
fleuve,  peuvent,  porter  fîx  milliers. 
Ils  font  d'une  cooftruclion  particu. 
liere ,  propres  à  réfiiier  aux  eifortî 
que  l'on  eft  obligé  de  faire  er 
îîiontant  les  rapides.  Ceux  que  les 
ânglois  avoieot  coortruits  en  der- 
nier lieu,  font  plus  grandi  &  plus 
légers  ;  mais  ils  ne  peuvent  pas 
foutenir  cette  navigation  après 
leurs  premiers  voyages.  Ils  font 
toujours  pleins  d'eau,  par  les  efforts 
qu'ils  font  obligés  de  foutenir.  Cens 

dei 


de  l'Amérique  Sepfentr. Ck.II.   73 

ks  François  font  d'un  bien 
iiîeilleur  fervice.  Les  Anglois  ne 
burniffent  point  de  voile  pour 
eurs  bateaux ,  ce  qui  eft  cepen- 
iant  très  -  effentiel  dans  bien  des 
3CCafions  ;  mais  ils  font  fournis  de 
3onnes  rames  de  frêne  ;  celles  des 
François  ne  font  que  de  fapins  très- 
nal  faites  &  mauvaifes ,  ce  qui  en 
Dccaiionnoit  une  grande  confom- 
nation. 

Les  bateaux  partant  de  la  Chine 
uivent  la  côte  du  nord  ,  jufques  à 
me  lieue  de  i'églife  de  la  Pointe 
laire.  L'on  monte  toujours  à  k 
3erche ,  à  caufe  des  courants,  qui 
ont  forts ,  fur  -tout  près  des  poin- 
ts de  terres. 

Si  l'on  veut  paffer  par  Chateaii- 
2ay,  Ton  traverfe  dans  cet  en- 
iroit  :  fi  l'on  veut  paffer  à  la  pointe 
ie  rïsle  Ferraut ,  on  gagne  l'égli- 
"e  de  la  Pointe  Claire  ;  de  Plsle 
? erraut ,  on  fait  la  traverfée  aux 

2'ome  IIL  D 


74     Mêm.furïa  dern.  Guerre 

Cafcades.  il  la  première  que  l'on 
rencontre  ,  la  rivière  y  forme  une 
petite  chute  fur  toute  fa  largeur. 

Auprès  de  terre,  dans  la  partie 
de  rO.  où  eft  placé  le  chiffre  (  i  ) 
dans  la  carte ,  il  y  a  un  rigolet 
danslerocher  qui  forme  cette  chu- 
te, par  où  paffeiit  les  bateaux  pour 
les  monter.  Des  hommes  fur  le 
rocher  tirent  à  eux  à  bras  le  ba- 
teau ,  étant  dans  Peau  jufques  à  la 
ceinture.  De  là ,  on  le  conduit  à  la 
traîne  &  à  la  perche  à  une  por- 
tée de  fuiîl  plus  haut,  où  eil  un  au- 
tre rapide  moins  mauvais  que  le 
premier. 

En  defcendant ,  on  peut  fauter, 
lorfqu'on  connoît  les  deux  paffa- 
ges,  dans  la  côte  de  Ph.  au  delà 
de  l'isle.  Ordinairement  on  vient 
fauter  parle  rigolet,  où  Ton  mon- 
te les  bateaux. 

Le  3^.  rapide  eft  le  Trou,  On 
décharge  à  moitié  les  bateaux ,  &  ! 


de  t Amérique  Septentr, Cmlï,  7f 

on  porte  les  effets  à  150  pas  an 
jdefîus  de  cette  pointe  de  roche. 
iOii  le  paffe  en  montant  le  bateau 
itout  -  à  -  fait  contre  la  pointe  de 
Iterre  ,  marquée  (  3  ).  Il  faut  rete- 
jnir  le  bateau  avec  une  corde  te- 
nue par  plufieurs  hommes.  D'au- 
Itres  le  mettent  dans  l'eau  jufques 
jaux  épaules  pour  le  faire  avancer 
|&  contourner  cette  pointe, 

La  rivière,  embarraiTée  dans  ceÊ 
endroit  par  de  greffes  roches  fous 
l'eau  ,  fe  précipite  en  bouillonnant 
comme  dans  des  gouifi'ês.  il  y  en 
a  un  fur  -  tout  qui  forme  une  gran- 
de cavité  ;  à  côté  elt  un  filet  d'eau 
quis  par  fa  compreffion,  foime  ua 
dos  fur  lequel  on  paffe  en  defcen- 
dant  Si  on  manquoit  ce  paffage , 
on  tomberoit  dans  ces  gouffres, 
dont  bien  peu  réchappent  5  ce  qui 
lui  a  fait  donner  le  nom  de  Trou. 
|Ces  différents  rapides  fe  nomment 
\ks  Cafçades. 
I  D  a 


7<^     Mim.fur  la  dern.  Guerre 

A  une  lieue  au  deffbus  du  villa- 
ge des  Cèdres  3  eft  une  pointe  de 
terre  où  la  rivière  bouillonne  ex- 
trêmement. Il  i^ut  monter  les  ba- 
teaux tout  près  de  terre.  On  y 
avoit  pratiqué  un  rigolet,  pour  évi- 
ter les  grands  courants;  mais  com- 
me il  n'a  pas  été  fini ,  il  eft  fouvent 
fans  eau ,  &  embarraiïe  plus  qu'il 
n'eft  utile.  Ce  paffage  marqué  (4) 
&  nommé  le  Èuijjon ,  eft  un  des 
plus  flitiguans  pour  les  canoteurs 
à  caufe  de  ce  manque  d'eau.  De  là 
on  monte  les  bateaux  à  la  perche 
Jufques  au  deflbus  des  Cèdres,  où 
l'on  débarque  les  effets ,  pour  les 
porter  à  demi-  lieue  par  terre  dans 
le  haut  de  ce  village.  De  là ,  on 
mené  les  bateaux  à  la  traîne.  Des 
hommes  fe  mettent  dans  l'eau  pour 
les  contenir;  fur  -  tout  autour  d'un 
moulin  appartenant  à  M.  de  Lon- 
gueiL  Ce  font  des  batures  fort 
mauvaires .  parce  que  la  rivière  n'y 


de  f Amérique  Sepfentr.CnJl.  77 

a  pas  de  profondeur ,  &  coule  fur 
de  gros  cailloux  ou  rochers  ;  ce 
qui  rend  ce  paflage  dangereux  & 
difficile  en  defcendant. 

Au  deiïus  du  moulin ,  il  y  a  une 
féconde  bature  moins  mauvaife  que 
la  précédente.  Si  à  la  place  de  ce 
moulin  ,  on  avoit  fait  un  petit  ca- 
nal en  deçà  de  i'islot  fur  lequel  il 
eft;  placé  ,  on  auroit  évité  bien  de 
ila  peine  aux  voyageurs. 
I  L'endroit  où  eit  fituée  l'églife 
jdes  Cèdres,  eft  très  -  favorable  pour 
un  pofte  fortifié  à  la  tête  de  ces  ra- 
pides. Le  terrein  y  forme  une  for- 
tification naturelle.  Il  s'y  trouve 
beaucoup  de  terre  aifée  à  re- 
muer (a). 

(a)  Les  Anglois  ont  bâti  depuis  un 
fort  aux  Cedres^ou  le  major  Sherburne 
ne  put  rédfter  long-tems  à  leur  atta- 
que,  en  17765  après  la  levée  du  ilege 
'de  Québec  par  les  Américains,  qui 
s'étoient  auparavant  rendus  maîtres 
de  ee  fort. 

D  3 


^S       Mém.furïadern.  Guerre 

Un  camp  placé  en  cet  endroit 
défendroit  bien  l'entrée  de  la  co- 
lonie. Les  ennemis  ne  pouvant  pas 
abfoloiiient  -  defcendre  la  rivière 
fous  ce  poite ,  ils  feroient  obligés 
de  le  faire  un  paffage  à  travers  les 
bois,  au  moins  de  4  lieues ,  du  côté 
de  Vaudreuil.  11  n'eil  pas  à  croire 
qu'ils  oraffent  l'entreprendre ,  laif- 
fant  ce  polie  derrière  eux. 

Depuis  le  lieu  du  rembarque- 
ment, on  monte  à  la  perche  jufques 
au  portage  du  coteau  du  lac  mar- 
qué (O-C'eil  une  pointe  de  terre  où 
Teau  eft  fi  agitée  ,  &  bouillonne  fi 
fortjque  l'on  y  eft  obligé  de  déchar- 
ger les  bateaux.  Ce  portage  eft  de 
foixante  pas.ll  faut  fe  mettre  à  l'eau, 
pour  monter  le  bateau  &  le~  faire 
tourner  cette  pointe. 

On  fait  après  cela  une  traverfe 
à  la  rame,  pour  gagner  une  autre 
pointe  3  appellée  la  Pointe  du  Dla^ 
bk  5  cjue  Ton  paffe  à  la  traîne.  Si 


de  l'Amérique  Septenîr.CuJJ,  79 

maîheiireufement  le  bateau  s'em- 
barde  (  a  )  à  cette  pointe  ,  îe  cou- 
rant porte  dans  de  gros  bouillons 
où  l'on  périt  infailliblement  ;  ce 
qui  eft  arrivé  à  des  voyageurs  qui 
ont  voulu  pafler  cet  endroit  à  la 
perche. 

L'isle  marquée  (  ^  )  au  deffus  de 
cet  endroit  dangereux  ,  eft  extrê- 
mement avantageufe  pour  défen- 
dre ces  rapides  à  droite  ou  à  gau- 
che, en  montant  ou  en  defcendant 
Elle  eft  abordable  par  le  haut  & 
par  le  bas  ;  c'eft  encore  un  des 
meilleurs  endroits  pour  défendre  la 
colonie.  L'ennemi  ne  pouvant  pas 
fe  fervir  de  la  rivière ,  il  lui  feroit 
impoffible  de  porter  des  bateaux 
de  là  à  travers  les  bois  jufques  au 

(a)  On  appelle  embarder,  lorC- 
que  îe  courant  de  l'eau  fait  virer  au 
large  le  devant  du  bateau.  Alors  on 
n'eft  plus  maître  de  le  retenir  3  il 
faut  le  lailTer  aller  au  courant. 

D  4 


8o       Mem.  fur  la  dern.  Guerre 

pied   des  Cafcades.  Cette  isle  eft 
bien  boifee  &  a  aiTez  d'étendue. 

Les  bateaux  vont  à  la  perche 
tout  ie  long  du  coteau  du  lac  ,  &  à 
la  rame  dans  quelques  endroits.  L© 
courant  eft  très- fort,  &  la  côtô 
cmbarraiïee  d'arbres  qui  font  tom- 
bés dans  Teau.  L'isle  marquée  (  7  ) 
eft  remarquable  ,  parce  qu'en  des- 
cendant le  coteau  du  lac ,  il  faut  al- 
ler chercher  un  courant  qui  eft 
tout- à-  fait  contre  cette  isle,  où 
eft  le  paffagc  pour  defcendre  aux 
Cèdres;  autrement  on  iroit  tom- 
ber dans  des  gros  bouillons  011  l'on 
périroit  fans  reffburce. 

L'armée  du  général  Amherft,  en 
defcendant  àMont-Kéal,  faute 
d'avoir  affez  de  guides ,  a  perdu 
dans  ce  paffage  80  bateaux  ordi- 
naires ,  &  4  .bateaux  appelles  car- 
cajfieres ,  portant  chacune  un  ca- 
non de  fonte  de  12.  Quand  il  n'y 
auroit  eu  dans  chaque  bateau  que 


'de  P Amérique  Sept entr.Cu.U.  §f 

4 hommes  pour  les  defcendre  ,  ce- 
la feroit  au  moins  336  hommes 
qui  auront  péri. 

Le  lac  St.  François  a  fept  lieues 
de  longueur,  &  trois  ou  quatre  de 
largeur.  A  l'entrée  du  lac,  on  trou- 
ve Tance  au  Bateau  fur  la  partie  du 
|N.  qui  eft  celle  que  l'on  fuit  tou- 
Ijours.  On  va  de  là  à  la  rame,  ou  à  la 
ivoile.  Deux  lieues  plus  avant ,  on 
Itrouve  la  pointe  au  Banc ,  qui  ed 
Ile  campement  ordinaire.  Les  tet- 
|res  y  font  bonnes,  &  on  y  feroit  de 
jbelles  habitations. 

I  Si  on  ne  s'arrête  pas  dans  cet 
endroit,  il  faut  traverfer  tout  le 
lac,  pour  trouver  à  camper  ,  parce 
que  ce  font  des  ances  profondes , 
&  le  pays  eft  tout  noyé.  La  Pointe 
Mouillée,  marquée  (  8  )  ,  eft  une 
pointe  de  prairie  qui  avance  dans 
Ile  lac.  Le  pays  eft  rempli  d'eau  :  on 
y  fait  halte  quelquefois. 

Plus  avant  3  on  trouve  la  Pointe 
D  5 


s  Z     Mêm.  fur  la  dern.  Guerre 

à  la  Moraîidiere ,  marquée  (  9  ). 
C'eft  une  langue  de  terre  où  Pou 
peut  caoïper ,  mais  avec  peu  de 
monde ,  remplacement  étant  fort 
petit.  Les  bois  dans  cette  côte  du 
N.  font  des  Cèdres  &  des  Fins, 
dont  le  pied  eft  toujours  dans  l'eau. 
Tout  cet  intérieur  des  terres  eft 
extrêmement  fourré  d'arbres  morts 
&  renverfés. 

Depuis  la  Pointe  à  la  Morao- 
diere ,  l'on  navige  toujours  dans 
des  joncs.  Il  faut  obferver  de  tenir 
toujours  le  N.  fans  trop  approcher 
des  terres  ,  pour  trouver  le  bon 
chenal   de  la  rivière»  On  paffe  de 
ces  joncs  entre  des  belles  isles,  que| 
l'on  appelle  des  Chenaux,  Au  bout  | 
de  ces  isles  on  traverle  au  S.     iî| 
l'on  veut  aller  à  la  miffion  de  St. 
tégis  ,  nouvellement  établie    par 
les  jéfuites,  &  fort  peu  nombreufe. 
Les  terres  aux  environs  feraient  ad- 


ie  VAmmqtie  Septenîr,  Ch.  II.  8  3 

mirables  à  cultiver.  C'eft  un  très- 
beau  pays  de  cliaffe. 

Vis  -  à  -  vis  St.  Régis ,  qui  efl  îe 
côté  que  l'on  fuit  toujours  ,  les 
iterres  en  font  fort  élevées ,  &  l'on 
trouve  en  montant  une  pointe  très-» 
rude  &  double ,  appellée  la  Fomte 
\  M  aligne ,  marquée  (lo).  11  faut  s'y 
jmettreà  la  Iraine.  De  là  on  gagne 
4es  Mille  Hoches  marquées  (ii), 
IC'eft  la  chute  des  eaux  du  Long 
|Saut  par  le  chenal  écarté  ,  &  de  la 
jpafie  du  N.  Le  fleuve  qui  fait  uîi 
grand  recoude  dans  cet  endroit  ^ 
s'y  trouve  embarraffé  de  greffes  ro- 
|ches.  On  a  fait  un  rigolet  pour 
■n'être  pas  obligé  de  les  contour- 
ner. 

A  l'entrée  des  Mille  Roches  =,  on 
trouve  le  bas  de  l'isle ,  au  N.  de  la 
paiTe  du  S.  en  defcendant  le  Long 
Saut.  On  peut  entrer  dans  cette  is- 
ie  par  la  partie  inférieure.  Cette  is- 
le  garnie  de  fufiliers  empêcherait 

D  6 


8  4      Mêm.  fur  la  dern.  Guerre 

très  -  bien  les  bateaux  de  defcen- 
dre. 

Des  MilîeKoches,   on  va    au 

Moulin et,marqué  (12).  L'on  eon^ 

tourne  deux  petites  isles  (  l'eau  y 

eft  très -douce),  d'où  l'on  entre 

dans  un  bras  de  rivière  qui  eft  fort 

rude.   Outre  Pufage  des  perches, 

on  eft  obligé  de  fè  mettre  à  l'eau  , 

jufqaes   aux  épaules  ,  pour    faire 

avancer  le  bateau.  On  y  a  pratiqué 

un  rigoîet  pour  j  paffer.   De  là  on 

gagne  une  petite  isle,  à  la  droite, 

pour  arriver  au  pied  du  Long  Saut. 

Le  Long  Saut  a  un  bon  quart  de 
lieue  de  longueur  dans  le  N.  Se 
trois  lieues  de  longueur ,  en  le  def- 
cendant  au  S.  L'eau  bouillonne 
comme  celle  de  la  mer  dans  une 
tempête.  Quoique  le  courant  foit 
très  -  rapide  dans  la  paffe  du  N.  on 
y  remonte  néanmoins  les  bateaux 
à  la  traîne  ^  avec  4  ou  fix  hom- 
îï\es  fur  la  corde ,  &  deux  hom- 


dô  P Amérique  Septentr.C^.ll.   8  f 

mes  dans  le  bateau,  pour  le  guider, 
IHeureufement  les  courants  portent 
[toujours  à  terre.  Il  y  a  quelques 
j roches  dans  ce  courant,qui  rendent 
ice  paffage  difficile.  On  pourroit 
les  enlever  &  faire  un  chemin  le 
long  de  la  côte ,  qui  diminueroit 
beaucoup  la  peine  du  tirage.  On 
campe  ordinairement  dans  le  haut 
du  Long  Saut;  Ce  pays  e(l  rempli 
de  beaux  bois  francs ,  &  feroit  très- 
propre  à  être  cultivé. 

La  rivière  au  deflus  du  Long 
Saut ,  a  un  courant  fort  rapidejfur- 
tout  aux  arrêtes  des  terres ,  que 
l'on  rencontre  fréquemment,  & 
où  il  faut  toujours  percher  vigou- 
leufement.  Le  n°.  (  i  3  )  eit  la  poin- 
te Ste.  Marie ,  une  des  .plus  remar- 
quables. 

Len^-C  14)  eft  l'isle  au  Chat^ 
remarquable ,  parce  que  c'eft  fous 
cette  isle  qu'on  traverfe  au  S.  pour 
defcendre  le  Long  Saut, 


%6     Mim.fîir  îadern.  Guerre 

Dans  Pisle  au  deflbus^il  y  a 
une  pointe  qui  battroit  bien  avec 
de  rartiilerie  les  paffages  du  N. 
&  ,du  S.  &  l'on  y  pourroit  former 
un  camp. 

Le  n".  (  î  O  eft  la  Pointe  au 
Cardinal ,  également  remarquable 
par  fon  grand  courant;  outre  ce 
courant ,  il  y  a  des  arbres  tombés 
du  rivage,  qui  embarraffent  beau- 
coup cette  navigation. 

Le  n°.  (  î  5  )  eil  le  K  apide  Plat , 
le  plus  grand  des  courants  fur  ces 
arrêtes;  mais  il  n'eft  dangereux 
ni  en  montant,  ni  eh  defcendant. 
îl  y  a  un  grand  remoux  ,  qui  vous 
mené  jufques  au  pied  d'où  l'on 
monte  à  la  perche,  pour  ne  pas  em- 
barder. 

Le  n°.  (17)  ed  la  Pointe  aux 
ïroqaois.  Elle  n'eit  pas  extrême- 
mentrude.  C'eft  un  endroitremar- 
^uablre ,  parce  que  Ton  s'y  arrête 


de  PAmêrlqtÂe  Septenfr.Cnll.   87 

prefque  toujours ,  foit  en  montant  s, 
ibit  en  defcendant. 

Les  Galets  font  deux  arrêtes  fort 
roîdes.  La  rivière  dans  tout  foa 
Itravers  defcend  en  bouillonnant 
On  range  la  terre  de  la  première 
arrête,  &  Ton  vient  auprès  d'u- 
ne efpece  de  jetée  de  pierre ,  ou 
l'on  met  à  la  traîne.  Il  faut  bien 
avoir  attention  de  tenir  le  devant 
du  bateau  à  terre ,  fi  l'on  ne  veut 
pas  fe  laiffer  emporter  au  courant. 
Le  fécond  au  deiïus  n'eft  pas  tout- 
à  -  fait  auffi  lon^,  A  la  Dortée  du 
fufil ,  au  deffus,  eil  Tance  appel lée 
aux  Perches ,  parce  que  c'efi:  là 
où  on  les  quitte.  N'y  ayant  plus  de 
rapide,  on  n'abefoin  que  de  la  ra- 
me ou  de  la  voile.  En  defcendant 
les  Galets,  on  fuit  les  courants  aiî 
large. 

Le  n\  (  î  8  )  ?  vis  -  à  -  vis  cette 
ance  ,  eft  l'isîe  aux  Galots,  qui  peut 
avoir  70Q  toifes  de  tour.  Elle  n'eft 


s  8     IHem.  fur  h  dern,  Guerrs 

prefque  pas  abordable  que  par  le 
haut  fur  un  front  de  i  so  toifes  ,  à 
caufe  que  les  courants  fe  réuniffent 
au  deffbus.  Cette  isle  bat  bien  la 
paffe  du  N.  On  l'avoit  retranchée 
en    1JS9' 

Le  n".  (19)5  à  côté,  eft  l'isle 
appellée  Fiqtiet ,  parce  que  ce  mil- 
fionnaire  s'y  étoit  réfugié  avec  les 
Sauvages  établis  à  la  Préfentation. 
Si  on  avoitun  camp  avec  de  l'ar- 
tillerie dans  cette  isle ,  &  l'isle  aux 
Galots  étant  occupée,  l'on  ne  pour- 
roit  pas  defcendre  la  rivière. 

Ce  pofte  elt  le  meilleur  pour 
arrêter  les  ennemis  ,  pourvu  qu'il 
y  eût  du  monde  fuffifamment  pour 
garder  ces  isles.  L'isle  Piquet  a  une 
lieue  de  tour.  Elle  n'eiî  aborda- 
ble que  par  quelquics  endroits  ai- 
fés  à  défendre.  On  peut  y  arriver 
par  le  haut  &  par  le  bas  ;  elle  eft 
bien  boifée. 

On  peut  monter  &  defcendre 


de  T Amérique  Sepfenfr.  Ch. IL   8 f 

)ar  le  S.  de  la  rivière  affez  com- 
inodément.  Cette  paiTe  n'eil  con- 
me  que  depuis  1719.  Les  Anglois 
'  avoient  campé  un  détachement 
ile  leur  armée,  en  1760,  lort 
[u'ils  ont  fait  le  fiege  du  fort  Lévis, 
l'y  a  quelques  petites  isles  entre 
.'isle  Piquet  Se  celles  dont  on  par- 
iera bientôt, qui  ne  font  pas  de  gran- 
le  conféquence. 

Le  n°.  (20),  l'isle  à  la  Cuiffe 
un  quart  de  lieue  de  tour ,  élevée 
lans  fon  milieu  &  capable  de  con- 
eniruncamp  de  1200  hommes, 
ufceptible  d'être  bien  retranchée» 
lllebat  à  la  demi-portée  du  fufilja 
ôte  du  N.  &  avec  le  fort  Lévis^ 
léfendroit  bien  le  paffage  de  toute 

rivière.  C'eft  d'où  les  ennemis 
voient  dirigé  leur  principale  at- 
aque  contfe  ce  fort,  ils  y  avoient 
nis  14  pièces  de  canon  en  batterie^ 
|vi  lix  mortiers  ;  elle  commande 
u  moins  de  34  pieds  l'isle  Ora- 


90     Ment,  fur  la  dey n.  Guêvre 

kointon  ,  dans  laquelle  eft  bâti  li 
fort  Lé^k. 

Le  n^  (  2 1  ) ,  l'isle  Magdelaim 
eft  un  peu  plus  grande  que  la  pré 
cédente.  Elle  commande  auffi  li 
fort  Lévis,  &  enfile  toute  l'isle 
les  ennemis  y  avoient  mis  8  pièce! 
de  canon  5  8  mortiers  &  deux  an 
buts. 

Le  n°.  (  23  ),  la  pointe  à  h 
Corne  feroit  fufceptible  d'un  bor 
retranchement,  pour  couvrir  cette 
frontière  ,  en  occupant  auffi  l'isle 
à  la  Cuifle  &  celle  du  fort  Lé  vis. 

Le  n'.  (2â)  eft  la  pointe  à 
l'Yvrogne;  c'eft  fur  cette  pointe 
qu'étoit  le  principal  camp  des  An- 
glois,  &  le  quartier  du  général  Am- 
herft. 

Urakoioton  eft  une  petite  is- 
le  baffe  ,  r.as  de  l'eau  ,  dont  le  fort! 
Lévis  occupe  les  deux  tiers.  Cci 
fort  eft  une  redoute  de  io8  toifes, 
de  tour;  le  front  où  eft  la  porte 


ie  t Amérique  Septentr, Cuil.  ^i 

ft  une  tête  d'ouvrage  à  corne  de 
[2  toiles  de  côté  extérieur.  La 
fborte  eil:  enfilée  parfaitement  par 
risie  à  la  Magdeiaine.  Ces  deux 
(•grands  côtés  font  inégaux.  Celui 
t!u  N.  eft  le  plus  long,  ils  fontter- 
Ininés  par  un  petit  flanc  d'environ 
I)  toifes.  Le  derrière  eft  conipole  de 
tïols  faces  ,  comme  les  trois  côtés 
extérieurs  d'un  exagone. 
1  Le  rempart  eft  de  27  pieds  de 
jiargeur  dans  le  bas,  réduit  à  18 
jdans  le  haut ,  revêtu  en  fauciffons» 
jLa  hauteur  extérieure  du  rempart 
eu  de  7  pieds,  &  l'intérieure  de 
onze. 

On  a  ajouté  au  deffus  des  coffi'es 
en  bois,pour  former  un  parapet  de 
neuf  pieds  de  largeur  dans  le  bas.,& 
fept  dans  le  haut  ;  la  hauteur  inté- 
rieure eft  de  6  pieds,  il  y  a  une  fraife 
entre  le  parapet  &  le  rempart.  Le 
folle  a  cinq  toifes  de  largeur  (§: 
deux  pieds  de  profondeur,  dont  un 


$^       Mém.fur  h  dern.  Guerre 

pied  fous  l'eau.  Sur  le  côté  de  l'on 
vrage  à  corne ,  ce  foffe  eft  bord 
d'une  palifTade  oblique  attachée  fu| 
des  corps  morts  avec  des  cheville j 
en  bois  de  peu  de  tenue,parce  qu'el 
les  font  peu  enterrées  (  fl  ). 

L'on  a  pratiqué  autour  de  l'isle 
dans  la  partie  du  N.  un  épaule 
ment  de  9  pieds  dans  le  bas,  ré 
duit  à  5  &  6  pieds  dans  le  haut,  il 
la  pointe  au  N.  E.  on  a  voit  tait  um 
redoute  de  pièces  fur  pièces, de  18 
pouces  d'équarriffage,  percées  poui 
cinq  pièces  de  canon. 

Le  côté  S.  où  eft  le  port ,  étoit 
fermé  par  une  paliffade ,  jufques 
au  pied  du  glacis,  qui  étoit  formé 
d'un  chantier  de  bois  à  l'ufage  du 
fort. 

(  a  )  Toutes  ces  fortifications  ont 
dû  fubiiiief  peu  de  tems.  Nous 
croyons  même  que  depuis  la  dernière 
guerre,  les  Anglois  ont  abandonné 
«e  fort ,  qui  leur  deveaoit  inutile. 


ie  r Amérique  Sepfentr. Cn.lL  9% 

La  pointe  du  S.  O.  étoit  un  épau- 
Iment  comme  un  parapet  de  che- 
i[in  couvert.  Tout  le  tour  de  i'islc 
in  avoit  placé  un  abattis  de  bran- 
iies  de  têtes  d'arbres,qui  s'étendoit 
^  pieds  en  avant  dans  l'eau.  On 
mitlaiffé  un  paffage  pour  abor- 
sr  dans  le  N.  de  40  toifes,  &  tout 
epuis  le  fort  jufques  au  bout  de 
isle. 

Ce  fort  eft  auffi  commandé  par 
ne  pointe  de  terre  dans  le  fud , 
ppellée  Ganataragoin  ,  éloignée 
e  l'isle  de  450  toifes  ;  les  ennenris 

avoient  placé  4  pièces  de  canon , 

mortiers ,  &  deux  aubuts  ,  qui 
nfiloient  toute  l'isle  du  S.  O.  au 
î.  E.  Sur  la  même  terre,  à  la  hau- 

ur  de  Pisie  Orakointon ,  il  y  a 
me  petite  rivière  du  nom  de  la 
lointe  que  nous  venons  de  nom- 
|ner.  £lle  a  aiTez  de  largeur  &  de 
|)rofondeur,  pendant  plus  d'une 
ieue  &  demie.  Si  on  y  plaçoit  une 


9  4      Mém.  fur  la  dern.  Guerre 

redoute  &  un  camp,  ils  défen- 
droient  bien  la  partie  du  S.  du 
fleuve. 

Les  isles  qu'on  vient  de  décrire , 
étant  occupées  avec  la  pointe  à  la 
Corne,  font  les  lëuls  polies  foute- 
nabîes  à  la  tête  des  rapides.  Le 
courant,  à  la  Pointe  de  Ganatara- 
goin ,  eft  fort  &  fuit  cette  côte. 

La  rivière  a  un  bon  courant, 
devant  l'isle  Orakointon  ,  &  forme 
dans  le  bas  de  cette  isle  un  grand 
remoux  du  côté  du  S.  qui  donne 
un  bon  mouillage  à  terre.  Les  bâ- 
timents peuvent  y  hyverner  très- 
commodément;  mais  il  faut  un 
vent  de  N.  E.  bien  fraix,  pour  leur 
faire  refouler  le  courant,  qui  coîîi- 
mence  à  la  pointe  de  Ganatara- 
goin. 

Les  bâtiments  pourroient  abfo- 
lument  defccndre  jufques  fur  le 
front  de  Tisle  Piquet  ;  mais  les 
mouillages  n'y  valent  rien ,  &  le» 


i' 


l'Amérique  Septentr.Cn.ll.  9f 

rants  à  droite  &  à  gauche  font 

t  j;s  -  forts. 

iLa  Préfentation,  ou  Chouégat- 

c|i,  eft  un  établi flTeaient  d'iroquois, 

fjrmé  par  M.  I'abl5é  i  iquet ,  Suîpi- 

cjni.    On     y   avoir  bâti   un    fort 

carré  ,    dont  les  bâtiments   for- 

roient  les  battions  ;  les  courtines 

Éjient  en  gros  pieux    debout  de 

j;  à  i6  pieds  de  haut.  Les  miffion- 

ires  5  le  commandant ,  fa  petite 

rnifon  &  le  garde  magafin  ,  pour 

fervice  des  miffionnaires  établis 

X  le  roi ,  occupoient  les  quatre 

>rps  de  ce  bâtiment.  En   1759» 

tte  miffion ,  qui  étoit  affez  nom- 

eufe  ,  fe  retira  dans  l'isle  Piquet  ; 

le  fort  fut  démentelé  ,  pour  qu'il 

î  fervit  pas  de  poile  aux  ennemis. 

a  miffion  y  étoit  très  -  bien,  parce 

ae  les  terres  y  font  très  -  bonnes  à 

iltiver. 

On  va  très  -  avant  dans  les  terres 
ar  la  rivière  de  Chouei^atchi.  L'iu- 


$6     Mem.fur  la  dent.  Guerre 

térieur  de  ces  pays  eft  très-pea 
connu  de  nos  Canadiens.  Les  Sau- 
vages ne  les  fréquentent  que  pour 
îa  chaffe. 

Il  y  a  une  bature  de  rochers  dans 
îa  rivière  ,  prefque  au  bout  du  vil- 
lage fauvage  ,  où  l'abbé  Piquet 
avoit  fait  des  moulins  à  fcie.  Les 
bâtiments  peuvent  mouiller  devant 
ce  village  ;  mais  ils  n'y  font  pas  en 
fureté,  à  caule  des  vents ,  &  que  la 
rivière  eft  fujette  à  des  crues  d'eau 
qui  entraînent  des  arbres. 

Cette  rivière  a  une  vingtaine  de 
ÎLeues  de  cours ,  dont  la  navigation 
feroit  affez  -  belle  ;  le  refte  ne  fe 
peut  faire  qu'en  canot  &  avec  des 
portages.  Elle  approche  de  la  hau- 
teur des  terres.  N  os  partis  paffoient 
quelquefois  par  là  pour  aller  fur  les 
frontières  angloifes. 

Derrière  le  fort  de  la  Préfenta- 
tien ,  il  y  a  une  butte  fort  propre 


\  de  P Amérique  Septentr. CnJL  97 

!  bâtir  une  ville  ou  un  village.  La 
)OÛtion  en  eft  avantageuie. 

Le  fleuve  St.  Laurent  eft  beau, 
fe  fes  côtes  font  très  -  belles  dans 
iette  partie  ,  juiques  à  deux  lieues 
u  deffus  de  la  Pointe  au  Baril ,  foit 
iîour  cultiver  s  foit  pour  la  clialTe 
t  la  pêche  ,  qui  y  eft  très  -  abon- 
ilante. 

La  rivière  n'y  a  pas  plus  d'oa 
0 Fi  quart  de  lieue  de  largeur,  8c 
pu  canal  efi:  fort  droit  pendant 
fnze  lieues ,  depuis  les  isles  au 
leffus  des  Calots ,  jufquesà  Tonia- 
i.  Elle  n'eft  point  embarraffés 
l'isles ,  &  a  une  profondeur  d'eau 
iSez  coniîdérable. 
,  A  trois  lieues  au  de  (Tus  de  la 
l'réfentation ,  dans  la  terre  du  N. 
1(1  une  pointe  de  terre  appellée  la 
i  ointe  au  Baril.  Elle  découvre  bien 
i  rivière ,  &  protégeroit  des  bâti- 
lents  qui  y  feroient  en  ftatioii 
fOur  la  défendre.   Un  camp  peut  y 

Tome  IIL  E 


98     Mém.  fur  la  dern.  Guerre 

être  avantageufementplacé,  parce 
qu'à  une  lieue  &  demie  plus  haut, 
les  terres  font  des  écors  de  rochers 
où  l'ennemi  ne  fauroit  fe  placer 
en  force.  Ces  écors  continuent 
jufques  à  l'ance  au  Corbeau. 

Très  -  proche  de  la  pointe  n\ 
(  !Z4  ) ,  eft  une  ance  appellée  VAîtce 
à  la  Co?iftru&lon ,  depuis  les  bâ- 
timents qui  y  ont  été  faits  en 
1759.  Elle  efl:  très  -  commode 
pour  y  conftruire  ;  l'eau  fur  le  de- 
vant eft  profonde  ;  les  bois  font; 
à  portée  ;  8c  Ton  y  peut  faire  un 
bon  retranchement  pour  couvrir  les 
chantiers. 

Une  lieue  &  demie  au  deiTus  de 
la  Pointe  au  Baril,eft  une  petite  isle,  \ 
marquée  (  2 5  ) ,  qui  peut  avoir! 
500  toiies  de  tour.  C'eftun  rocher  ] 
fur  lequel  on  pourroit  bâtir  un  fort. 
11  découvre  la  rivière  depuis  To- j 
niata ,  &  la  croiferoit  bien  par  fou  ' 
artillerie.  11  y  a  un  fort  bonmouil 


de  P Amérique  Septentr. Cn.Il,  9^ 

jîge  dans  fa  partie  inférieure.  C'eft 
itii  l'on  envoyoit les  bâtiments  on 
;atîon  pour  obierver  la  rivière. 

Depuis  la  hauteur  de  cette  isle. 
Il  côte  do  fud  du  fleuve ,  jufques 
[la  baye  de  Niaouré,  eft  balle,  rem^ 
jlie  de  rivières ,  de  bayes  maréca- 
leufes ,  &  de  bois  très  -  fourrés. 

A  cinq  lieues  de  la  Pointe  au  Ba- 
il, eitrisiede  Toniata.  Le  grand 
tlienai  de  la  rivière  eft  entre  cette 
ie  &  la  terre  du  S.  La  partie  du 
;,  de  la  rivière  eft  couverte  de 
jncs.  C'eft  où  fe  fait  uuq  fameufc 
pdïQ  d'anguillesdans  l'été. 

L'isle  de  Toniata  (  «)  a  trois 
Iriies  de  longueur,  demi  &  un 
(iart  de  lieue  de  largeur.   Ses  ter- 


(a)  M.  de  Frontenac  avoit  cédé 

tte  isle  à  mi  Iroquois.    Celui-ci  la 

ndit  bientôt  après,  pour  quatre  pots 

c|:au=.de~vie,  à  un  Canadien,  qui  Fau- 

r'it  fans  doute  rétrocédée  pour  une 

f  îu  de  csftor. 

E  z 


i 


îoo     3Iêm.fur  la  dern,  Guerre 

tes  font  bonnes  à  cultiver  ,  ainfi 
que  celles  d'une  autre  isle  qui  ert 
fituée  entre  la  terre  au  N.  du  lleuve, 
&  Toniata.  Cette  première  a  une 
lieue  de  longueur,  &  un  quart  de 
lieue  de  largeur. 

A  leur  extrémité  fupérieure  efl 
un  petit  palFage  avec  peu  d'eauji 
rempli  de  joncs  ;  on  l'appelle  le  Pe\ 
fit  Détroit.  C'ell  le  chemin  quçj 
tiennent  toujours  les  bateaux  er! 
montant ,  pour  éviter  les  courants! 

On  doit  faire  attention  de  m 
pas  s'égarer  dans  les  petits  che 
iiaux  qui  fe  rencontrent  dans  fe 
joncs,  où  l'on  ne  trouveroit  poin 
d'iffue,  &  où  l'on  échoueroit  fur  L 
vafe.  L'on  fait  au  Petit  Détroit  1; 
cérémonie  du  baptême  à  ceux  qu 
n'ont  jamais  monté  cette  rivière. 

A  une  lieue  &  demie ,  au  de); 
commencent  les  Mille-  Isles,  qu 
durent  au  moins  trois  lieues.  C'ei 
une  infinité  de  petits  rochers  cou 


k  P/lmerîque  Scptentr,CnM.   loi 

/erts  d'arbres  quilaiffent  entr'eux 
m  chenal  affez  large  en  quelques 
endroits.  En  d'autres,  les  bâtiments 
paffent  entre  deux  prefque  à  tou- 
:her.  Elles  font  fort  faines,  il  y  a 
ou  jours  bon  fond  tout  le  tour , 
&  très  -  peu  de  courant. 

Au  bouc  de  trois  lieues ,  on  trou- 
j/e  les  isles  plus  grandes.  On  doit 
bien  faire  attention  à  ne  pas  s'éga- 
er.  On  fuit  en  bateau  le  chenal 
e  plus  proche  de  la  terre  du  N. 
rà  il  faut  obferver  que  plufieurs 
3e  ces  chenaux  finiffent  par  des 
iîiarais  qui  font  près  des  terres. 

11  faut  tourner  prefque  tout 
ourt  au  N,  pour  entrer  dans  l'/in- 
e  au  Corbeau  ,  qui  eft  grande  & 
oelle.  On  paffe  entre  fa  pointe  du 
B.  qui  eft  très-étroite,  &  une  pé- 
pite isle  où  il  y  a  un  courant  aflez 
|Fort.  Delà  on  cotoye  l'isle  au  Ci- 
tron, qui  a  une  bonne  lieue  de  lon- 
gueur. Elle  eft  belle  &  bien  boifée. 

I 


ïoz      Menh  fifr  la  dern.  Guerre 

On  y  fait  une  traverfe  de  deux 
lieues,  pour  gagner  Tisle  Cochois. 
Cette  isle  a  trois  lieues  de  long,  & 
une  demie  de  largeur.Elle  efl  abon- 
dante en  gibier  &  en  poiffons. 

La  perfpedive  du  bas  de  cette 
isîe  avec  les  isles  voifines  &  la  côte 
du  N.  forme  un  coup  d'oeil  des 
plus  gracieux,  paria  beauté  du  ca^ 
nal.  Cette  partie  paroît  très  -  pro4 
pre  à  être  cultivée,  Si  bonne  pour 
la  cliafTe  &  la  pêche. 

De  là  au  fort  Frontenac,  il  y  a 
trois  lieues.  On  trouve  une. baye  af- 
fez  profonde  &  allez  bonne,  un 
peu  avant  d'arriver  à  la  Pointe 
de  Mont  -  Réaî ,  qui  elt  la  pointe 
S.  de  la  baye  de  Cataracoui. 

La  Pointe  de  Mont-Kéalfe- 
roit  un  camp  avantageux.  Elle  n'eit 
acceflîble  que  fur  un  front  qui  oc- 
eafionneroit  un  grand  détour  a  l'en- 
nemi pour  y  arriver.  C'eil  une  co- 
te qui  vient  en  s'^baiffant  fur  la 
pointe. 


fie  l'Amérique  Septefttr.  Ch.  IL   103 

I  Cataracoui,  ou  Frontenac(a  )  , 
jétoit  un  fort  quarré  en  maçonne- 
irie,  fans  terraflement ,  les  murs  de  > 
115  pouces  d'épaiffeur,  le  côté  ex- 
Itérieurdu  quarré  de  42  toifes ,  les 
flancs  très  -  petits ,  un  échafaud  en 
bois  pour  terre  -  plein.  Ce  fort  elt 
commandé  du  côté  de  la  campagne 
à  la  demi  -  portée  du  fufil  ;  &  les 
ferres  aux  environs  font  des  ri- 
ideaux  les  uns  fur  les  autres,  qui 
font  autant  de  commandemens  qui 
.pmpéchent  d'en  faire  jamais  un  boa 
ijpofte  qu'à  grands  fraix  (6). 

Le  mouilîage,qui  eft  tout  contre 
le  fort ,  y  eit  excellent  pour  les  bâ- 

(a')  Cataraeoui  eit  le  nom  de  la 
oaye  Frontenac,  celui  du  fort  bâti 
m  167a  par  les  ordres  de  M.  le  com- 
j:e  de  Frontenac,  enfuite  abandonné, 
buis  rétabli,  en  i<59f  ,  fuivant  les  in- 
tentions de  ce  gouverneur  de  la  Nou- 
velle- France. 

(b)  Ce  pofte  n'avoit  été  établi 
j^ue  pour  tenir  en  bride  les  Iroquois» 

£  4 


104  Mhî.J'ur  la  dern.  Guerre 

timens  &  pour  les  hyverner.  11  y  a 
aufli  près  de  l'entrée  de  la  baye  du 
côté^du  N.  une  ance  propre  à  la 
conftrudion.  Le  fond  de  cette  baye 
cil  une  efpece  de  marais  extrême- 
ment peuplé  de  gibier  d'eau.  Le  ter- 
rein  des  environs  a  peu  de  profon- 
deur de  terre,mais  bonne  à  cultiver; 
l'intérieur  des  terres  efi:  fort  bon,     | 

Cette  baye  a  le  défaut  de  n'étrej 
point  fur  le  lac,  &  de  ne  pouvoiri 
découvrir  ce  qui  s'y  pafle.  La  côtej 
bors  de  la  baye  efl:  toute  de  roches, 
très  -  mal  aiféea  y  mettre  à  terre,  llj 
faut  chercher  la  baye  du  Petit  Ca- 
taracoui,  fi  l'on  ne  peut  entrer  dans 
la  grande  baye. 

Le  petit  Cataracoui  a  la  mémej 
ouverture  que  la  grande  Baye  ,  &| 
n'a  qu'un  quart  de  lieue  de  profon-i 
deur.  Le  fqnd  en  efl  plein  de  joncs.j 
Cette  première  baye  eft  de  confé-j 
quence,  parce  que  l'ennemi  peut; 
y  venir  mettre  à  terre,  fans  être  vu! 


j^  t Amérique  Septentr, Cn.W.  105: 

e  Frontenac  ,  &  s'y  porter  facile- 
bent,  n'y  ayant  qu'une  petite  lieue; 
j;e  qu'a  exécuté  Bradllreet ,  eu 
|[75§  ,  qui  vint  avec  4000  honi- 
jnes  attaquer  ce  fort ,  qui  n'avoit 
|[ue  50  hommes  de  garnifon,  & 
îrente  voyageurs  qui  s'y  trouvèrent 
}ar  hafard. 

A  un  quart  de  lieue  du  petit  Ca- 
aracoui,  il  y  a  une  ance  large» 
nais  peu  profonde  ,  que  l'on  noni- 
jne  VAnce  au  Sable.  C'eil  l'endroîl: 
!)ù  l'on  venoit  le  chercher  pour  la 
lonftruftion  de  Frontenac. 

A  une  lieue  &  demie  plus  loin ,' 
:fl;  une  autre  baye  formée  par  rem- 
pouchure  d'une  rivière.  Les  côtes 
ïn  font  élevées  &  couvertes  de 
jroffes  roches.  Des  bateaux  n'y 
Dourroient  pas  refter  en  fureté, 

A  deux  Heues,  en  fuivant  la  côte 
du  N.  de  Frontenac ,  on  rencontre 
trois  petites  isles,  appellées  TonégU 
gnon ,  défertées  par  les  Sauvage^ 

E  % 


îo^  Mim,  fur  h  àern.  Guerre 

On  palTe  difEcilement    entre  ces 

iiles  &  celle  de  Tonti ,  à  caufe  d'u- 
ne bature  confidérable  qui  en  tient 
prefque  tout  le  travers.  On  paflTe 
cotre  les  deux  petites  isles  qui  font 
N.  &  S.  pour  gagner  celle  de 
Tonti  :  cette  isie  a  trois  lieues  de 
long,  &  une  lieue  &  demie  de  lar- 
geur en  quelques  endroits. 

On  fuit  en  bateau  fa  côte  du  N. 
jufques  prefque  au  bout  Les  bâti- 
mens  paiîent  au  large  de  cette. isk 
en  defcendant ,  &  viennent  droit 
fur  le  petit  Cataracoui.  il  y  a  un 
islot  de  roches  ,  couvert  d'arbres , 
qu'il  ne  faut  pas  trop  approcher, | 
parce  qu'il  y  a  des  batures  ,  fur-l 
tout  dans  fa  partie  fupérieure.         I 

Les  bateaux  font  la  traverfe  à  Ia| 
€Ôte  de  la  baye  de  Quinte,  qui  ai 
une  lieue  -d'ouverture.  On  laiflel 
cette  baye  à  droite  ,  il  l'on  neveutj 
pas  faire  fon  portage,  qui  efta 
«|uiaze  lieues  dans  le  fond  de  cette 


de  f Amérique  Septenîr.CïiJir j 07 

baye.  Ce  paffage  évite  de  faire  îe 
tour  de  la  grande  -  prefqu'isle  ,  qui 
jî'eft  pas  trop  bon.  Ce  portage  eft 
de  près  d'une  lieue  toujours  fur  da 
fable. 

On  fiiit  deux  lieues  §c  demie  la 
côte  de  la  prefqu'isle  ,  après  quoi 
l'on  fait  la  traverfe  de  la  baye  qui  a 
trois  lieues  d'ouverture  &;  cinq  de 
profondeur.  On  ne  connoit  pas  fi 
elle  feroit  propre  à  mouiller.  La 
pointe  du  N.  eft  un  rocher.  Tou- 
te cette  prefqu'ile  eft  remplie  de 
beaux  bois. 

A  un  quart  de  lieue  de  la  pointe 
du  S.fe  forme  une  efpece  de  détroit 
On  pafle  auprès  de  l'isle  d'Ecoui , 
jderriere  laquelle  il  y  a  bon  mouil- 
jlage.  Du  côté  du  large  du  lac,  il 
ly  a  deux  bancs  à  fleur  d'eau ,  ap- 
pelles les  Goëlmis. 

Toute  la  côte  du  nord  du  lac 
ipntario  forme  des  pointes  tous 
les  quart  ou  demi-lieues ,  qui  pro* 
I  E   ê 


I  o  8     Mêm.  fur  la  dern.  Guerre 

duifent  des  batures  affez  au  large;' 
difficiles  à  doubler  ,  lorfqu'il  fait  ua 
peu  de  vent.  Ce  font  des  roches 
plates. 

A  deux  lieues  des  Ecouis ,  il  y 
aunelînuofité  de  deux  lieues  d'ou- 
verture ,  &  de  près  d'une  lieue  de 
profondeur  ,  dont  la  partie  du  N. 
eft  fabionneufe  ,  mais  n'ayant  pas 
affez  de  fond  pour  fervir  de  mouil- 
lage aux  bâtimens.  Le  refte  eft  ro- 
che plate  ou  galets. 

A fon extrémité  S.  O.  eftla  Poin- 
te aux  Gravois  :  on  y  mouille. 
Pendant  deux  lieues ,  la  côte  court 
N.  E.  &  S.  O.  On  cotoye  toujours 
la  Pointe  aux  Gravois  qui  eft  Ro- 
che plate.  i 

Dans  le  retour  de  cette  pointe  | 
au  S.  O.  &  dans  la  partie  du  O.; 
à  la  première  finuofité  ,  il  y  a  fond' 
de  fable  où  l'on  peut  mouiller  :  Ia| 
féconde  fmuofité  eft  fond  dega-^ 
kt  1 


t Amérique  Septentr.Qn  IL   i  o^ 

Delà  on  paflela  Pointe  du  Dé- 
)ur.  C'eft  celle  qui  porte  le  plus 
Il  large  :  fon  fond  eii;  de  roche 
late  ;  elle  eft  fort  diiSciie  à  doû- 
ler,  lorfque  le  vent  devient  un 
jeu  fraix.  Les  roulins  y  font  fort 
iiauvais ,    à  caufe  du  bas-  fond. 

On  rencontre,  après  cette  poin- 
,e  ,  de  grandes  finuoiités  d'une  dé- 
lai -  lieue  de  profondeur.  Il  y  en  a 
jine ,  avant  d'arriver  à  l'Ance  des 
punes ,  dont  le  fond  a  demi  -  lieue, 
bndde  fable  ;  mais  la  côte  de  i'O. 
îft  rocher  ,  ainfî  que  toutes  les  au- 
res  pointes  dont  les  ances  ont 
bnd  de  galet. 

i  L'Ance  des  Dunes  a  trois  lieues 
id'ouverture.  Le  vent  y  a  formé 
jdes  dunes  de  fable  ,  comme  à  Dun- 
kerque,qui  féparent  le  lac  d'un  ma- 
rais qui  a  trois  lieues  de  profon- 
deur.  Il  eft  plein  de  gibier  d'eau. 

La  côte  du  lac  jufquesà  la  Poin- 
te de  Quinte  eft  par -tout  de  ro- 


1 1  o     Mêm.  fur  la  dern.  Guerre 

ches.  Dans  les  raerocs  qui  font  au:; 
pointes,  il  y  a  fond  de  fable  oi 
l'on  peut  mouiller.  Il  y  a  auf 
de  bons  mouillages  autour  de  l'islj 
de  QiKnté  ;  cette  isle  peut  avoij 
trois  quarts  de  lieue  de  diamètre. 

Delà  Pointe  de  Quinte,  on  en 
tre  dans  une  ance  qui  a  cinq  lieuei 
d'ouverture  jufques  à  la  prefqu'ii. 
le.  La  côte  du  fond  de  Tance  efll 
toute  de  iabîe. 

A  près  de  deux  lieues  de  la  preC 
qu'isle,  on  trouve  le  portage  du 
fond  de  la  baye  de  Quinte.  On 
doit  paffer  au  large  de  cette  pref- 
qu'isle  ,  parce  qu'en  palTant  en 
dedans^  on  entre  dans  des  joncs;: 
êc  de  là ,  il  faut  faire  un  portage 
fur  du  fable  de  300  pas,  pour  req* 
trer  dans  le  lac. 

La  prefqu'isle  de  Quinte  étoît 
«ne  isle  qui  a  été  jointe  à  la  grande 
terre  par  les  fables  &  gravois  que 
ks  ^euts  de  S.  O.  ont  jetés  dans 


le  l'Amérique  Septentr.CuAl.   m 

]  'ance  du  S.  O.  On  trouve  aux  en- 
trons de  bonnes  terres.  Les  fonds 
.  ufques  aux  montagnes  ,  qui  font 
I  )eu  élevées ,  font  de  très  -  belles 
hrairies  arrofées  par  les  deux  ri- 
vières marquées  dans  la  carte.  Ce 
3ays  feroit  charmant  à  habiter.  II 
f  a  une  grande  quantité  de  gibier 
&  de  poiffons  ;  auffi  eft  -  il  conti- 
luellement  fréquenté  par  les  Sau- 
nages Miffifakes. 

Depuis  la  prefqu'isle  jufques  à 
a  rivière  de  Ganaraské  ,  les  ter- 
res fur  la  côte  feroient  plus  pro- 
3res  à  être  cultivées  ,  que  tout  ce 
que  l'on  rencontre  depuis  Fronte- 
nac. Ganaraské  &  la  rivière  au 
Saumon,  ne  font  remarquables  que 
parce  qu'elles  font  fort  poiffonneu- 
fes. 

Les  Petits  Ecors  font  des  terres 
coupées  de  40  à  50  pieds  prefque 
îi  pic.  Elles  forment  des  petits  caps 
&  des  an-ces  ^  ou  il  y  a  dans  le  fonà 


lis  Mîêm.fur  la  dern.  Guerre 

des  embouchures  de  rivières  ou  des 
marécages  ;  on  ne  peut  mettre  à 
terre  que  dans  le  fond  des  ances. 

après  avoir  doublé  les  Petits 
Icors ,  on  rencontre  une  grande 
aoce  qui  a  deux  lieues  d'ouverture. 
La  rivière  qui  eft  dans  le  fond  pa- 
loît  aîTez  confidérable.  Son  em- 
bouchure eft  toute  couverte  de! 
joncs  jufques  dans  le  lac  ;  ce  qui 
cit  fort  rare ,  parce  que  tout  le 
tour  elles  font  prefque  toutes  bou* 
chées  par  des  gravois  qui  ne  laif- 
fent  ordinairement  qu'un  petit  ca- 
nal qui  communique  avec  le  lac. 
C'eft  là  où  Ton  prend  une  quantité 
prodigieufe  de  poiiïbns  qui  dans 
certaines  faifons  paffent  du  lac  dans 
les  rivières. 

Au  commencement  des  Grands 
Ecors ,  il  paroit  une  embouchure 
de  rivière  affez  confidérable.  Ces 
Ecors  font  des  terres  coupées  pref- 
que à  pic  de  80  à  loo  pieds  de 


<'  t Amérique  Septentr.CnAI.   113 

iut.  Ils  continuent  pendant  cinq 

■feues.  Au  bout  de  cet  efpace  eft  une 

îjointe  de  fabîe  boifée  ,  qui  forme 

Ine  Frefqu'isle,   &    derrière  une 

rande  baye  couverte  en  partie  de 

)ncs.  Les  bâtimens  peuvent  mouil- 

r  dedans  &  yliyverner. 

A  la  pointe  de  la  prefqu'isle  ,  il 

a  un  bon  mouillage,  &  au  fond 

e  la  baye  une  rivière  fort  propre 

oor  y  bâtir  des  machines  ;  il   fe 

Hrouve  de  très  =  beaux  bois  de  pins 

ans  les  environs.   On  fait  un  por- 

age,  lorfqu'on  va  en  canot  du  fond 

le  cette  baye  aux  Ecors, 

Le  fort  de  Toronto  eft  à  l'extrê- 
nité  de  la  baye  ,  fur  la  côte  qui  eft 
iffez  élevée  &  couverte  d'une  ro- 
:he  plate.  Les  bâtimens  n'en  peu- 
vent pas  approcher  à  la  portée  du 
canon.  Ce  fort  ou  polie  étoit  un 
Iquarré  d'environ  30  toifes  de  côté 
lextérieur;  les  flancs  avoient  if 
pieds  :  les  courtines  formaient  les 


114  Mém.fur  la  dern.  Guem 

bâtimens  du  fort.  11  étoit  fait  d 
pièces  fur  pièces  affez  propremen 
k  ne  pouvoit  être  utile  que  pourl 
traite. 

A  une  lieue  dans  l'O.  du  fort,  c! 
l'embouchure  de  la  rivkre  de  Te 
ronto  qui  eft  aflez  confîdérabhj 
Cette  rivière  communique  aveclj 
lac  Huron  ,  en  faifant  un  portagj 
de  15  lieues,  klie  elt  fréquenté j 
par  tous  les  Sauvages  qui  vienneni 
du  nord. 

Les  autres  rivières  qui  fe  ren 
contrent  jufques  au  fond  du  lac 
paroiffent  aiTez  confidérables.  £1 
les  font  avantageufes,  fur- tout  pou: 
la  chaffe  &  la  péclie. 

Le  fond  du  lac  forme  une  bar 
re  en  gravois  de  deux  lieues.  I 
fépare  le  grand  lac  d'un  petit  qui 
eft  prefque  tout  couvert  de  joncs. 
A  fon  extrémité  eft  une  rivière 
qui  y  forme  une  chute.  Cet  en- 
droit eft  curieux,  par  la  quantité 


?  P Amérique  Septentr.CnJl.   î  f  f 

e  gibier  d'eau  qui  y  pafle ,  corn- 
jie  canards ,   farcelies ,  outardes  ^ 
yes  &  cygnes.  L'on  peut  les  ti- 
trés-faciiement  à  leur  paffa- 
je,  fur  les  rochers  de  cette  chute. 
I  Cette  rivière  va  fort  avant  dans 
'S  terres ,   &  communique  à  deux 
vieres  avec  portage  ;  l'une  tom- 
e  dans  le  lac  Erié  ;  l'autre  par  un 
ours  d'une  foixantaine  de  lieues  , 
jefcend  dans  le  lac  Ste.  Claire,  au 
elTus  du  détroit.   Ces  pays    font 
es  -  beaux  &  très  -  bons  pour  la 
haffe.  La  rivière  dont  M,  Fouchot 
'a  jamais  pu  être  informé  du  nom, 
ft  fans  aucun  rapide  Se  très-navi- 
able   dans   tout  ion  cours.    Les 
auvages  ou  les  Canadiens  que  l'on 
nvoye  i'hy  ver  de  Niagara  au  dé- 
roit ,  prennent  cette  route  &  réf. 
ent  ordinairement  àix  jours  pour 
rriver  d'un  endroit  à  l'autre.    Un 
;ompte  cent  lieues  par  cette  routt 
le  Niagara  au  détroit. 


Jî6  Mém.  fur  la  dern.  Gtierre    \ 

On    trouve   plufieurs   rivierei 
depuis  le  fond  du    lac  jufques  i 
îviagara,  où  i)  y  a  15  lieues.  Ce; 
rivières  fortent  preique  toutes  di 
rideau  des  terres  que  l'on  nomm^ 
les  totosqui  viennent  aboutira  cet 
îe  rivière  du  fond  du  lac.   L'inter- 
valle entre  les  Côtes  eftune  plain^l 
fort  belle  &  bien  boifée.  11  y  a  deî. 
pins  vers  le   grand    Marais  &  iq 
Marais  aux  Trois  ."^ orties,  à  rufagei 
du  fort  de  Niagara.  \ 

Cette  efpece  d'arbres  efl    rare 
dans  ces  quartiers  ,  où    il  n'y  2 
pour  l'ordinaire  que  des  chênes  de 
pluiîeurs  efpeces  5   des  noyers  ;  des 
châtaigniers,  du  bois  jaune,  qui 
eft  très  -  propre  à  la  bâtiffe  ,  pour 
iambriifer.   On  y   trouve    encore 
une  eipece  de  noyer  noir^fbrt  beau! 
pour  des  meubles  ,  du  hêtre  ,  dU| 
plane  &  de  l'érable.    On  tire  de; 
ces  deux  derniers  du  fucre  fort  bon 
&  moins  corrofif  que  le  blanc/ 


:f, 


t Amérique Septenty^Cn.lL   iif 

Dans  la  partie  du  N.  du  côté 
Toronto,  on  trouve  plus  com- 
unéinent  du  pin  &  du  cèdre ,  à 
lufe  du  voiflnage  des  montagnes, 
lies  ne  font  pas  aufli  hautes  que 
;s  Vauges ,  mais  couvertes  de 
eau  bois  &  de  bonnes  terres.  El- 
!S  ne  font  point  froides  comme 
slles  du  côté  de  Carillon. 

Avant  17^4,  les  voyageurs  ne 
iivoientprefque  jamais  dans  leurs 
oyages  la  côte  du  N.  où  il  y  a 
;ependant  plus  d'abris  que  dans  la 
iôte  du  S.  pour  un  nombre  con- 
idérable  de  bateaux.  La  route  eft 
m  peu  plus  longue  pour  fe  rendre 
'.Niagara,  depuis  qu'on  a  mieux 
limé  fuivre  cette  route  par  le  N. 
quoique  Chouegen  n'exiftât  plus. 

Nous  renverrons  la  defcriptioîi 
ie  Niagara  au  chapitre  de  la  lielie 
iRiviere ,  afin  de  fuivre  la  côte  du 
S.  du  lac. 
la  côte  depuis  Niag^.ra  jufques 


I  î  8     Mêîm  fur  la  djrn.  Guerre 

à  la  grande  Rivière  aux  Bœufs 
court  £.  &  O.  près  de  24  lieues 
Cette  côte  eft  droite  ,  fes  bord 
étant  généralement  élevés  de  5c 
340  pieds.  Les  rivières  que  Ton] 
rencontre  ne  pénétrent  pas  bier. 
avant  dans  les  terres. 

Le  Petit  Marais  éloigné  de  Nia- 
gara d'une  lieue  &  demie ,  eft  une 
petite  baye  où  il  peut  entrer  2  à 
300  bateaux.  Les  Anglois  y  mi- 
rent à  terre  en  1759.  Les  Rivières 
aux  Eclufes ,  &  des  Deux  Sorties , 
éloignées  de  5  &  6  lieues  de  cette 
place,  ne  font  remarquables  que 
parce  qu'on  y  trouve  des  pins. 

On  voit  au  deffus  de  la  Kiviere 
aux  Bœufs,  dans  les  terres  au  det 
flis  des  côtes,  une  petite  montagne 
qui  paroît  ronde  ,  appeliée  la  Bu- 
te  à  Gagnon.  C'eft  une  marquc^^ 
pour  connoître  que  l'on  fe  trouve^ 
iur  le  lac  à  la  diftance  de  r  5  lieues 
de  Niagara.  Lorfqu'on  eft  par  foa 


P  Amérique  Septentr,  Ch.  II.   119 

tivers ,  les  bâtimens  tiennent  aii- 
tjiit  qu'ils  peuvent  le  large  ,  pour 
r:  point  dépaffer  rembouchure  de 
1  rivière  de  JSiagara,  que  l'on 
rlîpperçoit  qu'après  l'avoir  dépaf- 
fp;  les  bâtiments  feroient  fort  em- 
l:|rraiïës  s'ils  ne  pouvoient  pas  en- 
[;n  Les  vents  de  N.  E.  étant  ordi- 
niirement  bien  fraix,  on  ne  trou- 
^roit  point  d'abri  depuis  Niagara 
[îfqu'au  fond  du  lac,  ce  qui  les  obli- 
ïjroit  de  fe  tenir  dans  le  N.  du  lac. 
[ms  cette  navigation  les  coups  de 
nit  d'O.  &  fur-tout  de  N.  O.  qui 
rfont  furieux,  les  jetteroient  fur  la 
te  du  S. 

Les  côtes  formant  un  rideau  uni 
t  -  tout ,  on  n'a  pas  d'autre  mar- 
jeponr  fe  reconnoître  que  cette 
te. 

La  navigation  de  Frontenac  à 
agara  ,  avec  des  bâtiments ,  eft 
iJinairementde  4,  6", ou  8  jours» 
'on  ne  rencontre  pas  un  vent  de 


120     Mém.furh  dent.  Guerre 

N.  E.  qui  n'y  règne  ordinaireniier 
qu'aux  phaies  de  lalune.  Four  a! 
1er  àt  Niagara  à  Frontenac,  on  n 
refte  guère  qu'une  nuit  dehors.  Le 
vents  font  prefque  toujours  dans  1 
S.  O.  &  fraix. 

L'embouchure  de  la  Rivière  au:J 
Bœufs  eil  bonne  pour  mettre  à  ter 
re  ;  mais  en  venant  de  Niagara ,  i 
faut  en  doubler  la  pointe  au  large  | 
à  caufe  d'une  longue  &:  mauvaifj 
bature  qui  e(l  dans  i'O.  Depui 
Niagara  jufques  à  cette  rivière  ,  i 
y  a  très  -  peu ,  &  même  point  d'à 
bri  pour  un  nombre  un  peu  confi 
jdérable  de  bateaux.  Depuis  cetti 
rivière  ,  les  côtes  du  lac  font  plu 
balles.  Elles  tournent  au  S.  E.  S 
forment  des  efpeces  d'ances  pei 
profondes ,  d'environ  une  lieu( 
d'ouverture. 

Un  peu  avant  d'arriver  au  fon 
des  Sables^  on  trouve  l'embouchu- 
re   de   la    rivière    de  Cafconchia- 


e  f  Amérique  Septentr,  Ch.II.   izx 

jon.  Son  entrée  forme  une  affez 
grande  baye,  affez  profonde,  il  fc 
rouve  à  fon  entrée  une  mauvaifa 
lature  à  palier. 

C'efi:  la  rivière  de  ce  côté  qui 
itle  plus  long  cours  dans  les  ter- 
es.  lille  forme  trois  chutes ,  au  ri- 
eau  dans  les  cotes ,  prefque  auf5 
elles  que  celle  de  Niagara. 

On  entre  dans  le  fond  de  la 
^•yi^  des  Sables ,  pour  commencer 
i  navigation  du  Caiconchiagon. 
l  y  a  un  portage  de  3  lieues,  qui 
il:  la  route  la  plus  commode.  On 
onnera  des  détails  de  cette  navi- 
ation  dans  un  chapitre  féparé, 
our  ne  pas  interrompre  la  det 
ription  des  côtes  du  lac. 

Le  fort  des  Sables  n'eft  que  des 
unes  de  fable  fort  hautes  ,  qui  fe 
•ouvent  autour  de  la  baye  de  ce 
om.  Elle  a  trois  lieues  de  profon- 
cur ,  bon  fond  d'eau*  Depuis  cet- 
:  baye  ,  les  terres  jufques  au  pied 
,  l'orne  IIL  F 


0 


I2Z     Mém.  fur  h  dern.  Guerre 

du  rideau  des  côtes  ,  font  fort  baf 
fes ,  marécageufes  ;  le  bois  en  e( 
fourré. 

La  baye  des  Goyogoins  efl  al 
fez  belle  &  profonde.  Les    Bou 
cauts  font  une  baye  remplie  depe 
tites   isles ,  ou  plutôt  des  grande 
dunes  de  fable   couvertes  de  boi: 
Les  côtes  en   font  à    pic  jufque 
dans  l'eau.  Si  cette  partie  étoit  forj 
dée,  il  eft  à  croire  que  l'on  y  troij 
veroit    de    fort   bons    mouillage 
pour  les  bâtiments ,  entre  ces  isle 
Les  terres  des  environs  font  élevée 
&:  fabîeufes  ;  le  rideau  des  côtes  e 
c(t  aifez  proche. 

La  côte  du  lac  efl  pierreufe  ( 
mêlée  de  rochers  ,  depuis  cet 
baye  jufqu'à  Chouegen  ,  dont  noi 
parlerons  dans  le  chapitre  fu 
vant. 

Les  terres  depuis  Chouegen  ,  e 
defcendant  toujours  le  lac,  fo! 
plus  élevées ,  &  le^  côtes  du  laçi 


'  VAmêrîqtîe  Septentr.  C h.  îl.   125 

îint  généralement  que  des  roches  , 
Ifqiies  à  la  Pointe  au  Cabaret.  C'eft 
lie  pointe  de  rochers  affez  lon- 
ae  à  pic  dans  l'eau  ,  de  30  à  40 
jeds  de  haut ,  qui  forme  le  cap 
jplus  avancé. 

à  demi-lieue  dans  TE.  de  Choue- 
!n  ,  il  y  a  une  petite  ance  fond  de 
3ie,où  M.  deMontcalm  mit  à  terre 
fe  campa,lors  du  iiege  de  Choue- 
n,en  1756.  Les  Anglois  y  ont  faiÇ 
puis  un  défert  ou  découvert ,  8c 
\s  des  redoutes  quivoyent  cette 
îce. 

Dans  cette  navigation  ,  on  peut 
trer  en  bateau  dans  la  rivière  à 
Planche  ,  en  fauvage  Tenfaré 
hgoid ,  &  dans  celle  à  la  Groffc 
orce  5  ou  CaffontacbégoncL  Ces 
ieres  n'entrent  pas  bien  avant 
isles  terres. 
La  rivière  à  la  Famine  (  a  ) ,   ea 

a  )  Ainfî  appelles  depuis  que  M» 
F  Z 


124-  Menu  fur  h  dern.  Guerre 
fauvage  Keyouanouagué  ,  enti 
fort  avant  dans  les  terres ,  &  ^ 
afiez  près  du  portage  de  la  hautei 
des  terres.  C'eit  où  paffoient  o 
dinairement  nos  partis  pour  ail 
fur  cette  frontière,  &  le  long  du  1 
&  de  la  rivière  des  Onoyotes,  po 
n'être  pas  découverts. 

Depuis  la  Pointe  au  Cabaretji 
ques  à  la  rivière  à  M.  le  Comte , 
côte  forme  un  grand  arc  de  ceri 
en  fable  ,  avec  des  dunes  couvi 
tes  d'arbres.  Les  derrières  font  c 
prairies  marécageufes ,  jufques  a 
côtes  dans  lefquelles  des  riviei 
ferpentent. 

Entre  la  rivière  au  Sable  &  a 
de  la  Famine ,  eît  une  petite  ri^ 
re  appeliée  en  fauvage  Canogi 
ron,  La  rivière  aux  Sables ,  en  i 

de  la  Barre,  gouverneur  du  Cana 
faillit  perdre  ^oute  fon  armée,en  i6 
fuï  fes  bords ,  par  la  faim ,  en  ail 
faire  la  guerre  aux  Iroquois.      '  ' 


T Amérique  Septentr.  Ck.II.   i 2  f 

ge  Bcataragarenrê,  eit  remar- 
[lable ,  en  ce  que  dans  le  haut  de 
ij  branche  du  b.  appellée  Têca- 
\nQtiaronefi  ,  eit  Tendroit  que 
Il  tradition  des  Iroquois  donne 
[pur  le  lieu  d'où  ils  font  tous  for- 
t  ,  ou  plutôt,  fuivant  leur  penfée, 
:i  ils  font  nés. 

i  Entre  la  rivière  aux  Sables  &  cel- 
[à  M.  le  Comte ,  eft  la  petite  ri- 
re à:  Outemjjonéîa,  La  rivière 
M.  le  Comte  a  un  bon  abri  pour 
î bateaux,  à  caufe  d'un  raccroc  de 
jle  que  fait  l'embouchure  de  la 
tnere. 

On  peut  naviguer  dans  toutes 
[S  rivières  en  canot,  &  leurs  en- 
trons font  de  bons  pays  de  chaffe. 
Il  Baye  de  Niaouré,  ou  Neyaouln^ 
a  cinq  lieues  de  profondeur  ;  il 
)\  pluûeurs  rivières  confldérables 
ii  s'y  déchargent.  On  y  trouve 
forts  bons  mouillages  pour  les 
sitiments.  Le  meilleur  eil  entre 
F  3 


1.26  Mém.  [tirhdern.  Guerre 

les  islots  ,  &  cette  terre  prefquî 
ronde ,  où  M.  de  Montcalm  vin! 
camper  avec  fon  armée  avant  d'al 
1er  à  Chouegen. 

Il  paroît  que  c'eft  le  meilleui 
endroit  pour  faire  un  établiffemeni 
dans  TE.  du  lac  ;  ce  pofte  ne  tien; 
à  la  terre  que  par  une  chauffée  de 
gravois.  Le  lac  a  affez  peu  de  fond 
pour  ne  laiffer  approcher  de  la  cô« 
te  tout  au  plus  que  les  bateaux.^ 
31  feroit  très  -  facile  à  fortifier ,  & 
protégeroit  les  bâtiments  au  mouil- 
lage. Les  terres  autour  de  la  baye 
font  admirables  pour  la  culture.  La 
pêche  &  la  chaffe  y  font  abondan- 
te». 

Il  y  a  deux  grandes  rivières ,  pai 
lefquelles  on  peut  fe  porter  facile- 
ment fur  les  routes  des  Anglois  2 
Cliouegenj  &  les  bien  mieux  obfer- 
ver,  qu'étant  porté    à  Frontenac 

11  y  a  un  bon  mouillage  en  de- 
hors  aux  isles  aux  Galots ,  &  tou- 


k  V Amérique  Septentr.Cn.lL   127 

es  les  commodités  pour  le  pot 
le  3  &  pour  favorifer  la  navigation 
iu  lac.  De  là  on  fe  trouve  toujours 
Il  portée  d'aller  fur  la  rivière  de 
phouegen  ,  lorfque  i'occafion  le 
|lemande. 

Les  bâtiments  qui  de  la  côte  du 
?.  du  lac ,  veulent  entrer  en  rivière, 
)airent  entre  la  Grande  Terre  &  la 
:.ongue- Isle,  que  Ton  appelle //? 
7he^al  delà  Galette,  il  faut  auffi 
}u'ils  paiTent  par  là  pour  aller  à 
Frontenac,  ou  entre  l'isle  à  la  fo- 
êt  &  l'isle  Tonti. 

Les  bateaux  qui  partent  de  Fron- 
:enac,  pour  aller  à  Chouegen,  paf- 
ent  entre  l'isle   à  la  Forêt  &  la 

ongue  -  Isle,  que  Ton  cotoye  avec 
3eine  du  coté  du  large  ,  parce  que 
a  lame  y  eil:  toujours  dure.  Lort. 
^u'il  fait  du  vent ,  il  n'y  a  pas  d'a- 
bri. On  traverfe  de  là  à  l'isle  au 
[Chevreuil  &  à  la  pointe  de  la 
3aye  de  Niaouré.  Il  y  a  une  bonn© 

F  4 


î28  Mem.fiir  ladern.  Guerre 

ance  dans  la  partie   inférieure  de 
l'isleau  Chevreuil. 

Les  pointes  de  la  Longae-Isle  fur 
le  lac,  font  des  roches  plates  ou 
galets.Toutes  ces  isies  feroient  très- 
bonnes  à  cultiver. 

il  y  a  un  raccroc  dans  la  partie 
inférieure  de  i'isle  aux  Galots  , 
près  de  terre,  où  l'on  peut  fe  met- 
tre à  l'abri  dans  des  gros  tems.  On 
trouve  une  bature  tout  -  à  -  fait  fur 
là  pointe  de  TE.  qu'il  faut  dou- 
bler au  large,  &  revenir  enfuite 
fur  I'isle,  Le  mouillage  y  efl;  très- 
J)on  pour  les  bâtiments. 


^%4«- 


îe  té^nèrique  Septentr.Cw.UL   1 2  f 


CHAPITRE    m. 

De  la  communication  de  h  rivière 
de  Cbouegen  aux  pojJeJJiQns  qju 
gloifes, 

\^^  HOUFGEN  ,  fuivant  fa  dernie- 
•e  eonilniciion  (^),  eft  bâti  fur 
e  terrain  où  était  le  fort  Ontario  ; 
es  Angiois  Pont  nommé  de  mè- 
ne. C'cfi  un  pentagone  dont  le 
:ôté  extérieur  a  environ    80   toi- 


( a )  Ce  poite  ne  co nliftoit  dans  fou 
Dtigine  qu'en  un  hangar  de  traite, 
]ue  les  Iroqiiois  avoient  permis  aux 
Aaiglois ,  en  1712,  (le  conftruire,  î»  fut 
changé  en  fort .  en  1727  ,  par  Fadrelle 
jie  ceux-ci ,  qui  ne  ceiTerent  depuis  de 
l'augmenter,  il  a  voit  été  bâti  fur  le  ter- 
|:itoire  de  la  France.  M.  le  marquis 
'3e  Beauharnois,  gouverneur  du  Ca^ 
'aada ,  avoit  protefté  contre  cettf 
|ufurpatioii  manifeile. 

■  F  f  ^  '  : 


1 30  Mhn.  fur  hdern.  Guerre 

fes.  11  efl  partie  en  terre  revêtu  de 
fauciffons  fur  la  partie  du  lac.  Le 
refte  eft  enquaifîe  dans  des  pièces 
de  bois  de  près  de  3  pieds  d'équar- 
riffage.  Les  parapets  peuvent  avoir 
î  2  pieds  d'épaiiîeur  Le  terre-plein 
eft  un  plancher  fait  de  groffes  pou- 
tres d'une  quainzaine  de  pouces 
d'équarriffage.  Tous  les  delTous  de 
ces  planchers  forment  des  bâti- 
ments ,  ou  des  cafemates.  Le  foffé 
aaumoins  cinq  toifes  de  largeur. 
11  y  a  un  glacis.  On  n'y  a  point  ap- 
perçu  d'ouvrages  extérieurs.  Le 
fort  étoitprefque  fini  en  i7<^o. 

Les  Anglois  ont  conltruit  au- 
tour du  fort,  à  la  grande  portée  du 
fufil ,  quatre  blachoufes  fort  per- 
fedtionnées.  11  y  en  a  une  qui  voit 
fur  la  cote  dont  j'ai  parlé,  l'autre! 
fur  la  rivière.  L'on  pourroit  tour- 
ner le  fore  à  la  portée  du  canpn, 
Du  côté  du  haut  de  la  rivière ,  il  y 
%  une  efpece  de  rideau  qui  con> 


k  f  Amérique  Sepfentr.  Ch.IIL   131 

nande  le  fort ,  où  ii  feroit  facile 
ii'ouvrir  la  tranchée.  Le  terrein  va 
m  s'abaiffantfur  le  fort. 

L'entrée  de  la.riviere  de  Choue- 
i^en  eft  étroite,  à  caufe  d'un  ro- 
:her  fous  l'eau, qui  fe  trouve  dans  le 
iiilieu.  Un  peu  au  deifus ,  à  la 
3ointe  des  deux  bancs  de  gravois  ^ 
a  paffe  eft  étroite  &  affez  difficilev 
Les  Anglois  y  ont  cependant  fait 
entrer  des  bâtiments  de  22  pièces 
|3e  canon. 

!  A  l'extrémité  de  qMq  pafTe  font 
[deux  raccrocs ,  qui  forment  deux 
pfpece«  de  ports.  Ils  y  mettent  tous 
eurs  bateaux  à  l'abri  des  crues 
li'eau.  lis  ont  même  fait  à  celui  qui 
l^ilibus  le  {oït  une  jetée  en  bois 
j&  en  pierre  ,  pour  mieux  contenir 
eau  &  le  fermer.  , 

Les  rapides  commencent  à  do- 
jmi  -  lieue  du  fort ,  au  premier  re- 
boude de  la  rivière.  Ces  rapides  font 
tous  gayables.  On  monte  ks  ba^ 

F  € 


j  3  2^     Mê'tîi.  fur  h  dern.  Guerre 

teaux  à  vuide  &  à  la  perche ,  avee 
quatre  hommes  dans  les  grands 
bateaux,  &  deux  hommes  dans  les 
petits. 

Ces  grands  bateaux  avec  leur 
charge,  portent  jufques  à  20  hom- 
mes, &  les  petits  à  vuide  10 
ou  7  hommes.  Les  Angîois  ont,  ou- 
tre ces  bateaux  ,  des  chaloupes  de 
pêche  à  la  baleine,  qu'ils  appellent 
JVoel'Eot,  qui  font  très -légères 
à  la  rame  ,  mais  qui  ne  valent  rien 
pour  la  navigation  de  ces  rivières , 
fur  .  tout  quand  les  eaux  font  baf- 
fes: on  eft  fouvent  obhgé  defe  met- 
tre dans  l'eau  pour  les  traîner  ;  ce 
qu'ils  ne  peuvent  pas  foutenir. 

Le  fond  de  la  rivière  eft  rempli 
de  petites  roches ,  qu'il  faut  con- 
tourner ;  ce  qui  reffemble  aflez  au 
rapide  de  Ghambly  ;  mais  la  riviè- 
re n'y  eft  pas  auflî  large.  Les  ter- 
res des  deux  côtés  en  font  fort  éle- 
vées. 


ie  t Amérique  Septentr\Cn.\l\,  1 3  5 

I  11  y  a  un  chemiîi  à  talon  ,  qui 
[bit  la  gauche  de  la  rivière,  du  côté 
J3u  vieux  ChoLiegen ,  pendant  trois 
iieues.  Les  bois  font  fourrés.  Le 
|:errein  eft  rempli  de  buttes  &  de 
bavités  propres  à  des  embufcades. 

Au  bout  de  ces  trois  lieues ,  la 
iviere  eft  navigable  ;  mais  pref- 
pe  à  toutes  les  lieues ,  on  trou- 
i^e  des  recoudes  où  il  y  a  des  batu^- 
res  mal-aifécs  à  paOl^r.  Les  ba- 
teaux font  obligés  de  défiler  &  de 
percher  vigoureufement.  On  fe 
Qiet  à  leau ,  fi  le  bateau  embarde. 

Au  deffus  du  rembarquement , 
la  rivière  devient  plus  large  ,  & 
l'eau  belle.  Le  pays  ell  pîat&  cou- 
vert de  beaux  bois.  11  y  a  allez  de 
courant  fur  l'arrête  des  finuoiités. 
Chaque  retour  court  environ  un 
mille ,  dans  le  même  air  de  vent 
La  rivière  a  toujours  en  général  fa 
diredion  E.  M.  E.  liya  plufieurs 
ibles  dans  ce  canal  de  la  riviçre. 


134  Mem.  fur  tadern.  Guerre 

Celle  où  M.  de  Villiers  attaquai 
Bradllreei,  t'a  à  5  lieues  au  deffus 
de  Chouegen. 

iiu  deflus  de  cet  endroit,  les 
isles  font  plus  communes,  &  on 
y  peut  entrer  à  gué.  On  en  trou- 
ve tous  les  milles.  La  rivière ,  au 
pied  de  la  Chutes,  efl  remplie  d'is* 
les.  11  faut  tenir  le  N.  autrement 
on  iroit  échouer. 

On  débarque  à  une  bonne  por* 
téedefufildu  portage,  &  on  re- 
monte le  bateau  à  la  perche  dans 
le  courant,  jufques  au  pied  de  la 
Chutes  ,  où  il  y  a- un  chemin  fait 
avec  des  rondins ,  pour  tirer  les 
bateaux.  A  100  pas  au  defîùs  de 
la  Chutes ,  Peau  eft  bonne. 

Les  Anglois  ont  fait  à  ce  portage 
un  fort  à  étoile,  en  pieux  de  1^ 
pieds  de  haut  &  d'un  pied  de  dia- 
mètre. Ce  fort  eft  commandé  dans 
le  N.  E.  à  la  demi-  portée  du  fufiL 
Il  peut  contenir  ico  à  1^0  hom^ 


'e  f Amérique  Septentr.  Ch.  ÎII.  1 3  y 

nés.  Ils  y  ont  conftruit  quelques 
jiangars ,  pour  l'entrepôt  des  ef- 
ets. 

La  rivière  au  deflus  du  portage 
iift  belle  &  large  ,  comme  celle  de 
j)arel ,  fans  grand  courant.  Les  fi- 
jiuofités  ont  environ  un  quart  & 
jîemi  -  lieue  de  longueur.  On 
JTOuve  trois  batures  jufques  à  la 
i:buiche  de  la  rivière  des  Sonnon- 
bins  &  de  Chouegen.  Celle  qui 
|slt  à  demi  -  lieue  de  ce  confluent 
jeft  la  plus  confid érable. 
1  11  eft  à  remarquer  que  toute  cet- 
|te  rivière  n'a  pas  beaucoup  de  pro- 
jfondeur  ;  le  fond  eft  rempli  de 
jpierres  plates  ,  couvertes  d'un  li- 
mon très  -  gliffant  ;  ce  qui  oblige 
de  ferrer  les  perches  &  les  avi- 
rons dont  on  fe  fert  dans  cette  na» 
vigation, 

La  rivière  des  cinq  Nations ,  ou 
des  Sonnontoins  ,  eft  belle  &  un 
peu  plus  large  que  celle  de  Clioue- 


1^6  3Iem.  fur  la  dern.  Guerre 

gen  :  elle  a  une  bonne  profondeut 
d'eau  ;  la  navigation  en  eil  fùre 
jufques  au  bout.  Cette  rivière  com- 
munique h  plufieurs  lacs ,  &  chez 
les  différentes  nations  iroquoifes-, 
comme  on  le  peut  voir  dans  la  car- 
te. Les  terres  des  environs  font 
fort  belles ,  remplies  de  beaux  bois* 

On  trouve  à  ce  confluent  un 
fort  de  quatre  baftions ,  de  40  toi- 
fes  environ  de  côté  extérieur ,  fait 
de  pièces  fur  pièces  :  il  y  a  trois 
grands  hangars  dans  ce  fort,  qui 
eil  fitué  dans  l'E.  de  la  rivière.  Le 
pays  des  environs  eil  tout  plat. 

A  trois  lieues  au  deiius  de  ce 
confluent,  iiy  a  deuxbatures  qui 
ne  font  pas  bien  conlidérables. 
Trois  quarts  de  lieue  avant  d'arri* 
Yer  au  lac  des  Onoyotes ,  il  y  a 
«ne  barre  ,de  roche  plate  qui  ne 
laiffe  qu'un  palfage  dans  le  milieu 
de  la  rivière.  Il  faut  fe  mettre  à  \ 
l'eau  jufques  ^  la  ceinture,  pour, la  ; 


t  Amérique  Scpîcntr,  CiiMl.  137 

(Ter.  Les  Anglois    ont  jeté  des 

ands  arbres  en  travers  de  la  ri- 
vière, pour  conduire  l'eau  dans  ce 
jjiflage.  C'eft  la  plus  mauvaile  ba- 
ijiredeîa  rivière. 

A  l'entrée  du  lac ,  il  fe  trouve 
icore  une  bature  ;  mais  qui.fe 
]ifle  facilement  avec  un  peu  d'at- 

ntion.  Il  y  a  un  fort  à  Tentréede 
è  lac ,  qui  fert  d'entrepôt  ;  c'eft 
p  retranchement  en  terre,  revé- 
1  de  fauciffons ,  mal  -  fraifé  ,  avec 
m  foITé  d'une  douzaine  de  pieds 
je  largeur. 

Les  Anglois  ont  fait  deux  grands 
ateaux  plats ,  pour  les  tranfports 
e  ce  lac.  Les  miliciens  de  la  Nou- 
elle  Gerfay,  à  leur  retour  du 
'anada ,  en  17^0  ,  ayant  fait  fou- 
e  fur  un  de  ces  bateaux,  pour  être 
ranfportés  des  premiers  ,  furent 
>ris  d'un  coup  de  vent  fur  ce  lac, 
[ui  eft  mauvais,  parce  que  l'eau 
L'eft  pas  trop  profonde.  Le  bâti- 


138  -^^^'w.  /^^  lo,  dent.  Guerre 

ment  chavira ,  &  il  périt  plus  d« 
200  perfonnes. 

Le  lac  des  Onoyotes  a  huit  Heuej 
de  longueur ,  deux  lieues  &  de- 
mie  dans  fa  plus  grande  largeur,  & 
communément  une  lieue  ,  &  une 
lieue  &  demie.  Les  deux  côtés  pa- 
roiffent  fans  rivage.  C'eft  un  paysj 
bas  &  bordé  de  joncs. 

Les  Sauvages  ne  voyagent  qu'en 
canots  d'orme  dans  ce  lac  qui 
gelé  tous  les  hyvers ,  &  déprend  en 
iVlars  ou  au  plein  de  cette  lune.  Les 
glaces  n'en  fortent  point  ;  ce  qui 
retarde  un  peu  cette  navigation. 
On  voit  de  deffus  ce  lac ,  à  troiî 
ou  quatre  lieues  fur  la  droite  ,  des 
montagnes  qui  font  fort  hautes, 
mais  alTez  arrondies.  Ce  font  les 
montagnes  des  Goyogoins. 

11  y  a  un.e  bature  de  fable,  à  l'en- 
trée de  la  rivière  d'e  Woods-Orick, 
On  ne  la  paffe  jamais  fans  que  le 
bateau    touche.  11  faut ,   pour  h 


Je  r  Amérique  Sepfentr.Cn.lU.  139 

jaffer,  aller  droit  fur  le  fort  ^  & 
)n  retourne  dans  la  rivière ,  te- 
lant  plus  la  droite  que  la  gauche, 

Surla  terre  de  Poueil:,  les  An- 
i^lois  ont  bâti  une  grande  redoute , 
oute  couverte  en  bois ,  de  pièces 
ur  pièces:  ils  ont  faitaudeifus  un 
Mâchicoulis  ;  c'eil  un  grand  entre- 
j3Ôt,  de  tout  ce  qui  paiTe  dans  cet- 
te rivière. 

I  Les  bâtiments  viennent  charger 
jdans  le  premier  retour  de  la  rivière, 
pu  l'on  a  bâti  de  grands  magafins 
d'entrepôt.  Ce  fort  eft  fitué  dans 
une  prefqu'isie  formée  par  lafmuo- 
fité  de  la  rivière. 

Au  fond  du  lac  dans  l'O.  il  y  a 
jtine  rivière  fur  laquelle  font  des 
[villages  onoyotes.  Sur  celle  qui  fe 
trouve  dans  le  fond  du  côté  de  l'en- 
trée du  lac  5  on  trouve  des  villages 
onontagues.  Celui  appelle  Caffou* 
neta  fut  ravagé  autrefois  par  M. 


14^^  Mém.furla  dern.  Guerre 

de  Vaudreuil  (a).  Il  étoit  alors 
fur  le  bord  du  ruiffeaii.  C'eft  le 
village  d'oii  ils  tirent  leur  nom 
d'Onontagues. 

La  rivière  de  Woods -Orick 
n'a  pas  trente  toifes  de  largeur  à 
fon  embouchure  ;  l'eau  en  elt  très- 
noire  &  ne  vaut  rien  pour  boire. 
Cette  rivière  eft  très-linoeufe  &  al- 
fez  profonde,  pendant  quatre  à 
cinq  lieues ,  &  a  fort  peu  de  cou- 
rant. Son  fond  eft  fable  &  vafe. 

Ses  finuofités  n'ont  pas  plus  d'u- 
ne portée  de  fufil  de  longueur,  & 
plus  on  la  remonte ,  plus  elles  font 
courtes.  La  rivière  eft  lî  étroite, 
qu'un  arbre  renverfé  la  croife ,  & 
Von  pourroit  la  traverfer  deiïus. 
En  17 'y  6,  les  Anglois  y  avoient 
fait  un  abattis  d'un  mille  de  lon- 

(fl)  Le  premier  de  cette  famille, 
qui  ait  été  gouverneur  du  Canada,  & 
dont  la  nombreufe  pollérité  n'a  c^Sk 
de  rendre  à  l'Etat  des  fervices  fignalés. 


letAmêrigfie  Septentr.Cn.llL  141 

^ueur  5  pour  fe  couvrir  contre  les 
n'ançois,  qui  avoientpris  Choue- 
teii.  Ils  l'ont  rouvert  avec  biQU. 
de  la  peine  ,  quoiqu'il  n'y  ait  d'où- 
iverture  que  pour  paiïer  un  bateau 
Il  la  file,  qui  touche  fouvent  des 
deuxcoté^,  &  traîne  fouvent  fur 
la  vafe  faute  d'eau. 

Cette  rivière  eil:  l'endroit  le  plus, 
favorable  pour  couper  aux  An- 
glois  la  conimunication  avec  les 
îacsa  par  des  abattis,  que  l'on  pour- 
roit  faire  pour  boucher  le  lit  de 
cette  rivière.  Un  chemin  par  terre 
feroit  très-lo2ig  &  très -difficile 
à  pratiquer  3  parce  que  ces  pays 
font  coupés  de  bas  =  fonds  maréca- 
geux. 

A  trois  lieues  de  la  nailTance  du 
Woods-Orick,  il  y  a  un  petit  for- 
tin en  pieux  debout,  pour  cou- 
vrir des  éclules  que  Ton  a  faites  pour 
retenir  les  eaux  ,  &  favorifer  la  na- 
vigation des  bateaux  chargés.  Lorf- 


1 4 1     Menu  fui  '  la  dern.  Guerre 

que  l'on  ne  lâche  pas  les  eaux  ,  ori 
fe  trouve  obligé  de  fe  mettre  à  l'eau 
pour  traîner  fon  bateau  fur  le  gra. 
vois.  11  n'y  a  pas  quelquefois  fîx 
pouces  d'eau. 

Ces  éclnfes  ne  font  pas  aflez 
bien  gardées ,  pour  que  Ton  ne 
puiffe  les  rompre  en  même  tems 
que  l'on  feroit  l'abattis.  Lors  que 
Ton  eil  arrivé  fur  la  fommité  des 
terres ,  le  pays  eft  plein  de  cavités 
marécageufes;  les  bois  font  four- 
rés ,  remplis  de  pins. 

Piufieurs  rivières  qui  ont  leurs 
cours  en  difFérens  fens ,  prennent 
leurs  fources  dans  ces  terres  éle- 
vées. A  un  quart  de  lieue  de  là,com- 
mence  la  rivière  des  âgniers ,  ou 
de  Mohack  ^  qui  eft  plus  grande 
&  beaucoup  plus  profonde  que  la 
précédente.  Ses  moindres  gués 
font  jufques  au  genou ,  près  de  fa 
fource.  Les  terres  des  environs  fe- 
loient  bonnes  à  cultiver. 


f  Amérique  Septentr.C^lW.  145 

Le  fort  Sténix  eft  bâti  à  une 
prtée  de  fufil  de  la  rivière  ,  fur  le 

nchant  des  terres  qui  tombe  du 

té  de  la  rivière.  La  pente  eft  fort 
!3uce.  On  le  remarque,  parce  que 

terrein  ,  en  fortant  des  bois  pour 
itrer  dans  fondéfert,  commande 
n  peu  ce  fort. 

Ce  fort  eft  un  quarré  d'environ 

0  toifes  de  côté  extérieur.  11  eftL 

1  terre  ,  revêtu  en  dedans  &  en 
phors  de  greffes  poutres ,  dans  le 
oùt  de  celui  de  Cliouegen, 

En  Septembre  1760  ,  il  n'étoit 
as  enlierement  iirii.  C'eft  le  grand 
itrepôt  des  Anglois ,  pour  tout  ce 
ui  pafle  de  leurs  colonies  fur  les 
es ,  &  où  ils  affemblent  ordinai- 
îment  leur  armée  &  tous  les 
ateaiix  employés  à  ia  navigation 

ces  pays. 

On  eft  obligé  de  les  porter  de- 
ù- lieue  fur  des  liacquets ,  pour 
ianger  de  rivière.  Ces  hacquets 


1 44  Mem.  fur  la  derju  Guerre 

font  deux  avant  -  trains  fort  1( 
gers  5  joints  enfembie  parunefl^ 
che  proportionnée  à  la  longuei 
des  bateaux.  "Ils  fe  chargent  ave 
huit  hoaîaies,&  même  avec  moirr 
On  place  d'abord  l'avant  du  batea 
fur  l'avant -train  de  devant,  ei 
fuite  le  derrière.  Deux  affez  mai 
vais  chevaux  mènent  cette  voitui 
légèrement  j  au  grand  trot.  0 
peut  juger  par  là  de  la  légèreté  d 
ces  bateaux ,  faits  de  bois  de  pin 
qui  peuvent  porter  2^^  homme 
Auffiont-ils  peine  à  finir  une  catî 
pagne.  Les  Anglois  cntretienner 
toujours  dans  ce  fort  des  voiture 
pour  les  portages. 

Depuis  ce  fort ,  la  rivière  eft  l 
peu  -  près  de  la  largeur  de  la  Sein 
à  Paris.  Elle  a  un  courant  uni  l 
sflez  fort  ,  fur  -  tout  dans  les  re 
tours.  Seslînuofités  peuvent  avoi 
un  quart  &  demi-  lieue  de  Ion 
gueur.  Elle  coule  à  travers  unpay 


i'  P  Amérique  Septentr.Cn.llL  14? 

[at  &  beau,pendant  i  8  à  20  lieues. 
In  rencontre  quelques  batures 
|ins  les  retours ,  mais  qui  ne  font 
îs  bien  mauvaifes.  Il  y  a  aufli  quel- 
les arbres  qui  embarraffent  un 
2u  la  navigation  ,  fi  l'on  n'y  fait 
îs  attention.  Les  rives  de  la  rivie- 
!  font  affez  élevées  &  de  bonnes 
rres. 

Les  Anglois  ont  bâti  un  petit 
rt  en  pieux,  à -peu -près  à  moi- 
é  chemin  des  habitations  au  fort 
:énix ,  pour  mettre  leurs  convois, 
>rs  qu'ils  s'arrêtent,  à  l'abri  de  nos 
îrtis.  lied  de  nulle  coniîdération; 
a  le  nomme  Schûller. 

A  4  à  s  lieues  au  deffus  des  habi- 
tions qui  ont  été  abandonnées, 
1  commence  à  voir  des  rangs  de 
otites  montagnes  qui  courent  E* 
;  O.  éloignées  les  unes  des  au- 
es  d'environ  demi  -  lieue,  filles 
ennent  aboutir  fur  la  rivière ,  & 

forment  des  batures.  Les  pre- 

Tvme  IlL  G 


146'  Menu  fur  h  dern,  Guerrt 

mieres  habitations  que  l'on  trou. 
ve  ,  font  dix  ou  douze  maifonj 
détruites  par  le  parti  de  M.  Bel 
leftre. 

La  droite  de  la  rivière  eft  cou- 
verte   par  le   fort  Harknian  ,  qui 
peut   contenir  200    hommes,  & 
où  il  y  a  toujours  garnifon  ;  c'efl 
une  redoute  à  étoile  ,  en  terre  ,  re- 
vêtue de  fauciflbns  ,   avec  un  foiïe 
de  I  5  à  18  pieds  de  largeur,  pa- 
lifTadé  dans  le  fond  &  fur  la  berme 
extérieure,  avec  trois  ou  quatre 
iiiauvaifes  pièces  de  canon  fur  la 
rivière,   il  eft  à  une  portée  de  fufil 
d'une  montagne  affez  haute,  qui 
le  commande. 

La  vallée  n'a  pas  plus  d'un  mil 
le  de  largeur  ;  les  habitans  n'y  ont 
pas  l'air  opulent.  Vis-à-vis  le 
fort ,  eft  l'embouchure  d'une  riviè- 
re qui  vient  de  fort  loin  ,  dans  les 
montagnes.  Elle  eft  aftez  rapide  à 
fon  confluent,  où  elle  forme  une  ba- 


t Amérique  Septentr. Ch.III.   i 47 

•e ,  qui  oblige  les  bateaux  grands 
:ipetits ,  de  venir  pafler  fous  le 
:  t.  Les  habitationsjdans  ce  quar- 
ir ,  font  féparées  les  unes  des  au* 
t's  à  ne  pouvoir  fe  protéger. 
Depuis  ce  fort ,  pendant  Pefpa* 
(|ie  deux  lieues ,  la  rivière  a  un 
(jirantaffez  fort,  avec  des  batures 

toutes  les  arrêtes  des  finuolités» 

mal-aifées  à    pafier.    On  y 

coue  facilement  ;  ce  qui  caufe  des 

ries  dans  les  tranfports. 

.a  chaîne  de  petites  montagneSi, 
eient  plus  haute  dans  cette  par- 
&  l'on  entre  dans  une  efpece 

^orge  ,  dont  les  cotes  font  des 
xies  détachées,  entremêlées  de 

vais  bois. 

deux  milles   en   deçà  de  la 

htes,  les  Anglois  ont  un  han- 

où  Ton    tient  les   voitures 

OB*  les  tranfports  Se  les  bateaux. 

e  :heoiin    du  portage  eft   dans 

it\  gorge.entre  les  rochers,fur  un 

G  z 


î4§  Mhn,  fur  h  dern.  Guerre 

fond  marécageux.    Il  eft  couver 
de  rondins. 

La  rivière  coule  un  bon  milh 
entre  ces  rochers ,  &  forme  au  bai 
une  petite  chute,  au  pied  de  la 
quelle  on  s'embarque  fort  aifénient 
Le  rocher  de  la  chiite  n'étant  pa 
fort  élevé ,  l'eau  au  pied  eft  for 
amortie.  Elle  y  forme  un  fort  jol 
baffin  ,  entre  des  rochers  fort  éle^ 
vés  &  à  pic  fur  l'eau ,  couverts  dj 
bois.  Il  peut  y  avoir  trois  cents  to: 
fes  du  baffin ,  pour  fortir  de  ce 
rochers. 

C'eft  le  meilleur  pofte  que  l'o 
puiffe  avoir  dans  cette  commun 
cation;  peu  de  monde  pofté  fij 
ces  rochers  feroit  en  état  d'arnj 
ter  une  armée  confidérable.  C 
endroit  femble  fait  pour  une  limi 
naturelle. 

Le  payfage  change  ici  entier 
nient,  ainfi  que  la  nature  du  tej 
rein.  En  débouchant  de  cette  mo 


^e  t  Amérique  Sepfentr.CnllL  149 

agne ,  le  pays   s'élargit  La  vallée 

environ  une  lieue  de  largeur.  Le 

)1  en  eft  très  -- bon  &  bien  cultivé  : 

îs  habitants  y  font  bien  &  commo» 

ément  bâtis.  Leurs  maifons  font 

près    d'un    quart    de  lieue   les 

mes  des  autres ,  le  long  de  la  ri- 

iere ,  dans  les  terres    &  dans  les 

lîontagnes. 

Ce  pays  eft  coupé ,  comme  le 
recèdent,  de  petites  montagnes 
|[ui  ont  leur  diredion  E.  &  O. 
yies  viennent  aboutir  h  la  rivière^ 
forment  des  batures  &  des  pe- 
its  rapides  plus  fréquents  que 
lans  la  partie  haute  de  cette  même 
iviere ,  qui  n'eft  pas  habitée. 

La  rivière  fait  un  coude  confî- 
lérable  ,  dans  le  pays  appelle  Co^ 
mxery.  On  y  voit  une  petite  ri- 
[iere  qui  vknt  des  montagnes ,  en 
lerpentant  dans  les  terres ,  à  -  peu- 
nés  large  comme  un  grand  foffé. 
Celle  des  Agniers  conferve  tou- 
G  3 


1^0     Mm.  fur  la  dern.  Guerre 

jours  dans  fon  cour«  une  îargeii 
aiïez  confidérable  y  &  une  eau  lin: 
pide ,  excepté  fur  les  batures  qu 
l'on  rencontre  prefque  de  lieue  e 
lieue.  11  y  a  une  autre  rivière  affe 
belle  auprès  du  premier  village  de 
Agniers  ,  qui  vient  de  PO,  Ellen 
paroît  pas  navigable ,  fon  cours  n 
venant  pas  de  loin. 

Il  y  a  un  vieux  &  mauvais  fot 
en  bois ,  fur  fon  bord  &  au  coni 
fîuent  des  deux  rivières.  On  trou 
Te  quelques  habitations  angloife 
dans  ce  village  ^  mêlées  avec  celle 
desSauvageSc 

A  deux  lieues  an  delTous ,  efll 
grand  village  des  Agniers  ou  Mo 
hacks.  il  y  a  un  fort  aflez  grand,  di 
pièces  fur  pièces,  appelle  fort  i:^//« 
ter.  Il  eft  bâti  fur  une  rivière  affei 
grande  qui  contourne  ce  fort,  Ëlii 
irient  des  montagnes  derrière  le; 
fources  de  la  Delaware.  Ces  deu? 
lillages  peuvent  avoir  ifo  à  zoc 


e  1^ Amérique  Septentr. Ch.III.   i^t 

yuerricrs.  Ce  font  les  Sauvages  les 
l)lus  affidés  des  Anglois.  ils  font 
Ile  la  religion  proteftante. 
,  Depuis  ce  village  ,  les  monta- 
gnes commencent  à  fe  ferrer  ;  &  à 
ine  lieue  au  deffous ,  ce  n'eft  plus 
[u'une  efpece  de  gorge,  cepen- 
lant  habitée  le  long  des  revers  des 
j:ôtes„  La  maifon  du  colonel  John- 
Ion  5  chargé  de  toutes  les  affaires 
ris  -  à  -  vis  les  Sauvages  ,  fe  trou- 
[e  à  gauche  ,  à  deux  lieues  au  def- 
jbus  du  deuxième  village  des  Sau- 
âges.  Elle  eft  au  fond  d'une  peti- 
e  prairie ,  au  pacage  qui  vient  juf- 
[ues  au  bord  de  la  rivière.  Sur  la 
lartie  droite  de  la  maifon ,  il  y  a 
in  petit  ruiffeau ,  venant  des  mon- 
3gnes  5  affez  profond.  Cette  mai- 
Dn  eft  une  efpece  de  château,  avec 
m  avant -corps  dans  fa  façade, 
ouronnée  d'unceintre.  Elle  aune 
ffez  grande  avant  -  cour,  avec  un 
iiur  d'enceinte  ^  deux  tourrelks 
G  4 


J  f  a     Mém.fur  la  dern.  Guerre 

affez  hautes  de  chaque  côté  de  h 
porte  d'entrée,  du  côté  de  la  prai- 
rie. Le  derrière  de  la  niaifon  efi 
acculé  à  deux  niamelons  de  la  mon- 
tagne.  Sur  celui  de  la  droite,  il  ) 
a  une  blachoufe  pour  couvrir  un 
peu  le  château,  qui  eft  dominé  pai 
ces  hauteurs  ,  à  la  portée  du  pifto- 
let.  Cette  niaifoa  eft  ifolée  &  bieci 
fufceptible  d'être  infultée.  Si  oa 
l'avoit  connu  ,  nos  partis  auroient 
pu  facilement  enlever  le  colonel 
Johnion.  Frefque  vis-  à-  vis  chez 
lui ,  dans  la  montagne  oppofée ,  il 
y  a  un  chemin  qui  defcend  dans  la 
vallée  de  la  Sufquehana» 

La  rivière ,  depuis  cet  endroit , 
coule  toujours  dans  une  gorge. 
Les finuolîtés  y  font  plus  courtes, 
d'une  portée  de  fulil,  ou  d'un  quart 
de  lieue  au  plus.  Dans  toutes  les  arê- 
tes 5  il  y  a  peu  d'eau  :  ce  font  d€s| 
batures  mal-  aifé^s  à  paffer.  Le; 
pays  n'eft  point  beau. 


?  t Amérique  Septentr. Ch.III.   i  î  î 

I  A  une  lieue  de  Schenedady  ,  ou 
torlack,  le  pays  fe  découvre  bien, 
|:  n'offre  plus  qu'un  terrein  élevé, 
%  garni  de  coteaux,  mais  fans 
lontagnes.  Le  payfage  eft  beau,  & 
îs  terres  paroiffent  fertiles. 

La  rivière ,  jufques  à  Corlack ,' 
peu  d'eau  ,  &  eft  remplie  de  ba- 
jres.  Au  devant  de  Corlack,  efl 
ne  isle  en  prairie ,  fort  grande , 
armée  par  la  rivière  des  Agniers , 
i  une  autre  rivière  qui  contourne 
refque  toute  la  ville. 

Schenedady,  ou  Corlack,  eft 
ne  ville  bien  bâtie  ;  les  rues  en 
Dnt  bien  percées  &  bâtie?  à  la  lia- 
îande.  Elle  peut  contenir  3000 
mes.  ^^a  pofîtion  feroit  admirable  ^ 
ms  une  hauteur  qui  fe  trouve  de- 
ant  la  porte  d'Orange  ,  à  la  petite 
ortée  du  fufil.  EU'e  forme  une 
lontée  alTez  rude  ,  à  la  fortie  du 
mxbourg.  Le  refte  du  contour  de 
i  ville  eft  une  prefqu'isle ,  élevée 
G  y 


ïf4  Mm. fur  la  dern.  Guerre  ' 

furun  efcarpement  enterre  de  4c 
pieds  de  haut.  Une  rivière  qu: 
n'eft  point  goayabîe  l'enveloppa 
toute  5  excepté  le  coté  d'Orange, 
qui  eft  étroit.  On  voit  fur  les  bordi 
de  cette  rivière  beaucoup  de  jar 
dins  fort  jolis.  La  ville  n'eft  en. 
tourée  que  de  pieux  de  cèdre  ianij 
flancs.  Elle  n'a  point  de  défenftj 
contre  un  parti  unpeuconfidérablej 

On  ne  navige  point  fur  la  r[vier( 
des  Agniers,  que  depuis  Corlaci 
jufques  à  la  chute.  Elle  eft  extrê- 
mement encailTée  dans  tout  a 
cours.  De  Schenedady  à  Albany 
il  y  a  cinq  lieues,  qui  fe  font  tou- 
jours par  terre.  Le  pays  eft  mon 
tueux  &  défert.  On  trouve  feub 
ment  deux  ou  trois  cabarets  à  mil 
chemin. 

Ces  hauteurs  font  des  dunei 
de  fable,  couvertes  de  pins.  Jufj 
fjuesà  Albany,  le  terreiii  va  toftj 
fours  en  defcendant  I 


f Amérique  Septentr,  Ch.IV.  i  î  f 

Ceft  à  Schenedady ,  que  fe  fai* 
Dienttous  les  bateaux  à  l'ufage  deê 
rmées  qui  alloient  fur  le  lac  Onta- 
io.  Si  on  en  prenoit  à  Orange  ^ 
n  les  tranfportoitfurdes  hacquets 
Corlack. 


CHAPITRE  IV. 

)e  h  communication  du  lac  Onîa-^ 
rio  aux  frontières  angloifes  5, 
par  la  rivière  de  Cafconchiagon: 


L 


A  baye  de  Cafconchiagoîi  l 
omme  on  l'a  dit  ci-  devant,  fe- 
3it  fort  bonne  pour  le  mouiiîage 
les  bâtiments  ;  mais  fon  entrée  eft, 
jifficile,  à  caufe  de  la  bature.  Si  le 
jays  étoit  habité ,  on  y  pourroit 
^pendant  faire  un  palTage  cam- 
iode. 
On  entre  ordinmr ement  danal^ 


j<)6  Mêm.  fur  h  dern.  Guerre 

baye  du  fort  des  Sables ,  pour  allei 
faire  le  portage  dans  fon  fond,  & 
l'on  y  monte  les  cotes  pour  ren- 
trer dans  cette  rivière.  Jufques  à 
préfent ,  cette  navigation  n'a  été 
pratiquée  qu'en  canots  d'écorce, 
L'on  feroit  obligé  d'avoir  fes  ba. 
teaux  enréferve  ,  au  delTus  de  ceîj 
chutes  (a),  où  l'eau  fe  trouve! 
aflez  profonde,  &  a  un  courant] 
doux ,  pour  la  navigation  des  ba- 
teaux. Cette  rivière  n'a  de  portag( 
que  celui  marqué  dans  la  carte,  tl- 
le  traverfe  tout  le  pays  des  cinc 
>»ations,  &  communique  avec  L 
Belle  -  Rivière  par  un  petit  la( 
dont    les  eaux  tombent  en  parti« 


(a)  Elles  font  au  nombre  de  trois 
îa  première  a  5o  pieds  de  haut,  &] 
deux  arp-^hs  de  large;  la  troifîeme  j 
lûo  pieds  délevation  5  &  trois  arpeii!! 
•le  largeur,  la  féconde  eft  beaucoui, 
jnoins  confidérable.  Journ,  du  JPj 
fiharkvoi^i  T.  V.p.  :550,  j 


?  t Amérique  SepteJitr. Ch.  IV.  i  f  7 

ans^  Cafconchiagon  ,  &  l'autre 
ans  l'Ohio.  Ceft  fans  doute  un 
es  points  de  l'Amérique  le  plus 
.  evé  ,  puifque  fes  eaux  fe  rendent 
'une  part  dans  le  golfe  St.  Lau- 
entj  &  de  l'autre  dans  celui  du 
lexique.  11  y  a  auprès  de  ce  lac 
jine  fource  d'huile  bitumineufe  fort 
onfidérable  (a). 

La  quantité  de  lacs ,  la  douceur 
les  navigations ,  &  le  peu  de  porta- 
ges défignent  bien  que  ce  font  des 
)laines  fort  élevées  ;  &  véritable- 
nent  on  ne  rencontre  les  grandes 
lîontagnes  qu'à  niefure  que  l'on 
s'éloigne  des  fources  de  ces  rivie- 
ires. 

!    La  navigation  de  cette  rivière 
era  des  plus  confidérables,  û  ces 


(û)  Au  rapport  de  M.  de  Joncai- 
e,  il  y  a  deux  de  ces  fontaines.  Les 
Sauvages  fe  fervent   de  leurs   eaux 
pour   calmer   toutes  fortes  de  dou- 
leurs. Journ.cit,  p.  931, 


1^8  Mim,  fur  la  dern,  Guem     \ 

pays  viennent  à  être  habités  par  dej 
Européens.  Une  de  fes  branches  j 
comme  nous  venons  de  le  voir^ 
peut  communiquer  avec  la  Belle- 
Rivière  ;  une  autre  branche  com. 
munique  avec  la  rivière  de  Ca* 
neftio ,  par  un  portage  d'une  lieue. 
Cette  dernière  rivière  joint  la  Saf- 
quehana ,  dont  elle  eft  une  bran-' 
che.  I 

Le  cours  du  Cafconchiagon  (a) 
&:  du  Caneflio ,  eft  la  partie  la  plus 
habitée  par  les  Sonnontoins ,  les 
plus  nombreux  des  Cinq  Nations» 
Tous  les  pays  autour  de  ces  riviè- 
res font  beaux  Se  bons ,  ainli  que 
tout  celui  en  général  qu'habitent 
les  Iroquois.  Leurs  villages  font 
autour  des  lacs.  11  s'y  trouve  des 
prairies  qui  forment  des  payfages 
les  plus  riants  ,  &,  des  terres  qui 

(a)  ï!  a  loo  lieues,  fuivant  le  ?► 


P Amérique  SepteutnCKÀY,  i  f  §^ 

roient  admirables  à  cultiver.  C'eft 
(ins  le  pays  des  Cinq  Nations  qu© 
i  trouve  le  plus  communément  la 
fan  te  dugnufeng  (  a  ). 


(a)  On  doit  la  découverte  de  cet-» 

plante   au  P.  Lafitau.  Ce  million* 

dre  fe  convainquit  qu'elle  fe  trou- 

■)it  en  Canada.  Après  une  aifez  ion» 

je  recherche,  il  la  trouva  dans  ce 

iys.  Il  ne  vit  pas  fans  beaucoup  de 

lirprife  que  le   mot  chinois  c^in-fen^ 

lénifie  rejjemblance  de    l'homme  ,  ou  ^ 

anime  l'explique  le  traducteur  du  P, 

ircher,  cm/Je  dcChommc,  parce  que 

'  mot  iroquois  (jarcnt^ogum  avoitla 

lème  fîgniiication  :  ormta ,   en  iro- 

uois  5  fignifie  les  cwifes  &  \çs  jambes^ 

:  oguen  veut  dire  deux  chcfesféparées,  lî 

ublia  cette  découverte,  en  17  îg»  dans; 

ne  brochure  dédiée  à  M.  le  Régent^  & 

our  flatter  ce  prince,  il  appella  cette 

lante  ,  Au^eliana  Canadcnfis  ,  Sintnji» 

us  gin-fine^ ,  Iroquϔs  garentogum.  M. 

arrafin ,  médecin  de  Qtiébee ,  a  voit 

invoyé,  en  1704,  quelques-unes  de 

es  plantes,  pour  le  jardin  du  roi^ 

nais  on  ne  les  reconnut  point  alors 

Paris.  Elles  fe  trouvent  dans  pliii?» 


1  €®    3iem.fur  la  dern.  6uêrr$ 

La  nation  iroqiioifc  qui  coni 
prend  fix  nations ,  peut  avoir  deu: 
mille  hommes  guerriers ,  fuivan 
le  rang  qu'ils  tiennent  entr'elles 
lavoir. 

Les  Onontagues.  .  .  3o( 
Les  Sonnontoins.  ...  70c 
Les  Goyogoins.  .  .  .  35c 
Les  Onoyotes.      .     .      ,       2^^ 

Ëeurs  contrées  de  rArnériqueSepten' 
trionale  ,  qui  font  à-peu-près  fous  le; 
menées  paraileîes  que  la  Corée,  d'oi 
Tient  celui  dont  les  Chinois  font  h 
plus  de  cas.  Le  gin  feng  eft  auiï 
commun  dans  le  pays  des  Illinois  ; 
que  dans  celui  des  Iroquois.  On  er 
a  auiîi  vu  dans  le  Mariîand,  &c.  Dèî 
qu'on  fut  aiTuré  que  le  garentoguti 
étoit  h^in-fcrî^ ,  on  fe  hâta  de  le  cueil 
lir.  La  compagnie  des  îndes  en  tranf- 
porta  à  la  Chine,  &  le  paya  d'abord 
•aux  Canadiens  jufqu'à  96  liv.  lali- 
vre.  Dans  la  fuite ,  il  ne  valut  que 
4  liv.  &  tomba  dans  le  difcrcdit ,  par 
les  raifons  qu'en  a  rapportées  M.l'abbe 
Rayïial  dans  fon  hijîoirc  phil.K^poU 
des  étaèOj[Jcmcns  des  Européens  y  &c. 


i  t Amérique  Sepîsntr, Ch.IV.  j^ï 

les  Agniers  ou  Mohacks,    .     i  ç o 
l^s  Tafcarorins.     .      .     .      loo 
'On  doit  juger  par  cet  état,  de  la 
jDpulation  de  cette  nation.  Peut- 
n  imaginer  qu'elle  fe  foit  autant 
foibîie  ,   depuis  la  fréquentation 
îs  Européens   (a)?  ^'os   hido- 
ms  en  font  volontiers  marcher 
■s  armées  de  20  &  lo  mille  hom- 
es 5  qui  ont  fubjugué  une  partie 
îs   autres  nations  de  l'Amérique. 
]epuis    ce  tems,     nous    n'avons 
]is  connoiiïance  d'aucun  fléau  par- 
:ulier  qui  les   ait  détruits  (6), 
]  pourroit  donc  y  avoir  de  l'exa- 


(a)  On  ne  peut  douter  que  les  na- 
1)ns  fauvages  n'ayent  prodigieufe- 
ent  diminué  depuis  cette  époque, 
oyez  à  la  fin  de  cet  ouvrage. 
(6)  La  petite  vérole  &  i'eau-de- 
e  n'ont -elles  pas  été  deux  grands 
aux  pour  tous. les  Sauvages  de  ce 
«^ntinent? 


i6Z     Mêm,  fur  h  dern.  Guerre 

gération  dans  leurs  relations  (« 
Les  bords  de  la  rivière  de  Cane 
tio  font  auffi  habités  par  des  Ab 
nakis.  Nous  les  nommons  Loup. 
Se  les  Anglois  Mohaigans.  11  y 
âuffi  un  village  de   Renards ,  c 
Outugamis ,  qui  s'y  font  réfugi 
depuis  la  dernière  guerre  que  ce 
te  nation  a  eue  avec  les  François. 
Les  Loups,  qui  habitent  les  va 
lées    de  la  Sufquehana,  peuvei! 
mettre  fur  pied  i^  à  1800  gue! 
riers  ;  le  feul  village  de  Theaogcj 
en  a  600.  Le  petit  village  de  Ti 
teyonons  ,  qui  ne  fournit  pas  fo 
xante  guerriers ,  eft  allié  des  Irc 
quois. 

La  rivière  de  Sufquehana  eft  m 
YÎgabîe  jufques  auprès  de  fa  fom 

ce.  £lle  coule  dans  une  belle  vallél 

' .1 

:i 

(û)  Celî  peut  être;  mais  la  dimi, 
nution ,  quoique  moins  grande, n'ei! 
fera  pas  mQius  certain?» 


'^  t Amérique  Septenfr.Cu.IV.  1 6^ 

emplie  de  beaux  bois  francs.  Dans 
3Ut  fon  cours ,  elle  a  une  bonne 
rofondeur  d'eau  ,  à  porter  bateau 
iafques  au  fort  Schamoîdn. 

La  branche  de  i'O.  de  cette  ri- 
iere  eft  plutôt  un  torrent  qu'une 
iviere.  Comme  elle  efl:  envelop- 
ée  de  montagnes  fort  rudes,  elle 
(l  très -rapide.  Les  SauYages  la 
efcendent  cependant  en  canots 
ans  les  grandes  eaux. 

Depuis  Schamoîdn,  jufqu'à  la 
aye  de  u  hefafpeheack  ,  la  Sufque- 
ana  a  des  rapides  qui  fe  rencon- 
:ent  dans  ces  chaînes  de  monta- 
nes  qui  courent  £.  &  O.  le  long 
es  poffeflions  angloifes.  Le  plus 
lauvais  eil  celui  de  Canowega, 
'es  rapides  font  que  les  iinglois 
i  fervent  peu  du  cours  de  cette 
iviere  ,  pour  la  navigation  inté* 
ieure  de  leurs  poffeffions. 

Depuis  le  fort  de  bchamokin» 
'eft  ia   navigation  la  plus  aifée 


î^4  Mêm.  fur  la  dem.  Guerre 

qu'ils  ayent  pour  fe  rendre  chez  Ii 
Cinq  Nations  &  fur  les  lacs.  Ma 
rinterporition  des  nations  fauv 
ges.  Loups  &  Iroquois,  les  ont  ce 
péchés,  jufques  à  préfent,  de formi 
des  établiflements  dans  ces  partie 
Avant  cette  dernière  guerre,  i 
en  avoient  pouiTé  jufques  aupr 
de  Tiieaogen  ,  que  les  Sauvagi 
leur  ont  fait  abandonner  ,  &  ju 
ques  au  deObus  de  la  vallée  de  Ji 
îiiata  ,  qui  eft  belle  &  fort  fertil 
ils  ont  auffi  été  obligés  de  fe  ret 
rer  (  a  ). 


(a)  Les  Anglois  font  retourne! 
depuis  le  tems  dont  parle  M.  Poi 
chot,  en  force  ,  fur  les  rives  del'Oh 
&  des  rivières  qui  s'y  jettent,  &oi 
forcé  les  Sauvages  de  les  lailfer  trai 
quilles.  Peu  d'années  avant  la  gueri 
aduelle,  la  cour  de  Londres  formo 
le  projet  d'envoyer  une  puiifantc  C( 
îonie  dans  cette  contrée.  Le  célebi 
économifte  Voung  écrivit  alors  cor 
tre  ce  projet,  que  les  troubles  del'/ 
mérique  ont  empêché  d'exécuter. 


t Amérique  Sepfenir.CnN,  i^f 


CHAPITRE    V. 

]e  h  communication  de  Niagara 
avec  la  Belle  -  Rivière  ou  Ohio , 
en  anglois  Alligeny  ,  &  de  /'O- 
hio  en  Penfylvanie  &  en  Vir- 
ginie. 

M  j  E  fort  de  Niagara  eft  fitué  à  la 
ointe  E.  de  la  rivière  de  ce  nom  ^ 
uieft  toujours  le  fleuve  St.  Lau- 
snt  (  a  ).  C'eft  un  triangle  ,  qui 
^rmine  cette  pointe.  Sa  bafe  eft  la 
ête  d'un  ouvrage  à  corne  de  114 


(û)  Ce  fleuve  n'eft  proprement 
[u'un  dégorgement  des  grands  lacs 
ians  la  mer  &  la  rivière  de  Niagara, 
:elui  du  lac  Erié  dans  le  lac  Ônta* 
!:io.  Il  eft  donc  inutile  d'aller  cher- 
:her  les  fources  de  ce  grand  fleuve 
clans  les  pays  iitués  au  N.  ou  au  N. 
O.  du  lac  Supérieur. 


ï  66    Mém,fur  h  dern.  Guerre 

toifes  de  côté  extérieur  ,  tout  en 
terre  ,  gafonnéc  intérieurement  & 
extérieurement,  avec  un  foffé  d'on- 
ze toifes  de  largeur  ,  fur  neuf  pieds 
de  profondeur,  une  demi -lune, 
&  deux  petites  lunettes ,  ou  places 
d'armes  retranchées ,  avec  un  che- 
min couvert ,  &  glacis  proportion- 
né aux  ouvrages.  Les  foffés  n'ont 
point  de  revêtement. 

La  place  &  la  demi  -  lune  font 
paliffadées  fur  la  berme.  Les  deux 
autres  côtés  font  un  fimpîe  retran- 
chement ,  auffi  en  terre  ,  gazonnés 
en  dedans  &  en  dehors ,  de  fept 
pieds  de  hauteur  en  dedans ,  Se  de 
iix  pieds  d'épaifieur  fur  le  fommet 
du  parapet ,  avec  une  fraife  fur  la 
berme.  Ces  deux  côtés  de  retran- 
chements font  fur  une  terre  coupée  ! 
de  40  pieds  *de  haut.  La  partie  qui 
eft  fur  la  rivière  feroit  acceffibîe, 
quoiqu'a.vec  peine.  Celle  du  côté  ^ 
dulac  eflplusroide.  11  nefe  trou- 


(it Amérique  Septentr.CnN.  iijrf 

'dpoint  de  pierres  autour  de  Nia- 
r;|a.Il  faut  les  apporter  du  pied  des 
^jtes   ou  Platon.    11   s'y  trouve 
[{!    carrières   de    grès    détachés , 
rs- propres  pour  toutes  fortes  de 
fijçopinerie  ;  mais  on  n'y  décou- 
j|  pas  de  la  pierre  de  taille.  Avant 
1^9  ,   on  avoit  toujours  été  obli- 
;|d'apporter  la  chaux  à  l'ufage  du 
:|t  de  Frontenac.  M.  Pouchots 
ciiimandant  à  Niagara ,  en  décou- 
i|:  de  la  fort  bonne  dans  le  haut 
(|  côtes.   On  doute  que  les  hn-- 
is  la  connoiffent.  Ils  font  obli- 
de  faire  venir    la  chaux    de 
ouegen.  On  pourroit  bâtir  une. 
e  avec  ces  carrières* 
1  y  a  une  bature  fur  le  devant 
jfort,  laquelle    porte    un  boa 
jirt  de  lieue  dans  le  lac.  Il  n'y 
|it  paffer  deffus  que  des  bateaux, 
intrée  de  la  rivière  eit  difficile, 
ind  on  ne   la  connoît  pas,  à 
fe  de  la  bature  &  d'un  courant 


t^8    Mêm,ftirïadern,  Guerre 

confidérable  de  la   rivière.  Celu 
ci  TOUS  jette  dans  un  remoux,  q 
vous  mené  échouer  fur  la  batur 
Ce  paffage  eft   bien   défendu  p 
l'artillerie   de   la   pointe  du  fori 
parce  que  les  bâtiments  ne  refo; 
lent  qu'avec  peine  ce  courant,  q 
fe  trouve  fous  les  batteries  du  foi 
On  eft  même  fouvent  obligé  c 
jeter  à  terre  un  grelin ,  pour  fe  fai: 
haler  ,  jufques   au  mouillage  qi| 
cft  à  un  platon  de  fable ,  fous 
milieu  du  fort.    Les  bâtiments 
mouillent  à  toucher  terre  ,  &  il 
auroit  affez  de  fond  pour  un  vai 
feau  de  guerre. 

Le  paflage  par  Niagara  eft 
plus  fréquenté  de  ce  continei 
de  l'Amérique,  parce  que  ceti 
langue  de  terre  communique  à  tro 
grands  lacs ,  &  que  la  commodit 
du  voyage  y  fait  paOTer  tous  le 
Sauvages ,  dans  quelque  endro 
qu'ils    veuillent  aller.  Niagara  : 

U'OU\ 


V Amérique  Septentr.Cu.l^,  i  €^ 

tpuve  comme  le  centre  du  com- 
merce des  Sauvages  avec  les  Euro- 
]jiens  ;  auffi  s'y  rendoient-  ils  vo- 
liitiers  de  toutes  les  parties  de  ce 
intinent. 

Les  bâtiments  ne  peuvent  pas 
rverner  dans  la  rivière  de  Niaga- 
parce  qu'elle    charie     conti- 
tiellement   des  glaces    qui  Ykn-- 
nt  du  lac  Erié  ,   depuis  le  mois 
Décembre  jufqoes  au  commen- 
cment  de  Mars.  On  ponrroit  ce- 
ndant  leur  faire  un  port  ou  ua 
ri  dans  le  côté  de  Touelt ,  à  la 
pinte  à  Mafcoutin. 
Lariviere.depuis  fon  embouchu- 
,  jufques  à  trois  lieues  au  déf- 
is à  rendroit  nommé  le  Platon  , 
(inferve  toujours  un  canal  d'envi- 
n  40©  toifes  de  largeur  ,  le  cou- 
nt  afiez  doux ,  &  une  profon- 
:ur  d'eau  à  pouvoir  porter  des 
ïgates  quiremonteroient  jiifques 
il  Platoo5&  mouilleroient  par-touè 
Tome  JIL  II 


1 70  Mém,  fur  la  dern.  Guerre 

dans  ce  trajet.  Elle  forme  trois  fî 
îiuofités  dans  ce  cours,  d'une  lieu 
chacune  ;  ce  qui  offre  un  beai 
coup  d'œil  à  Niagara.  La  rivier 
coule  pendant  trois  lieues ,  entr 
deux  rochers  prefque  à  pic  de 
à  300  toifesde  haut,  avec  une; 
grande  rapidité  qu'elle  n'y  eft  poir 
navigable  ,  depuis  le  Platon  ju: 
ques  au  baffia  fous  la  chute. 

Demi4ieue  au  delTus  de  la  chi 
te,  la  rivière,  qui  après  de  dem 
lieue  de  largeur ,  n'eft  qu'un  coi 
rant  très  -  fort.  Elle  defcend  e 
bouillonnant  jufques  à  fa  chute ,  0 
elle  fe  précipite  à  pic  140  pieds 
fur  un  banc  de  roche  très -du 
Sa  largeur  eft  d'environ  5;  00  to 
fes.  La  cime  de  cette  gerbe  d'ea 
forme  un  arc  fort  ouvert,  aux  deu 
tiers  de  laquelle  on  voit  une  petit 
isle  boifée,  qui  femble  toujoui 
devoir  être  bientôt  engloutie  ici 


(  a  j  Le  P.  Cliarlevoix  aiTure  que  c 


fe  t Amérique  Sèpfentr.C^.Y.   I7t 

Au  bas  de  la  chute  ,  la  rivière 
orme  un  grand  baffin  entre  ces 
ochers ,  où  l'eau  eft  fi  amortie , 
|ue  l'on  pourroit  y  aller  en  bateau. 
3u  pied  de  cette  chute ,  les  eaux 
ejailiident  près  de  40  pieds  de 
laut;  ce  qui  y  fait  comme  unpa- 
ement  de  glace. 

On  trouve  fouvent  fur  les  riva- 
es  de  ce  baffin ,  des  poiffons^  des 
lurs,  des  chevreuils  5  des  oyes, 
ies^ canards  3  ou  autres  oifeauxqui 
;  font  tués  en  fe  précipitant  5  ou 
uifont  entraînés  par  l'eau  ou  le 
curant  d'air  de  la  chute.  Leê  Sau- 
ages  en  font  une  récolte. 

il  y  a  on  chemin  de  voitures,  de 


;lot  eft  fort  étroit,  &  a  un  demi- 
iiart  de  Heue  ds  iong.  li  ajoute  que 
iufîêurs  écueiis  femés  qà  &  là,  à  cô- 
î  &  au  deiîus  ,  ralentirent  beaucoup 
t  courant  fupérieur.  On  voit  ds  pa- 
sils  islots,ou  rochers  couverts  de 
ois ,  à  la  chute  du  Rhin ,  à  LaulfeH, 
H  a 


"ê  7  2    Mêm.  fur  la  dern.  Guerre 

Niagara  au  Platon  ;  mais  on  y  va 
communément  par  eau ,  pendant 
l'été.  L'hyver,  on  eft  toujours  obli- 
gé  d'y  aller  par  terre,  à  caufe  des 
glaces.  Le  chemin  du  Platon  au 
fort  du  portage  efl  auffi  de  trois 
lieues,  que  l'on  fait  en  trois  heu- 
res. Comme  il  eft  à  travers  de! 
bois  ,  il  eft  quelquefois  boueux.; 
S'il  étoit  bien  entretenu  ,  il  feroil! 
fort  beau. 

Il  y  a  au  bas  des  Côtes  ou  du  Pla- 
ton,  trois  hangars,  pour  fervii 
d'entrepôt  aux  effets  tranfportés 
Le  rivage  où  on  les  débarque 
bien  6©  pieds  d'élévation,  il  ef 
très  -  difficile  ,  parce  que  Pon  n'y  i 
jamais  rien  fu  faire  pour  la  com 
niodité  des  débarquements. 

Les  Côtes  font  trois  rideaux 
dont  la  hauteur  ,  depuis  le  Platon 
au  delTus  des  Côtes,  égale  tout  a 
plus  celle  de  Meudon  &  n'eft  pa 
plus  roide.  Il  y  a  deux  cheiuifi 


'e  t Amérique  Septentr.  Ch. V.    1 7  J 

lour  les  monter  ;  l'un  pour  les 
t^oitures ,  qui  allonge  d'un  quart 
le  lieue.  Il  a  deux  rampes  affez 
jlouces.  L'autre  eit  un  chemin  à 
alon  qui  defcend  ces  côtes  tout 
Iroit.  Celui  -  ci  eft  fort  roide  ;  les 
royageurs.  Se  autres  qui  portent 
les  fardeaux,  paffent  toujours  par- 
à.  L'on  ne  refte  jamais ,  cepen- 
lant ,  demi-heure  pour  le  monter. 
1  y  a  un  hangar  d'entrepôt  fur  le 
laut  des  côtes. 

Le  mémoire  de  M.  Belin  donne 
et  endroit  comme  feroit  un  des 
îijBSciles  paffages  des  Alpes,  tan« 
lis  que  le  dellus ,  &  le  bas  de  cette 
:ôte  font  des  plaines  immenfes. 

Le  fort  du  portage  n'étoit  qu'u- 
le  enceinte  de  pieux  debout  On 
f  avoit  bâti  des  hangars  pour  les 
iranfports ,  &  des  bâtiments  pour 
:eiervicedu  fort;  c'eft  à  ce  polie 
jjue  fe  font  les  embarquements 
pour  k  lac  £rié.  Depuis  cet  co* 
H  3 


Î74     Mém.furla  dern.  Guerre 

droit  5  la  rivière  n'eft  pas  navigable 
plus  d'un  quart  de  lieue  ,  encore 
faut -il  prendre  beaucoup  de  pré- 
cautions 5  pour  n'être  pas  entraîné 
par  le  courant  de  la  chute.  Le  ter- 
rein  autour  de  ce  fort  eft  uni  & 
très- bon.  Cet  endroit  eil:  fufcep- 
tible  d'y  faire  tel  ouvrage  que  l'on 
voudroit 

Dans  le  côté  O.  de  la  rivière , 
à  la  hauteur  de  ce  fort ,  il  y  a  une 
jolie  petite  rivière,  appeliée  Cbe^ 
nondac  ,  dont  les  bords  portent  de 
très -beaux  bois.  C'eft  là  où  on 
les  prenoit  pour  la  conftruâion  des 
bateaux  de  cette  navigation  ;  ainfi 
q!îe  les  planches  &  madriers  à  l'u- 
fage  des  forts. 

Il  faut  de  l'attention  pour  arri- 
ver î&fortir»  du  Chenondac.  Après 
avoir  remonté  une  lieue  au  deffus, 
pour  le  traverler,  on  delcend  le  | 
long  de  la  côte  jufques  à  fon  em- 
bouchure. De -même  en  fortant,, 


iifAmêriiiue  Septentr,Cn,Y,    17? 

ijfaut  remonter  la  rivière,  &  venir 
(ffcendre  fur  le  fort ,  en  paffanfe 
ntre  les  isles  qui  fe  trouvent  au 
i|îvant. 

La  rivière  efl  remplie  d'isles 
ms  fon  canal  3  jafques  auprès  du 
?tit  rapide ,  comme  on  le  peut 
)ir  dans  la  carte.  Le  courant  eu 
Idoux;  Ton  y  navige  à  la  rame 

à  la  voile  :  plufieurs  de  ces  isles 
nt  de  belles  prairies. 

Dans  la  partie  de  TE.  à  trois 
sues  du  fort  du  portage  ,  ell:  la 
viere  aux  Bois  Blancs.  C'eft  la  ri- 
ère  par  où  les  Cinq  Nations  det 
îndent  far  ce  fieuve.  bon  courant 
t  fort  doux;  plufieurs  endroits 
)nt  cultivés  par  les  Sauvages.  Les 
rres  aux  environs  font  fort  belles, 
a  rivière  eit  bien  poiffonneufe. 
Lepetit  rapide  eft  l'écoulement  du 
ic  iirié.  C'eil:  une  bature  dont  le 
Durant  deflus  eiluni.mais  fort,pen- 
ant  une  demi-iieue.  La  rivière  a 
H  4 


»7^     Menh  fur  la  de  m.  Guerre 

un  bon  quart  de  lieue ,  fond  dero 
che.  Elle  n'y  a  pas  beaucoup  dt 
profondeur.  On  y  trouve  cepen 
dant  des  pajGTages ,  où  lî  l'on  coni 
truifoit  des  bâtiments,  ils  pour 
Toient  refouler  ce  courant  avec  ui 
vent  fraix.  Les  bateaux  remonten 
à  la  perche  ou  à  la  traîne. 

Les  côtes  du  lac  du  côté  d 
l'E.  font  plus  élevées  que  celles  d 
PO.  iilles  paroiffent  toutes  très 
bonnes. 

Le  lac  Erié  n'a  jamais  été  parcou 
ru  par  quelqu'un  capable  de  pou 
voir  en  donner  avec  quelqu'exac 
titude  le  giflement  des  côtes ,  le 
profondeurs  des  ances,  &  les^iiouil 
lages  qui  s'y  trouvent ,  ainfi  qui 
les  ports  que  l'on  pourroit  y  éta 
blir  5  pourtirer  avantage  de  fa  na 
Yigation.  La  figure  qu'on  lui  don 
ne  dans  cette  carte ,  eft  félon  leij 
mémoires  les  plus  connus,  pouil 


ef Amérique  Septênfr.  Ch. V.    1 77 

i  partie  du  S.    fur  »  tout  (n:). 

L'entrée  du  lac  jufques  à  la  rivie- 
i  aux  Chevaux ,  forme  une  gran- 
e  ance  toute  couverte  de  galets , 
ù  il  ne  fauroit  y  avoir  de  mouilla- 
e.  Si  l'on  tenoit  ouverte  Fembou- 
hure  de  cette  rivière  ,  il  y  auroit 
n  mouillage  pour  des  bâtiments. 

La  côte  de  là  jufques  à  la  prêt 
u'isle  n'a  point  d'abri  connu.  A 
iprefqo'isle  il  y  a  une  bonne  an- 
s  ;  mais  elle  n'a  que  7  à  8  pieds 
'eau. 

Des  bâtiments  entreroient  dans 


(a)  Nous  apprenons  par  une  let- 
•e  du  maréchal  de  Beliisle,  datés 
u  3  Juillet  iTjgj  que  M.  PouchoÊ 
voit  remis  une  carte  particulière  de 
2  lac  à  M.  de  Mont  cal  m ,  qui  de  voit 
envoyer  à  ce  miniftre.  Nous  n'en 
vons  trouvé  aucune  copie  dans  les 
apiers  de  M.  Poushot,  Ceft  fan^ 
out©  une  perte. 

H  î 


Ï78  Mem.fuv  la  dern.  Guerre 

la  rivière  à  Seguin ,  &  il  s'y  fe- 
roit  un  bon  port,  auffi  bien  qu'à 
Sandoské.  En  général  on  dit  que 
le  fond  de  ce  lac  eft  fort  plat,  & 
que  la  navigation  en  eft  dangereu- 
fe.  Ce  qu'il  y  a  de  vrai,  c'eft  que 
les  orages  s'y  forment  prefque  tout- 
à  -  coup  5  que  la  lame  y  eft  mau- 
vaife,  &  que  dans  les  gros  tems, 
elle  tue  fouvent  les  poiffbns  que 
l'on  trouve  épars  fur  la  côte.  Mais 
il  eft  à  obferver  que  Ton  n'a  voya- 
gé iur  ce  lac  qu'en  canot  d'écorce, 
&  très  -  rarement  en  bateau  , 
que  depuis  la  rivière  de  Niagara 
Jufques  à  la  prefqu'isle. 

On  n'a  jamais  fuivi  que  les  cô» 
tes  qui  ibnt  fort  plates.  Le  lac  un 
peu  au  iarge  peut  cependant  avoir 
tine bonne'  profondeur.  11  auroitl 
été  utile  d'y  avoir  fait  conftruire| 
un  bon  efquif ,  avec  lequel ,  de* 
puis  le  mois  de  May  jufq^ues  yen» 


ifel'Jmirxqm  Sepîenîr.Cn.Y,  ly^ 

jia  fia  de  Septembre,  où  les  tems 
font  toujours  beaux,  on  auroit 
pu  fonder  &  reconnoître  tous  les 
iabris  qu'il  peut  y  avoir  autour  du 
lac  ;  on  auroit  enfuite  conftruiÊ 
jdes  bâtiments  propres  à  cette  na- 
ivigation,  qui  auroient  épargné  biea 
Ides  détails  &  des  fraix. 

La  rivière  d'Ohatacoin  eft  là 
première  rivière  qui  communique 
|du  lac  Erié  à  l'Ohio.  C'eft  par  là 
jque  Ton  y  defcendoit  dans  les  pre- 
îmiers  tems  que  l'on  a  voyagé  dans 
tette  partie.  Cette  navigation  fe 
faifoit  toujours  en  canot ,  à  caufe 
du  peu  d'eau  de  cette  rivière.  Ef- 
fedivement ,  à  moins  qu'il  n'arrivaÈ 
jquelque  crue  d'eau  ,  l'on  n'y  pou- 
voit  paffer  qu'avec  peine  ;  ce  qui 
a  fait  préférer  la  navigation  de  la 
rivière  aux  Bœufs ,  dont  l'entre- 
pôt eft  le  fort  de  la  prefqu'isle. 

Ce  fort  eil  affez  grand ,  bâti  d® 
H  ê 


ï|®  âlém.fur  ladern.  Suer  fi 

pièces  fur  pièces  avec  des  'hangars  î 
pour  l'entrepôt  des  tranfports  ;  il 
eft  fitué  furun  platon  qui  forme 
une  prefqu'isle,  qui  lui  a  donne 
fon  nom.  Le  pays  des  environs  eft 
bon  &  agréable.  L'on  y  entretienti 
des  voitures  pour  le  portage  ,  qui 
cil  de  fix  lieues.  Quoique  dans  un 
pays  plat,  le  chemin  n'y  eft  pas 
trop  bon  jufques  au  fort  de  la  riviè- 
re aux  Bœufs,  lequel  eft  un  quar- 
ré  moins  grand  que  celui  de  la  prêt 
qu'isle ,  &  auffi  bâti  de  pièces  fur 
pièces. 

La  rivière  aux  Bœufs  eft  fort 
fînueufe ,  a  peu  de  fond  dans  les 
bafles  eaux  &  dans  les  tems  de 
pluye.  Elîegroffit  beaucoup  &  a 
un  courant  fort  rapide.  Elle  eft 
cncaiftee  dans  une  vallée  qui  s'ap- 
profondit à  mefure  que  Ton  appro- 
che de  la  Belle  -  Is  iviere. 

A  fon  embouchure;,  appelléeea 


\ii  t Amérique Septenfr.  Ch.V.   igi 

ianglois  Faningo  ,  les  François 
javoient  un  fort  mauvais  Se  petit 
Ifort ,  appelle  fort  Machatilt ,  qui 
eft  auffi  un  entrepôt  pour  ce  qui 
jdefcend  au  fort  du  Qiiefne. 
I  Les  deux  rivières  marquées  dan§ 
'la  carte  ,  au  de  là  delà  prefqu'isle, 
qui  tombent  dans  le  lac,  commu- 
jniquent  auffi  avec  des  rivières  qui 
:  tombent  dans  i'Ohio  ,  comme  la 
rivière  au  Caftor.  Mais  celle-ci 
n'efl  pas  profonde.  Elle  eft  même 
embarraiTee  de  quelques  rapides. 

La  rivière  à  Séguin  a  une  bien 
plus  belle  communication  avec  la 
Belle  -  Pviviere.  Les  bâtiments  re- 
monteroient  prefque  à  trois  lieues 
defafouree,  &  avec  des  bateaux 
on  arrive  juiqnesà  u  .rortage  qui 
n'a  pas  plus  d'un  mile.  Delà  on 
entre  dans  une  fort  bonne  rivière, 
que  les  Anglois  appellent  Idiiskin." 
gann.  Suivant  les  relations,  c'eft 


i82  31êm.ftirladerh,  &ucrrs 

le  plus  joli  pays  de  î'Aniérique  à 
habiter.  On  y  voit  îcs  plus  beaux 
bois,  propres  à  différents  ufages^^ 
les  plus  belles  terres,  dans  de  belles 
plaines. 

Sandoské  communique  audi 
dans  la  rivière  Sonhioto  &  à  la 
rivière  à  la  Roche ,  qui  defcend 
dans  Tuliio  avec  des  portages  fort 
courts.  C'eft  le  grand  paffage  des 
Sauvages,  pour  venir  dans  la  Belle- 
Rivière. 

,  Si  l'on  fe  fut  d'abord  fixé  aux 
deux  derniers  poltes  décrits  ci- 
defTus  ,  au  lieu  de  s'aller  établir 
dans  la  Belle -Kiviere,  l'on  auroit 
intercepté  toute  la  communica- 
tion des  Sauvages  avec  les  Anglois, 
L'on  auroit  évité  par  là  de  donner 
à  ces  derniers  de  l'ombrage ,  jut 
ques  à  ce  que  l'on  eut  été  en  force 
pour  s'établir  où  l'on  auroit  voulu. 
Le  coQiiuei'ce  de  h  Belle  -  Rivière 


\ilef  Amérique  Sept ênfr,QvL,'^,   \%l 

jétoit  moins  que  rien  pour  les  Fran- 
jçois  (ni  )  ,  parce  que  cette  contrée 
■n'eft  habitée  que  par  des  Loups  & 
des  Iroquois  fugitifs  de  leurs  pays  9 
qui  s'y  font  venu  établir. 

L'Ohio  eft  prefque  navigable 
depuis  fa  fource  avec  des  canots  , 
!fans  aucun  rapide.  Depuis  Ka- 
jnoagon ,  Peau  eft  toujours  belle 
pour  porter  des  bateaux  de  moyen- 
ne grandeur.  Son  cours  eftfmueuXj^ 
encaiffé  dans  une  vallée  qui  s'ap- 
profondit &  s'élargit  à  mefure 
que  l'on  defcend.  Elle  n'a  pas  des 
rapides,  mais  un  grand  courant^ 
fur  -  tout  dans  les  grandes  eaux  du 
printems. 

Cette  navigation   demande  ce- 


(a)  Mais  la  poii'eiiion  des  bords 
de  cette  rivière  étoic  delà  p'iiser^n- 
de  importance  ,  pour  cony^x\'iï  la 
commuiucatiou  du  Canada  avec  la 
LQuiiiaae^ 


184  31em.fuirhdern.  fftierre 

pendant  de  l'attention  en  defcen- 
dant ,  parce  que  les  retours  de  cet- 
te rivière  font  fort  fréquents  ,  & 
portent  fouvent  fur  des  troncs  d'ar- 
bres ,  dont  fon  cours  ne  laiffe  pas 
que  d'être  embarraffé.  Depuis  le 
fort  du  Quefne  en  defcendant ,  la 
navigation  devient  meilleure,  fon 
lit  plus  large  ,  &  a  une  boane  pro* 
fondeur  d'eau. 

La  vallée  n'a  pas  plus  d'un  quart 
ou  demi -lieue  de  largeur  jufques 
au  fort  du  Qjjefne.  La  côte  du 
nord  eft  bordée  de  pays  élevés 
fans  montagnes.  Celles  du  fud  font 
les  revers  des  /ipalaches  ,  ou  mon- 
tagnes Alligeny.  1  n'y  a  point  de 
rivières  navigables  qui  fortent  de 
ces  montagnes  pour  communiquer 
à  la  Belle  -  Rivière  ;  la  plupart  font 
plutôt  des  torrents  ou  des  ruit 
féaux  que  d^s  rivières. 

La  xvlanenguelée  porte  bateau 


le V Amérique  Scptentr.Cu.Y.  iSf 

ufques  à  fa  fourche  avec  POxio- 
^ani ,  au  pied  du  Laurel  -  Hill ,  ou 
Mont  du  Laurier.  Auffi  les  Anglois 
i'n'ont  jamais  cherché  à  faire  ce« 
[routes  que  par  terre. 
j  Les  montagnes  du  côté  de  la 
ifource  de  la  Belle  -  Rivière  ,  font 
jdes  roches  couvertes  de  buis ,  coni- 
jtne  les  Cevennes.  J'ai  marqué  fur 
la  carte  les  chemins  faits  par  les 
jtraiteurs.  lis  mènent  des  chevaux 
ichargés,  comme  nos  colporteurs. 

Bradokc  faifoit  tous  les  jours 
fon  chemin  devant  lui,  dans  fa  mar- 
che à  la  Belle- Rivière.  Mais  les 
Anglois  l'ont  refait  en  17V85  & 
perfectionné  en  1759 ^  comme  il 
eft  tracé  fur  la  carte  (  a  ). 


(a)  Voyez  auffi  celle  de  la  marcha 
du  colonel  Bouquet  à  travers  le  pays 
des  Indiens,  en  1764,  par  Thoma* 
Hutchins. 


1 8  ^  3Iem,  fur  la  dern.  Guêvre 

Le  fort  du  Qaefne  étoit  fur  un 
pointe  baife  près  de  la  rivière ,  5 
fujette  à  riiiondation.  Les  Angloi 
ont  fait  leur  nouveau  fort,  appellt 
Fittsbourg  ^  fur  le  rideau  qui  ef 
devant  l'ancien  fort.  C'eft  un  pea 
tagone  denviron  8^^  toifes  dt 
côté  extérieur,  en  terre  ,  revêtu  in. 
térieurement  &  extérieurement  de 
groffes  pièces  de  bois ,  dans  le  goût 
de  celui  de  Chouegen.  Il  peut  con 
tenir  7  a  800  hommes. 

lis  avoient  condruit  à  Loyal- 
Anon ,  un  fort  de  pieux  debout, 
à  tenir  200  lionimes.  Ils  avoient 
aiiffi  faitdanscet  endroit  un  camp 
retranché,  en  terre,  de  dix  pieds 
d'épaiiTeur  dans  le  haut ,  revêtu  de 
pièces  de  bois ,  avec  un  foffë  de  1  % 
à  I  s  pieds^  de  largeur.  Ce  camp 
étoit  adolie  à  une  montagne  dans 
un  fond  5  ^  commandé  de  par-, 
tout. 


I?  f  Amérique  Septentr.  C  h.  V.   187 

I  Les  autres  forts  fur  cette  route, 
ifques  en  Virginie  ,  font  des  en- 
=intes  en  pieux  debout ,  pour  fer- 
lir  d'entrepôt.  Ils  y  tenoient  25  à 
G  hommes  de  garnifon. 

Les  montagnes  &  les  chemins 
e  cette  route  font  alTez  difficiles. 
jorfque  ies  Angiois  faifoient  des 
pnvois  5  il  fallolt  on  tiers  de.  che- 
jaux  de  plus ,  pour  porter  de  Ta- 
oine  pour  nourrir  les  chevaux  d§ 
harge. 

Les  villes  d'entrepôt  pour  ces 
xpéditions  étoÏQnt  Lancafter  (  a  ) 
i  Schippenbourg  ,  où  Ton  affem- 
loit  tous  les  vivres  &  munitions 
ui  paffoient  à  la  Belle  -  Kiviere. 

11  n'eft  pas  a  douter  que  fi  les 
rançois  euOent  été  un  peu  en  for- 


(c)  Les  xAinglois  comptent  de  Pitts- 
)ourg  à  Lancailer  2:?8nTilies3  &  d© 
auiêafler  à  Philadelphie  66, 


1 8S  Mêîmfur  la  dern,  Guerre.Sa 

ce  dans  cette  partie ,  ils  n'euITej 
empêché  les  ennemis  de  s'y  établi 
par  les  chicanes  dont  ces  pays  c 
montagnes  font  fufceptibles. 


€^i< 


iSf 


OBSERVATIONS 

'tr  les  montagnes   de  t Amérique 

Septentrionale, 

\^^  ne  peut  fe  former  une  jufte 

jlée  de  la  théorie  de  la  terre  ,  que 

iar  une  connoiffance  approfondie 

je  la  (tradure  &  de  la  direclioa 

les  montagnes.  Les  chaînes    des 

jlus  hautes  de   notre    continent, 

OHt    la   plupart   d'Occident    en 

)rient.  Celles  du  Nouveau  Mon- 

e,  les  Cordelières  &  les  Apala- 

i;hes ,  tournent,  au  contraire,  du 

lord  au  fud.  Les  favans  académi- 

îiens  envoyés  au  Pérou   pour  la 

nefure  de  la  terre,  ont  fourni  à 

[VL  de  Buffon  des  détails  intérei^ 

fans  fur  les   Cordelières,  dont  il 

'eft  fervi  pour  établir  fon  fyfiêmg* 


190  Mêm.  fur  la  deru.  Guerre 

Il  n'a  pas  eu  le  même  fecours  p; 
rapport  aux  i\palaches,  qu'il  a 
pour  ainfi  dire,  oubliées;  c'eft  pou 
quoi  nous  tranfcrirons  ici  les  ol 
fervations  judicieufes  que  noi 
avons  trouvées,  fur  cette  derniei 
chaîne  de  montagnes ,  dans  les  pc 
piers  de  M.  Pouchot,  qui  a  beat 
coup  profité  du  travail  de  N. 
Evans ,  fans  néanmoins  le  citer  {à, 

Les  monts  Notre  Dame  formen 
une  efpece  d'angle  à  l'entrée  d' 
fleuve  St.  Laurent,  &  peuven 
être  pris  pour  une  continuité,  oi 
plutôt  pour  le  commencement  d 
la  chaîne  des  Âpalaches.  Ces  mon 
tagnes  font  plus  hautes ,  vers  l'em 
bouchure  de  ce  fleuve ,  &  à  mefuri 

que  l'on  avance  dans  le  continent  ! 

Z --      ' j 

(a)  Il  ne  fait  même  fou  vent  que  tra- 
duire  l'analyfe  de  îa  carte  générale  de» 
colonies  britaniques,  ouvrage  anglois , 
fublié  en  l7JJ'5^>^-4^  5  par  M.  Evans, 


I    de  l'AmirlqtiS  Septenfr.      191 

(lies  paroiflent  s'abaiffer,  &  ce 
iiénie  continent  s'élever  jufqu'à  ce 
k'on  foit  parvenu  aux  lacs  ,  où 
]}n  voit  des  plaines  d'une  éléva- 
lon  très  -  confiderable.  Celles  -  ci 
lennent  aboutir  du  côté  de  l'efl 
ifommetdes  Apalaches,  qu'elles 
ijinblent  même  former. 
i  Dans  le  pays  qu'occupent  ht 
blonies  angioifes ,  la  ftruâure  de 
^s  montagnes  varie,  &  elles  font 
artagées ,  par  la  rivière  d'Hudfon, 
1  deux  chaînes  qui  ont  généra- 
:ment  leur  diredion  parallèle  à  la 
ler.  Depuis  la  partie  de  l'efl:  juf- 
u'à  la  baye  de  MalTachufet ,  el- 
s  n'en  font  qu'une,  dont  la  direc- 
on  eft  prefque  nord  ,  &  en  avan- 
mt  toujours  un  peu  plus  E.  fui- 
ant  la  forme  de  la  côte  de  la  mer. 
'ette  étendue  de  pays  peut  fe  divi- 
îr  en  deux  bandes ,  prifes  depuis 
ofton  3  en  allant  à  Pou  eft. 
La  première  commence  auprès 


ks^  Mêm.furh  dern.  Guerre 

de  Wdter  -  Town  ,  &  forme  dej 
coteaux  ou  monticules  fort  rudes, 
jufqu'à  ce  que  l'on  ait  paffe  VeC 
ter,  &  de  la  environ  2oniiiresdi 
côté  de  la  rivière  d'Hudfon.  La  fe- 
conde  bande  eft  la  plus  grande 
partie,  couverte  de  petites  monta- 
gnes  qui  forment  une  longue  chaî- 
ne qui  s'étend  vers  le  fud  jufqu'ai 
Sund,qui  divife  le  Long  -  Island  di 
Main,  &  occafionnent  ces  pentes  i 
ces  arrêtes ,  ces  fommités  &  cej 
terres  remplies  de  rochers  déta- 
chés ,  que  l'on  obferve  ,  lorfqu'or 
toyage  le  long  des  rivages  de  I2 
mer  dans  le  Conneciicut,&  qui  em. 
pèchent  de  faire  un  meilleur  che- 
min dans  l'intérieur  de  ce  pays. 

Quoique  la  plus  grande  partie 
du  Conneciicut  foit  comprife  dans 
cette  efpece  de  bande  ,  cependani 
on  y  trouve  de  grands  vallons ,  de 
beaux  &  bons  pays.  Entre  cej 
«feaines  ^  les  plus  grandes  font  1é 

long 


de  l'Amérique  Septentr.     193 

L)ng  de  la  rivière  de  Connedicut. 
ii  fe  trouve  de  ces  intervalles  de 
|;o  milles  de  largeur.  La  diredion 
|le  ces  chaînes  de  coteaux  &  de 
bontagnes  donne  la  direftion  du 
jours  des  rivières  &  des  ruif- 
jsaux  de  ces  pays, 

j  Dans  Peft  de  la  première  bande  9 
u  côté  de  la  mer ,  les  terres  font 
brmées  par  un  amas  des  fables  de 
l'Océan  ^  mêlés  avec  les  débris  ra- 
bafles  par  les  marées  du  N,  E.  & 
jlu  S.  O.  qui  ont  formé  prefque 
|out  le  pays  duCapCod,  jufqu'à 
[E.  du  fond  de  la  baye  de  Maffa- 
hufet.  La  Longue-Isle ,  ou  Long- 
sland ,  paroît  auflî  formée  des  fa- 
iles  de  rOcéan ,  méiés  avec  des 
erres  qui  ont  coulé  du  con  usinent 
-es  terres ,  ens'avançant  dans  PO. 
ont  de  même  nature  ;  mais  les 
inontagnes  font  plus  élevées,  à 
inefure  que  l'on  approche  des  fron- 
jieres  du  Canada. 
I   Tome  IIL  I 


194-   Mem.  fur  la  dern.  Guerre    \ 

Le  pays ,  au  S.  O.  de  la  rivière 
d'Hudfon  ,  eft  divifé  plus  réguliè- 
rement, par  un  plus  grand  nombre 
de  bandes  que  celui  dont  nous  ve- 
nons de  parler.  Le  premier  objet 
que  l'on  trouve  dans  cette  partie, 
eit  ce  rideau  de  rochers  d'une  ef- 
pece  de  talc  de  deux ,  trois,  &  mê- 
me de  fîx  milles  de  largeur ,  dont 
le  fomraet  s'élève  au  deffus  des 
contrées  adjacentes.  Il  s'étend  de 
la  ville  de  New-¥orck  au  fud- 
oueft  ,  par  les  chûtes  les  plus  baf- 
fes des  rivières  de  ûelaware ,  de 
Schuylkill ,  de  Susquehana  ,  de 
Gun  -  Powder ,  de  Patapfco  ,  de 
Potomack,  de  Rapahannock,  de 
James-Kiver  &  de  Konoack.  Cette 
chaîne  de  roches ,  qui  fe  préfente 
comme  une  courbe  réguhere  ,  for- 
tnoit  anciennement  la  côte  de  la 
mer ,  dans  cette  partie  de  l'Amé- 
rique. 

Depuis  la  mer  jufqu'à  cette  chaî- 


de  t Amérique  Sepîentr.     19  f 

ne,  &  depuis  les  coteaux  de  Na« 
vcfmk,  au  fad  cueit,  jiifqu'aux 
extrémités  de  la  Géorgie  ,  tout  le 
pays  forme  la  première  bande.  On 
Ipeut  le  défigner  en  le  nommant 
les  plaines  baffes  ,  qui  font  formées 
par  les  terres  coulées  des  pays  fu« 
périeurs ,  mêlées  avec  le  fable  de 
l'Océan.  Ces  plaines  ne  font  ar* 
rofées  par  aucune  rivière.  C'eil  un 
!able  blanc,  d'environ  20  pieds  de 
profondeur,  entièrement  ilérile  ,  & 
DU  il  n'y  a  aucune  terre  végétable 
|ui  puiiTe  l'amélioren  Mais  les 
parties  où  fe  trouvent  les  rivières 
rat  été  fertilifées  par  les  terres 
îu'elles  ont  entraînées  avec  elles ^ 
fe  qui  fe  font  mêlées  avec  les  fa« 
}les5  comme  les  vafes  de  mer,  les 
:oquiIlages5  &  les  autres  corp-s 
étrangers  que  l'on  y  trouve  5  le  dé- 
îiontrent. 

Ce  fol  eit  le  même,  dans  une  et 
>ace  de  4Q  à  f  o  milles  de  large. 

1  z 


19^    Mém.furïa  dern.  Guerrs 

Dans  la  route  depuis  Navefink 
jufqu'au  cap  de  la  Floride ,  on  dé- 
couvre par -tout  un  pays  ftérile. 
Le  voifinage  d'aucune  rivière  n'y  a 
point  fertilifé  quelques  terres  qui 
ont  coulé  des  parties  fupérieures. 
On  y  voit  feulement  quelques  ma- 
rais,  ou  bas -fonds  5  qui  à  peine 
peuvent  nourrir  quelques  cèdres 
blancs.  On  y  trouve  auffi  commu- 
nément des  veines  d'argile  ,  déta- 
chées, par  la  mer,  de  ces  coteaux  de 
talc  ;  quelques  -  unes  ont  trois  à 
quatre  milles  de  largeur. 

Depuis  cette  chaîne  de  rochers, 
eu  toutes  ces  rivières  forment  une 
chute,  jufqu'à  la  chaîne  des  monti- 
cules interrompus  ,  appelles  les 
Montagnes  dujud,  il  y  a  un  ter- 
rein  de  ^o  ;  60  ,  &  70  milles  d'é- 
tendue, fort  inégal,  qui  s'élève,  à; 
mefure  que  vous  pénétrez  danS) 
l'intérieur  du  pays.  Cette  féconde 
bande  peut  le  dénommer  le  Pays  j 


de  t Amérique  Septentr,     197 

Supérieur,  il  confîfte  en  quelques 
veines  de    différentes   efpeces   de 
terres  &  de  décombres.  Il  a  quel- 
Iques  milles  de  longueur,  &  eft  eti- 
I  tremêlé ,  en  quelques  endroits ,  de 
I  petits  rideaux   &  de    chaînes   de 
j  monticules.  Leur  pente  donne  une 
grande  rapidité  aux  eaux  des  tor- 
rens  &  des  ravins,  qui  entraînent  les 
terres  dans  les  rivières ,  qui  fertili- 
fent  les  plaines  baffes.   Ces  pentes 
rudes  &ces  ravins  rendent  la  moitié 
de  ce  pays  peu  propre  à  la  culture. 
Les  montagnes  du  fud  n'ont  pas 
des  fommets,  comme   les  monta- 
gnes Endlefs  ;  mais  ce  font  de  pe- 
tits monticules   rocaffeux,   inter- 
rompus irrégulièrement  en    quel- 
xjues  endroits,  &  ifolés.  Les  uns 
ont  un  cours  de  quelques  milles  en 
longueur  ;  d'autres  s'étendent  plu- 
-fieurs  milles  en  largeur.  Entre  les 
montagnes  du  fud,  êc  les  hautes 
^montagnes  Endlefs  ^  que  l'on  ap- 

I  3 


198     Mêm.fur  h  dern.  Guerre 

pelle  par  difiinffion  de  celles  du 
nord,  en  quelques  endroits,  Kitta- 
tini  &  Pequilin  ,  il  y  a  des  vallons 
très  -  beaux  &  fort  bons ,  de  8,  lo, 
&  %o  milles  de  largeur  ;  c'eft  où 
le  trouve  la  partie  ia  plus  confidé- 
rable  do  meilleur  pays  cultivé  que 
poffédent  les  Anglois.  Cette  ban- 
de paiTe  à  travers  ia  Nouvelle  Ger- 
fey  5  la  Fenfyîvanie ,  le  Mariland  & 
la  Virginie,  On  n'a  point  encore 
donné  de  nom  général  à  ce  pays; 
mais  on  pourroit  ,1'appeiler  i^/>- 
mont  y  à  caufe  de  fa  reffemblance 
avec  cette  contrée  de  PEuropepour 
la  bonté  des  terres.  C'eft  la  troi- 
fieme  bande  du  continent  fepten- 
trional  de  l'Amérique. 

Les  montagnes  &;^j^;^,  ouEnd- 
lefs ,  ainfi  appellées  de  la  dénomi- 
nation fauvage  ,  traduite  en  langue 
angloife,  forment  une  longue  chaî- 
ne affez  uniforme.  Elles  ont  envi- 
lon  5  à  600  toifes  de  hauteur  per- 


de  t  Amérique  Septentr.     i^f 

)endicuîaire,  au  deflu s  des  vallées 

intermédiaires.     Leur  nom  expri- 

|iie  affez  leur  étendue. 

I    En  quelques  endroits ,  comme 

j/ers  les  montagnes  de  Kaatikill  & 

jirers  lesfourcesdu  Ronoack,  ou 

pourroit  s'imaginer  voir  les  extrê- 

fnités  des  monts  Endlefs  ;  mais  iî 

bn  examine  un  peu  de  près  dans 

les  côtés ,  on  les  verra  s'étendre  en 

de  nouvelles  branches  qui  n'ont  pas 

moins   d'étendue.    Leur    dernière 

chaîne,  qui  eft  celle  d'Alligeoy,  ou 

jde  la  Belle  -  Rivière ,  eft  parallèle 

|avec  cette  première  chaîne  de  ro- 

jchers  talqueux  qui  termine  la  pre- 

Imiere  bande.  Cette  chaîne  eft  ter- 

jminée  par  de  grandes  buttes  de  ter- 

jres  &  de  rochers  détachés ,  vers  les 

jfources  du  Ronoack  &  de  la  New- 

jRiver. 

I  Les  chaînes  les  plus  E.  qui  pa- 
Toiffent  courir  au  S.  tournent  im- 
perceptiblement à  ro.  ce  qui  faiè 

1  4 


200  Mem.Jurïa  dern.  Guerre 

que  les  vallons  de  la  bande  du  Payî 
Supérieur  &  du  Piémont ,  comme 
nous  venons  de  Pappeller,  ont  plu? 
de  largeur  dans  la  Virginie  que 
dans  les  parties  au  N.  Les  chaîne? 
du  S.  U.  fembîent  vouloir  fe  lier 
avec  celles  d'Alîigeny.  Dans  quel- 
ques  endroits ,  elles  fe  divifent  & 
forment  de  nouvelles  chaînes  de 
montagnes,  comme  font  celles 
d'Ouafioto. 

Far-tout  ces  chaînes  fe  péné- 
trent 5  pour  ainfi  dire ,  les  unes 
les  autres,  par  des  contre^forts ,  oa 
des  éperons ,  qui  fortent  de  la  plus 
grande  chaîne  de  montagnes ,  &  fc 
répandent  en  monticules  déta- 
chés; ce  qui  paroît  indiquer  de 
bonnes  routes  dans  leur  intérieur; 
mais  on  ne  trouve  point  d'iflue, 
quand  on  y  voyage.  11  eft  plus  fur 
de  paffer  fur  les  rochers ,  que  dans 
les  parties  mêlées  de  roche  &  de 
lene,  parce  qu'elles  mènent  à  des 


de  f  Amérique  Septenfr,     2or 

avins  qui  forment  des  précipices. 
i  peine  la  dixième  partie  des  ter- 
ies  dans  ces  montagnes  eft  propre 
ji  être  cultivée.  C'eft  la  quatrième 
|)ande5  qui  aboutit  aux  contrées 
lies  Iroquois  &  au  pays  qui  vient 
iinir  fur  les  plaines  de  l'Ohio. 

Concluons  de  ces  remarques  de 
VI.  Pouchot,  i".  que  toutes  ces 
Dandes  dont  il  parle  ne  font  que 
Iks  rameaux  des  Apalaches ,  oa 
plutôt  les  différentes  parties  qui 
i:ompofent  cette  chaîne  de  monta- 
l^nes  5  foit  en  longueur ,  foit  en  lar- 
l^eur;  2".  que  toute  la  contrée  fituée 
Il  Tell  des  Apalaches  a  été  évidem- 
ment couverte  par  les  eaux  de  la  mer, 
I&  que  les  veitiges  nombreux  &  inef- 
façables de  ce  changement  prouvent 
Iqu'il  ne  peut  être  fort  ancien. 
j  II  nous  fera  encore  permis  d'a- 
jouter ici,  que  cette  chaîne  des 
inionts  Apalaches,  &  cette  bande 

!  I  î 


âo^  Mém.furhderru  Gnerre.^c, 

élevée  de  terre  à  Poueft ,  qu'eîli 
femble  foutenir  &  être  fon  ancien 
ne  limite  ,  font  une  portion  d'un( 
bande  principale  qui  s'étend,  di 
fud  -  eft  au  nord  -  oueft ,  depiiii 
renibouchure  de  Rio  de  la  Pla 
ta ,  jufqu'au  delà  des  grands  laa 
de  PAmérique  Septentrionale. 


%ù3 


REMARQUES 

Sur  le  Saut  de  Niagara. 


L 


A  partie  la  plus  feptentrio- 
iiale  de  l'i^mérique  étant  fort  éle- 
l^ée,  les  rivières  qui  en  découlent  ^ 
iloivent  néceffairement ,  avant  de 
je  décharger  dans  les  lacs ,  ou  dans 
les  fleuves,  &  fuivant  la  pente 
pes  terres,  faire  des  chûtes  plus 
|)u  moins  confidérables.  La  plus 
:élebre  de  toutes  eil  évidemment 
:elle  de  Niagara.  Les  Sauvages 
imifins  de  Québec  la  regardoient 
pomme  fituée  à  l'extrémité  occi* 
jientaîe  de  ce  continent  ^  quand 
lies  François  vinrent  s'y  établir.  Ils 
îfTuroient  à  ces  derniers  ,,  qu'à  la 
L  fin  du  lac  Ontario,  il  y  a  uiî 
L  faut  qui  peut  avoir  une  lieuf 
I  .     I  ^ 


204  Mêm.  fur  h  dern.  Guerre 

yy  de  large ,  d'où  il  defcend  an 
,,  grandiffiiiie  courant  d'eau  dans 
,5  le  dit  lac  ;  que  paffé  ce  faut  on 
^  ne  voit  plus  de  terre,  ni  d'un 
^  côté  ni  d'autre,  mais  une  mer 
y,  fi  grande  qu'ils  n'en  avoient 
^  point  vu  la  iin ,  ni  oui  dire 
33  qu'aucun  J'eùt  vue;  que  le  fo- 
^  leil  k  couche  à  main  droite  du 
^  dit  lac  ,  (a)  &c. '\ 

Les  voyages  que  les  François 
entreprirent  bientôt  dans  l'intérieur 
de  l'Amérique ,  leur  procurèrent 
des  connoifTances  moins  vagues  fur 
cette  célèbre  cafcade.  Elles  furent 
cependant  d'abord  incxades,  & 
on  ne  peut  guère  compter  fur  les 
détails  que  le  baron  de  la  Hbntan 
&  le  père  Hennepin  nous  en  ont 
donnés.  La  defcriptiion  que  nous 
en  devons  au  P.  Charlevoix,  nié- 

(a)  Marc  PEfcarèot,  Hift."  de  Ift 
Nouvelle  France,  p.  gf a;. 


^deVAniériqtie  Septentr,     20  y 

rite  plus  de  confiance.  M.  de  Buf- 
|fon  n'a  pas  dédaigné  de  i'inférer 
idans  fon  ouvrage  immortel.  Ou- 
itre  ce  que  M.  Pouchot  a  rapporté 
Ide  ce  faut  5  dans  les  obfervations 
qu'on  vient  de  lire ,  nous  en  avons 
trouvé  dans  fes  papiers ,  d'autres 
dont  nous  ferons  ufagc. 

La  rivière  du  Portage  ,  ou   de 
Niagara ,  n'eft  proprement  que  l'é- 
Imiffoire  du  lac  Erié,  qui  fe  dé- 
I  charge  par  la  dans  le  lac  Ontario, 
là  fix  lieues  de  la  Chutes.  M'étant 
I  pas  aifé  de  mefurer  avec  des  inftru- 
I  mens    l'élévation  de  cette  chute , 
les    voyageurs,  qui  ne  pouvoient 
d'ailleurs  la  voir  que  de  profil ,  ont 
fort  varié  dans  leurs  récits.  Le  ba- 
ron de  la  Hontan  avance   qu'elle 
a  fept  à  huit  cents  pied  de  haut  (a)^ 
&  le  chevalier  de  Tonti ,  cent  toi- 
les (è).    L'ellime  du  P.   Charie- 

(û)  Voyag.  p.   107. 

{b)  Dern.  dec.  de  i'Amér.  p.  ^q* 


\ 


âo5  Mêm.fur  la  dern,  Suerre 

voix  eil  plus  fùre  ;  il  ne  donne 
que  cent-quarante  à  cent-cinquan- 
te pieds  de  hauteur  au  faut  de 
Kiagara. 

M.  de  BufFon  avoit  d'abord  cra 
que  cette  cafcade  étoit  la  plus  belle 
du  monde  entier,  &  qu'elle  devoit 
cet  honneur  à  fon  élévation  ;  mai* 
depuis  peu  il  fenibîe  s'être  retrace 
té,  pour  donner  la  préférence  à 
celle  de  Terni  en  Italie.  Quoique 
la  plupart  des  voyageurs  ne  don- 
nent à  celle-ci  que  deux  cents 
pieds  de  haut,  l'illu lire  naturalis- 
te la  fuppofe  de  trois  cents  (a). 
Sans  chercher  ici  à  recufer  fon  té- 
moignage ,  nous  obferverons  feu- 
lement que  la  montagne  ^f/yWar- 
vtore  n'a  qu'une  ouverture  de 
vingt  pieds, 'Par  laquelle  fe  précii- 

le  P.  Hennepin  donne   à  cette  chute 
loo  braifes,  c'eft-à-dire,  600  pieds, 
(a)  SuppU  à  l'hill,  îiatur.  T»  |. 


ie  f  Amérique  Septentr,     207 

jpite  le  Velino  ,  dont  la  chute  per« 
[pendiculaire  forme  cette  dernière 
jcafcade. 

Ce  n'eft  point  la  hauteur,  mais 
la  largeur  d'une  cafcade  ,  qui  la 
rend  confidérable.  Or  celle  de  Nia- 
gara ayant  neuf  cents  pieds  de  lar- 
|ge,  l'emporte  évidemment  fur  tou« 
Ites  les  autres.  Elle  ne  peut  être 
comparée  à  celle  de  Terni,  quia 
relativement  à  l'élévation  ,  eft  in- 
férieure à  plufieurs  que  nous  con«. 
noiiTons  dans  le  pays  deè.  Grifons  5 
le  Valais  &  la  Suiffe.  Nous  fom- 
mes  étonnés  que  M,  de  BufFon 
n'ait  pas  cité  pour  exemple  de 
chutes  perpendiculaires  ,  celles 
qu'on  voit  dans  la  célèbre  vallée 
de  Lauterbrun  ,  où  la  nature  a  éta- 
lé fes  plus  aiFreufes  beautés.  De 
la  cime  de  deux  montagnes  qui 
fe  terminent  au  glacier,  &  laiC 
fent  entr'elles  un  étroit  &  fombre 
vallon ,   fe   précipitent    plufieurs 


2 68     Mêm.  fur  h  dern.  Guêtre 

ruiffeaux  qui  forment  les  cafcadet 
peut-être  les  plus  élevées  de  Puni- 
vers.  Celle  de  Staubbach  a  été 
cxadement  mefurée ,  &  fa  hauteur 
perpendiculaire  n'eft  pas  moins  de 
huit  cents  feize  pieds  de  roi,  ou 
de  onze  cents  pieds  de  Berne.  A 
la  vérité  ,  fa  largeur  n'eft  pas  con- 
fidérable;  on  peut  en  juger  parle 
ruiffeau  qu'elle  forme  en  tombant, 
&  qui  n'a  guère  plus  de  huit  ou 
neuf  pieds  de  large  dans  fa  plus 
grande  étendue.  Nous  ne  parlons 
point  de  la  cafcade  de  Myrrebach, 
&  de  quelques  autres  dont  la  mafle 
des  eaux  eft  auffi  petite,  (Surélé- 
vation un  peu  moindre. 

La  chute  de  Niagara  eft  auffi 
remarquable  par  les  phénomènes 
qu'elle  produit  que  par  fa  largeur. 
Lorfque  le  tems  eft  beau,  on  y  voit 
plufieurs  arcs-en-ciel,  les  uns  au 
delTus  des  autres.  11  n'eft  pas  dif- 
ficile d'en  deviner  la  caufe.  Quel- 


ie  t Amérique  Septentr,     2of 

juefois  un  léger  brouillard  s'élève 
tomme  une  fumée ,  au  deflus  de 
pette  cafcade ,  &  femble  être  celle 
ll'une  forêt  qui  brûle.  On  Tapper- 
l^oit  du  lac  Ontario  3  quinze  lieues 
jm  delà  du  fort  de  Niagara.  C'eil 
bn  figne  non  équivoque  de  pluia 
ibu  de  neige ,  &  un  moyen  fur 
lie  reconnoitre  ce  fort ,  ou  Tem- 
;90uchure  de  la  rivière  du  Por- 
tage. 

Le  bruit  que  fait  la  cafcade ,  aug- 
menté par  les  échos  des  rochers 
d'alentour ,  s'entend  plus  ou  moins 
loin ,  félon  le  vent  qui  règne.  11 
jn'eit  pas  rare  de  l'ouir  de  dix  à 
idouze  lieues  ,  mais  comme  un 
tonnerre  éloigné  &  qui  gronde 
[fort  fourdement  ;  ce  qui  fait  con- 
jjeaurer  au  P.  Charlevoix,  qu'avec 
:1e  tems  il  s'eft  du  former  quelque 
:  caverne  fous  la  chute.  Il  en  don- 
ne encore  pour  raifon ,  qu'il  n'a  ja- 
mais ri€n  reparu  de  tout  ce  qui 


2  T  o     Mêm.  fur  la  djrn.  Guerre 

y  eft  tombé  (a).  Ce  dernier  efFe 
cil  celui  des  gouffres  qui  fe  trou 
vent  toujours ,  foit  au  bas  des  gran- 
des  chutes  d'eau  ,  foit  dans  les  en- 
droits où  le  courant  des  riviereî 
fe  trouve  contrarié  avec  force,  oi 
trop  reiferré. 

L'envie  de  critiquer  le  baron  de 
la  Hontan  ,  a  porté  le  F.  Charle- 
voix  à  nier  que  les  poiffons  qui 
fe  trouvent  engagés  dans  le  cou- 
rant, au  deffus  de  la  chute,  tombent 
morts.  „  On  m'avoit  encore  affu- 
^  ré,  ajoute  ce  jéfuite,  que  les 
5,  oifeaux  qui  s'avifoient  de  voler 
30  par  deffus  ,  fe  trouvoient  quel- 
33  quefois  enveloppés  dans  le  tour- 
na billon  que  formoit  dans  l'air  la 
3.3  violence  de  ce  rapide.  Mais  j'ai 
3>  remarqué  tout  le  contraire.  J'ai 


(û)  Journal  hift.  du  voyage  de 
l'Amérique  Septentrionale,  T.  V.  de 
rkiil.  de  là  Nouveile-Frauce ,  p.  34^. 


de  t Amérique  Septentr.     2îi 

vu    de  petits    oifeaux  voltiger 

5Jaire?-bas,  direftenient  au  deffus 

Jde   la   chute  &  s'en  tirer  fort 

J  bien  "  (a).  N  ous  avons  vu  nous 

i|êniesdes  oifeaux  plongés,  au  bas 

la  cafcade  du  Rhin ,   qui  a  du 

té  du  château  de   LauiTen  qua^ 

!  vingts  pieds  d'élévation  (è) ,  & 

nvoler  enfuite  fans  danger.  Les 

(féaux  de  proie  peuvent  s'en  être 

•es  auffi  heureufement  à  Niagara 

ns    un  tems  calme,  mais   non 

s  quand  les  vents  font    renfor» 

s  dans  la  bande  du  Sud.  Alors, 

omme    M.  Pouchot  l'a   obfervé 

]ufïeurs  fois ,  les  oifeaux  aquati- 

nes  qui  fuivent  le  cours  de  la  ri- 

ère,  &  s'élèvent  à  la  hauteur  des 

iichers,  font  contraints,  pour  fe 

ettre  à  l'abri,  de  voler  près  de 


{a)  là.  p.  :?45.  :^47,       ^ 
{b)  Au  côté  oppofé  ,  près  des  for» 
;s  de  Neuhauiienj  cette  chute  pa- 
>it  plus  baffe. 


212  Mêr/i.  fur  h  dern.  Guem 

la  furface  de  Feau  ;  mais  ne  poi 
vant  plus  dans  cette  pofition  r 
fouler  le  courant  d'air ,  ils  font  pr 
cipités  dans  le  baffin.  11  en  eft 
peu-près  de  même  des  poiffons  ei 
traînés  par  les  rapides  fupérieu 
à  la  cafcade ,  qui  fe  font  fentir  affi 
avant  dans  le  lac  Erié.  Un  grau 
nombre  d'animaux  doivent  encoi 
périr  dans  les  tournoyemens  d'eai 
Ils  font  fi  terribles  au  deifus  c 
ces  cataraâes,  qu'on  ne  peut  y  n; 
Tiguer  (a).  Dix  ou  douze  Sai 
vages  Outaouais ,  ayant  voulu  tr; 
verfer  en  cet  endroit  la  riviei 
avec  leurs  canots ,  pour  éviter  u 
parti  d'Jroquois  qui  les  pourfu 
voit,  firent  en  vain  leurs  effori 
pour  réfifter  à  l'impétuofité  de 
courans  ,^  &  ne  tardèrent  pas 
être  engloutis  dans  les  eaux  de  1 
cafcade  (Z'). 


(fl)  Tranf.  Philof.  T.  VI.  part.  I 
p.  119. 
ib)  Charlevoix,  journ,  cit.  p.  î4) 


de  f  Amérique  Septentr,     21} 

•I  Quoique  leur  maffe  tombe  per- 
jmdiculairement  fur  des  rochers 
^Ifs,  elle  forme  néanmoins  par 
Jimpulfion  forte  du  courant  &  fa 
(bantité ,  un  talus  affez  confidéra- 
ijc.  Le  baron  delà  Hontan  pré- 
llnd  qu'au  deifous,  il  y  a  un  che- 
lin  où  trois  hommes  peuvent  ai- 
ijment  pafler  de  l'un  ou  de  Fau- 
te côté ,  fans  être  mouillés ,  & 
iins  même  recevoir  aucune  goutte 
(ieau  (a;).  Ni  le  P.  Charlevoix, 
jj.  M.  Pouchot,  ne  parlent  de  ce 
(lemin  ,  que  perfonne  n'a  eu  vrai- 
iimblablement  envie  de  pratiquer. 

Autour  de  la  chute ,  on  apper- 

Ditdes  rideaux  de  quatre-vingts 

eds   de  haut.  Ils  défignent  évi- 

îmmentqae  le  canal  ou  la  rivie- 

qui  la  forme,  étoit  autrefois 
refque  de  niveau  avec  le  lac  Erié. 
e   faut   de    Niagara    doit   donc 

(a)  Voy.  p.  107, 


a  î  4  Mém.fur  la  dérh.  Guerre 

avoir  eu  beaucoup  plus  d'élevatic 
qu'il  n'en  a  aujourd'hui .  &  lé-] 
de  roche  qui  roccafionne,  s'èti 
miné  peu  à-peu,  avant  d'être dâr 
fon  état  aduel 

Lorfqu'on  eft  parvenu  ^u  fon- 
met  des  montagnes  voifînes  de'] 
chute ,  on  découvre  une  plaine  à 
trois  ou  quatre  lieues  de  largeur 
qui  règne  du  côté  de  Toronto 
autour  du  lac  Ontario ,  &  varie 
fuivant  le  gifiement  des  côtes ,  ai 
nord -eft  &  au  fud-  oueft.  Ce  ri 
deau  ou  chaîne  de  coUines  com 
iîience  aux  montagnes  du  Nord 
&  s'étend  dans  la  partie  de  l'eft  juf- 
qu'au  pays  des  Cinq  Nations.  Or 
ne  peut  doliter  que  ces  collines  m 
formaffent  autrefois  le  rivage  di 
lac,  dont  les  eaux  ,  en  baiffant  fuc- 
ceffivement ,  ont  abandonné  la  plai- 
ne qui  les   entoure. 

L'étendue  de  tous  les  grands 
lacs,  &  en  particulier  de  celui  d'Erié 


âe  T Amérique  Septenfr.     21  f 

di  eft  au  deffas  de  la  chute  de 
;jiagara,  a  fubi  le  mêiiie  change- 
lent.  Les  bords  du  fleave  St,  Lau- 
int,  qui  eft  leur  écoulement ,  n'en 
ijit  point  été  exempts.  L'isîe  de 
lont-Kéal ,  formée  par  deux  bran- 
(les  de  ce  fleuve ,  nous  en  fournit 
liic  preuve.  Ses  coteaux  s'élèvent  à 
lie  certaine  diftance  de  fes  côtes,  & 
(^montrent  par  là  que  tout  l'efpa- 
(î  de  terre  ,  depuis  leur  pied  ,  juC 
u'au  rivage  du  fleuve ,  a  été  occu- 
]î  par  fes  eaux ,  qui  fe  font  reti- 
3  es  à  mefure  que  la  maife  de  cel- 
Is  des  lacs  à  diminué,  par  l'a=- 
liiffement  fucceffif  du  faut  de  Mia- 
|ira  &  des  autres  rapides  ou  ca- 
Irades  qui  interrompent  le  cours 
(1  fleuve  5  au  deffus  de  Mont-Réal. 
Rapportons  encore  une  preuve 
a  changement  dont  nous  venons 
î  parler.  IS'ous  la  chercherons 
r  les  plus  hautes  montagnes  du 
anada.  On  y  découvre  fans  ceflè 


216  Mém.furla  dern.  Guerre,^ i 

des  coquillages  de  mer  de  tout 
efpece,  ainfi  que  dans  les  ancien 
lies  plaines  couvertes  de  terre  cal 
cinable ,  fulfareufe ,  ou  compofé 
de  talcs  &  de  grès.  Les  plaine 
plus  récentes  font  rempliesjau  con 
traire ,  de  pétrifications  de  bois ,  d 
fruits,  de  ferpens  ,  d'efcargots  (5 
d'autres  coquillages  d'eau  doucc] 


DE 


DES  M(IUP.S 
:t  des  usages 

Des 

utvcîgQS    de  P Amérique    Septm-^ 
trlonak. 


2'Qnw  ÎIL 


.K 


k '^"  ^  V  «J»  -  ^  ^  ^?  ^c^  *^  ■^:/' ^  - -^  ^^ 'i^  ^- V -^^  414  ^  * 

AVERTISSEMENT. 

.\  Ous  devons  aux  7niJJionnaîr es 
s  détails  précieux  Jur  les  'mœurs 
f  les  ufages  des  nations  fauvages 
'  l'Amérique   Septentrionale,    Ou 
avroit  fans  doute  aucun  reproche 
faire  à  ces  apôtres  du  Nouveau- 
.ionde ,  fils  fe  jujjent  laijjé  moins 
'bjuguer  par  des  préjugés  d'Etat , 
//  les  ont  trop  f  auvent  engagés^ 
ivant    leur    intérêt  particulier , 
ntot  à  e::cigérer  la  barbarie  des 
ïuvages  ^.    îamot    à   en    déguifer 
r  défiiuts.   Un  d'eux ,    le  F.  Lafi^ 
u,    n'a  point  craint  de  les  coTfU 
rrer  aux  pvc7::hrs  peupks-de  l'an- 
ipnté.  Son  irnc::  '     :'.  ■'!  lui  a  fait 
Couvrir  beaucG:-^   ^.q  rapports  de 
i{ligion,    de  CQ-iiturnss ,    de   tradi- 
mis,   gff.    dont  peu  de  perfonnes 
connoïtroient  aujourd:hui  la  vé- 
K  % 


220       A  V  E  R  T  1  SS  E  M  E  N  T. 

rite,  de  femhlables  parallèles  n'é 
tant  plus  guère  du  goût  de  mtr 
fiecle.' 

Les  premiers  voyageurs ,  fur-fou 
Chaniplain ,  le  fondateur  &  le  per 
de  la  colonie  frauqoife  du  Canada 
ont  mis  dans  leurs  relations  cett 
fimplicité  &  cette  vérité  qui  le 
rendra  toujours  utiles  ,  quoique  l 
fiyle  en  foit  prefque  ininteUïgibk 
Ceux  qui  les  ont  fuivis ,  au  lieu  à 
re&:ificr  kurs  erreurs  ,  ifont  fa'i 
que  les  midtipUer ,  ou  traveJHr  leur 
récits.  Oiielques-uns  ont  même  oj 
exalter  d'une  'manière  atijfi  ridicul 
qu'outrée  les  Sauvages.  S'ils  n'a 
voient  prétendu  faire  qu'une  épi 
gramme  contre  les  nations  civdi 
fées ,  07t  leur  aurait  peut-être  par 
donné;  fimis  ils  ont  cherché  à  fe 
duire  leurs  contemporains  & 
tromper  la  pqfiérité.  Le  baron  et 
la  Montait  îrJrite  en  particulie 
ce  reproche  :  il  a  voulu  ruétar/ior 


JAVERTISSEMEKT.       22Î 

pqfer  tous  les  naturels  de  PAméri' 
lie  en  grands  pbilofopbes ,  C5?  ^^^Z- 
mreiiferdent  fon  ouvrage  a  joui 
dtrefois  d'une  célébrité  danger  eu- 
:  Jean  Jacques  Rouleau  y  avoit 
ème  puijé  bien  des  idées  aujji  fauf- 
jS  qu'étranges. 

Un  minijîre  de  Cleves  ,  à  qui  les 

iradoxes  ne  coûtent  rien  gf  qui 

kide  toujours   à  tort  &  à  trct- 

•?rs  ,  quand  il  cejje  de  mal  raifon- 

;t  5  fans  être  forti   de  l'Allema- 

^ie  5  s'ejl  cru  obligé  de  rejeter  in^ 

îjii}idtement   tous   les  témoignages 

\'s  7mjjionnaires  &  des  voyageurs  ^ 

pur  accréditer  fes  propres  rêveries. 

omme  elles  ont  jedtiit  plufieurs  lec^ 

:urs\  &  qu'elles  potirroieîit  faire 

aitre    dJinjufces   préjugés  fur    le 

mipte  de  M.  Foucbotyîwus  croyons 

jvoir  tranfcrire  ici  le  jugement 

u  M,  de  Bujfon  a  porté  dufyjiê- 

\  \e  de  ce  mlnljïre ,  M.  Pave,    C'eji 

i  excellent  antidote  contre  touvra^ 

K  3 


233    Av  ERTÎSSEMËNT. 

ge  de  cet  hardi  détracteur  de  lefpec 

humaine. 

35  Jhwoîic,  dit  tiihijîre  natura 
33  Jijîe ,  que  je  n'ai  pas  ajfez  de  ccn 
53  noijjances  (  a  )  pour  pouvoir  con 
^  frniier  ces  faits,  dont  je  doute 
^y  rois  moins  fi  cet  auteur  n'en  eii\ 
^  pas  avancé  un  très-grand  nombn 
^  d'autres  qui  fe  trouvent  démen- 
2,^  tiS:,  OU  dire  bernent  oppofés  am 
y,  chofes  les  plus  connues  &  lei 
55  mieux  confiatées  ;  je  ne  preîidra. 
35  îa  peine  de  citer  ici  que  les  mo- 
35  numens  des  Mexicains  '&  des  Pé- 
35  ruviens,  dont  il  nie  l'exifience, 
35  &  dont  néanmoins  les  veftigei 
35  exifient   encore  ^   &  démontrent 


(a)  Que  ce  langage  eft  différent 
âe  celui  de  M.  Paw  !  Un  auteur  étran 
ger  qui  écrit  dans  notre  langue, fe 
croiroit-il  difpenfé  de  prendre  un  ton 
«honnête  &  modefte ,  tandis  que  le 
premier  écrivain  de  la  nation  s'en  efl 
toujours  fait  un  devoir  ? 


A  Y  E  K  T  ï  s  s  E  M  E  N  T.'       ^23 

j^  la  grandeur  &  le  génie  de  ccspeu^ 
i  pies  5  qu'il  traite  connue  des  êtres 
[  Jlupides  5  dégénérés  de  l'efpece  hu- 
!,  maille  i  tant  pour  le  corps  que 
5  pour  t' entendement.  Il  paraît  que 
5  A2.  I\  a  voulu  rapporter  à  cette 
j  opinion  ions  les  faits  ;  il  les  cboi" 
j  fit  dans  cette  vue  :  je  fins  fâché 

qu'un  homme  de  mérite ,  &  gui 
3  d'ailleurs  paroît    être   inffruît, 

fefoit  livré  à  cet  excès  de  par" 
3  tidité  dansfesjugemens,  &  qu'il 
3  les  appuie  jur  des  faits  équivo- 
3  ques.  N'a-t-il  pas  le  plus  gravai 
y  tort  de  blâmer  aigrement  les  voya- 
5  geurs  &  les  îtaturaliftes  qui  ont 
3  pu  avancer  quelques  faits  fiifpe&s, 

piiîjqm  lui  -  mtme  en  donne  beath 
y  coup  qui  font  plus  que  fufpe^s  ? 
„  il  admet  ©*  avance  ces  faits,  dès 

qu'ils  peuvent  favorifer  fon  opi- 

nion  ;  il  veut  Cju'on  les  croie  fur 
,3  fa  parole  ^  fans  citer  de  ga- 
.3  rans.  Far  exemple ,  fur  ces  gre-> 
K4 


^2^       A  V  E  R  T  ï  s  S  E  IVÏ  E  N  T. 

^  nouilles  qui  beuglent ,  dit4l,  corn* 
55  me  des  veaux  ;  fur  la  chair  de 
^  l'iguane  qui  do?me  le  mal  véné^ 
y^  rien  à  ceux  qui  la  mangent  ;  fur 
55  le  froid  glacial  de  la  terre  à  un 
53  ou  deux  pieds  de  profondeur,  êfc 
39  //  prétend  que  les  A?néricains  en 
55  général  font  des  hommes  dégéné- 
j3  rés  ;  qu'il  n'eji  pas  aifé  de  con- 
35  cevoir  que  des  êtres ,  aufortir  de 
leur  création ,  puijfent  être  dans 
^5  un  état  de  décrépitude  ou  de  ca^ 
ducité,  &  que  c'efl-là  l' état  des 
Américains  ;  qu'il  n'y  a  point 
de  coquilles  ni  d'autres  débris  de 
33  la  mer  fur  les  hautes  montix» 
^  gnes ,  ni  77iê??2efur  celles  de  jiioyen- 
55  ne  hauteur  ;  qu'il  n'y  avoit  point 
j,5  de  bœufs  en  Amérique  avant  fa 
5.5  découverte  ;  qiûil  n'y  a  que  ceux 
^  qui  n'ont  pas  ajftz  réfléchi  fur 
35  la  confîitution  du  climat  de  l'A- 
55  mérique ,  qui  ont  cru  qu'on  pou- 
,3  voit  regarder  comme  très  -  nou^ 


Avertissement.     23  f 

veaux  les  peuples  de  ce  conti- 
nent ;  qu'au  delà  du  quatre-ving^ 
tleme  degré  de  latitude ,  des  êtres 
confritués  comme  nous  ne  fau^ 
rotent  refpirer  pendant  les  douze 
mois  de  l'année ,  à  cattfe  de  la 
denfité  de  l'batbmofpbere  ;  que 
les  Fatagonsfont  dJune  taille  pa-> 
reille  à  celle  des  Européens  ,  ç^r. 
Mais  il  efi  inutile  de  faire  un 
plus  long  dénombrement  de  tous 
les  faits  faux  ou  ftfpeùfs  que  cet 
auteur  s" efi  permis  d'avancer^aveo 
une  coîifiancc  qui  indifpofera  tout 
'êfetir  ami  de  la  vérité''.  Supplém. 
iliift.  n9.t,   Tom.  FUI.  éd.  i/i-ia» 


3^7,  328,  3^9- 


DES    MŒURS 

ET  DES  USAGES 

Des  Sauvages   de  l'Amérique  Ssp^ 
tentrionale. 


""ïï^- 


\M^ 


A  race  d'honimes  qui  peuple 
|:e  grand  continent ,  eft  la  même 
par-tout ,  à  peu  de  différence  près, 
lis  ont  généralement  la  peau  coii« 
leur  de  cuivre,  ils  paroilTent  ordi- 
nairement plus  noirs  ,  parce  qu'ils 
font  élevés  nucis  ,  &  à  caufe  de 
i'ufage  qu'ils  ont  de  fe  frotter  Li 
peau  avec  des  grailles ,  des  glaifes, 
|ou  des  couleurs  brunes  ;  ce  qui 
Ijoint  à  la  malpropreté ,  leur  rend  la 
j  K  6 


22 i     Mém  fur  la  dern.  Guerre 

peau  encore  plus  noire  qu'ils  ne 
l'ont  naturellement.  Ils  ont  une 
marque  très-diftinclive ,  celle  de 
n'avoir  ni  barbe  ni  fourcils.  Ueft 
vrai  qu'ils  ont  attention  d'arracher 
les  poils  qui  furviennent;  mais  ce  i 
np  font  que  des  poils  folets.  Si  on 
en  trouve  à  préfeot  qui  ont  un  peu 
de  b^a'be  ,  c'eft  qu'ils  font  mé- 
tifs  Eoropé.ens. 

Ils  font  généralement  grands. 
Leur  taille  eu  de  cinq  pieds ,  4, 
5,  6  pouces,  &  au  deflus ,  jufques  à 
près  de  fix  pieds,  ils  font  fort  in- 
gambes.  Plufieurs  ont  de  la  phi- 
fionomie.  On  apperçcit  dans  quel- 
ques nations  un  air  petit-maître. 
Ils  ont  l'œil  vif.  Ils  n'ont  pas  au- 
tant de  force  en  générai  que  les 
Européens.'  Les  femmes  font  moins 
bien  de  figure  proportioneliement 
Elles  deviennent  fort- graOTes,  &  flé-i 
triffent  de  bonne  heure.  Il  y  a  quel- 
ques nations  du  côté  des  Chaoua- 


de  l'Amérique  Septentr.     %23 

ons ,  qui  font  plus  blanches  ; 
[uelques- unes  le  font  même  au- 
ant  que  les  Allemandes  ;  cela  eft 
iiéannioins  très -rare. 
j  Ceux  qui  différent  par  la  figa- 
|e  ,  différent  auffi  par  l'art.  Les 
rêtes  Plates  &  tous  les  Caraïbes 
|)nt  le  front  plat^  &  le  deffus  de 
ia  tête  élevé  ,  parce  que  dans  leur 
ieuneffe  on  leur  ferre  la  tètQ  en- 
[re  deux  morceaux  de  bois.  Ceux 
}ue  l'on  nomme  Têtes  de  Boule 
)nt  la  tète  ronde,  ce  qui  eil:  partie 
:ulier  à  plufieurs  nations  qui  font 
îans  le  N.  O.  de  l'Amérique.  On 
lit  que  Ton  a  trouvé  dans  cette 
Dartie  des  hommes  barbus ,  ce  qui 
^il  fort  douteux.  L'on  ne  tient  cela 
^ue  des  Sauvages,  qui  peuvent 
avoir  pris  des  Eipagnols  pour  des 
naturels  du  pays ,  fe  trouvant  dans 
la  partie  qu'ils  occupent.  Uiie  cho- 
fe  frappante  ,  c'eft  que  ceux  qui 
ont  l'habitude  de  voir  des  bauva- 


2  30  Além.furla  dern.  Guerre 

ges ,  peuvent  juger  aux  traits ,  ainfî 
que  par  la  façon  de  le  mettre ,  de 
quelle  nation  ils  font,  fans  qu'ils 
parient. 

Chaque  nation  peut  être  regar-i 
dée  comme  une  famille  raffemblée 
dans  le  même  canton.  Les  diffé- 
rentes nations  ne  s'allient  que  très- 
rarement  entr'elles.  Chacune  ha« 
bite  un  canton  féparé  de  ce  grand 
continent.  A  moins  que  l'intérêt 
national  ne  l'exige,  ou  que  les  guer- 
res  qu'ils  entreprennent  ne  le  de* 
mandent,  ils  fe  fi'équentent  très-peu 
&  reftent  ifolés  dans  leur  diitrid. 
Chaque  nation  efl  divifée  par  vil- 
lages, qui  ne  reiTemblent  point  à 
ceux  d'Europe.  Un  village  fau- 
vage  a  fes  cabanes  difperfées  le 
long  d'une -rivière  ou  d'un  lac  ,  & 
quelquefois  tient  une  ou  deux 
lieues.  Chaque  cabane  contient  le 
ciiefde  famille,  fes  fils,  petits- fils, 
fouYcat  les  frères  &;  les  foeurs; 


de  t Amérique  Septentr.      2  5  î 

aufiS  il  y  en  quelques-unes  qui  ont 
Ijufqu'à  €0  perfonnes.  Cette  caba- 
Ine  forme  généralement  un  grand 
quarrélong,  dont  les  côtés  n'ont 
ipas  plus  de  5  à  6  pieds  de  haut 
jElle  eft  faite  d'écorce  d'ormeau  & 
le  toit  de  même ,  avec  une  ouver- 
ture le  long  du  faite ,  pour  laifler 
paffer  la  fumée,  &  une  iflue  aux 
deux  bouts,  fans  porte.  On.  doit  ju- 
ger par  là  qu'elles  font  toujours 
Iremplies  de  fumée.  On  place  le  feu 
ifous  l'ouverture  du  faite  ,  &  il  y 
a  autant  de  feux  que  de  familles, 
La  marmite  ell  foutenue  par  deux 
fourches  &  un  morceau  de  bois 
mis  en  travers ,  avec  une  cuiller  à 
pot,  appellée  Mikoine^  à  côté.  Les 
lits  font  fur  des  planches  à  terre, 
ou  de  fimples  peaux ,  qu'ils  appel- 
lent Appkhimon ,  placées  le  long 
des  cloifons.  Ils  fe  couchent  fur 
cette  peau,  enveloppés  dans  leurs 
couvertes  qui^  le  jour^   leur  fer- 


2  3  s     MênLfur  la  dern.  Siierre 

vent  de  vêtemens.  Chacun  a  & 
place  particulière.  Llionime  &  la 
femme  couchent  accroupis ,  de  fa- 
çon que  le  derrière  de  la  femme 
cft  contre  le  ventre  du  mari  ;  leurs 
couvertes  leur  paOant  fur  la  tête 
<&  fous  les  pieds,  cela  relfemble 
aiftz  à  un  pâté  de  canards.  Les  ca- 
banes des  Scîoux  ,  dans  les  grandes 
pleines  du  MiffiiTipi ,  font  en  for- 
me de  cône,  formées  avec  des  per- 
ches &  enveloppées  de  peaux  de 
bœufs  illinois  paffées  ;  ce  qui  fait 
un  joli  effet. 

Qiioique  les  Sauvages  domici- 
liés ou  chrétiens  n'ayent  perdu 
aucun  de  leurs  ufages ,  ils  font  ce- 
pendant logés  plus  commodément 
que  les  autres,  aux  dépens  du  roi.  Il 
y  en  a  même  qui  ont  des  cham- 
i3res  meublées  pour  recevoir  les 
Européens ,  lorfqu'ils  vont  les  voir^ 
Leurs  meubles  confiifent  dans  des 
mannites  de  différente  grandeur  ^ 


de T Amérique  Septenîr.      233 

jfuîvant  leur  befoin  ,  &  leurs  ha- 
ibillemens  daïis  leurs  chemifes,  qui 
font  coupées  pour  homme.  Les 
femmes  fe  fervent  des  mêmes.  Ils 
Iles  veulent  garnies  ;  les  jeunes  gens 
jpetits-maitres ,  &  les  femmes  les 
iportent  volontiers  à  manchettes  bro- 
îdées  ou  à  dentelles.  Ils  ne  les  quit- 
jtent  plus  jofqu'à  ce  qu'elles  foyenÉ 
ufées  ou  pourries.  Les  premiers 
Ijours ,  ils  les  portent  blanches  , 
iaprès  quoi  ils  les  frottent  avec  du 
jvermillon.  Elles  font  rouges  pen- 
Idant  quelque  tems  ,  jufqu'à  ce 
Iqu'elles  deviennent  noires  par  l'ufa- 
Ige.  On  peut  juger  par  là  que  la 
[confommation  qu'ils  en  font  eft 
|très-confidérabîe ,  ne  les  lavant  ja- 
mais. Ils  quittent  ordinairement 
leurs  chemifes  pour  fe  mettre  au 
lit:  l'homme  couche  tout  nud  ; 
la  femme  garde  feulement  le  met" 
chkotê  par  décence. 
..  Leur  chauflure  confifte  en  uni 


^34  Mém.fnrhi  dern.  Guerre 

efpece  de  guêtre  d'étoffe  de  moU 
leton  frile  5  rouge ,  blanc  ou  bleu. 
Cette  guêtre  eft  coufue  en  long, 
fuivant  la  forme  de  la  jambe ,  & 
a  quatre  droigts  d'étoffe  en  dehors 
de  la  couture.  Ces  quatre  doigts 
d'étoffe  font  brodés  en  rubans  de 
différentes  couleurs ,  mêlés  avecj 
des  deifeins  de  rafade  ;  ce  qui  for-j 
me  un  joli  efïet ,  lur-tout  quandj 
la  jambe  n'eft  pas  trop  courte  & 
troup  fournie  ,  ce  qui  eft  rare  par- 
mi eux.  Outre  cela,  ils  portent  des 
jarretières  de  rafade  ou  de  porc- 
épic,  brodées  ,  de  quatre  doigts  de 
largeur  ,  &  qui  forment  un  nœud 
fur  le  côté  de  la  jambe.  Les  ban- 
des des  guêtres  flottent  prefque 
fur  le  devant,  afin  de  fe  couvrir 
le  tibia  contre  les  brouifailles. 
Leurs  fouliers  font  une  efpece  de 
cliauflbn  fait  de  peaux  de  chevreuil, 
de  cerf,  ou  de  caribou,  paiïés  com- 
me des  gans  de  chevrCa^  auffidaux. 


de  VAmiri^te  Sepfenïy\      2  3  f 

Le  deflas  du  pied  eft  à  grille  ,  & 
brodé  avec  un  trouffij  à  la  hauteur 
de  la  cheville  da  pied ,  large  de 
jdeux  doigts,  aiuTi  brodé  avec  du 
Iporc-épic,  terot  de  diiîérentes  cou- 
leurs 5  &  de  petites  aiguillettes  ea 
cuivre  garnies  de  poils  i€mX.^  &  de 
petits  grelots  qui  forment  en  mar- 
chant. Cet  ufage  a  pu  être  imagi- 
né pour  faire  fuir  les  ferpens  &: 
les  couleuvres  3  qui  font  en  grand 
nombre.  11  y  a  des  fouiiers  pour 
Thyver ,  en  forme  de  brodequins  9 
qui  font  très-propres  ;  il  y  en  3 
qui  coûtent  jufques  à  un  louis; 
&  les  moindres  font  de  40  f.  à  3 
livres.  On  voit  des  paires  de  guê- 
tres qui  coûtent  jufques  à  30  liv. 
Les  femmes  portent  un  jupon  ,  ap- 
pelle machicoté^  fait  d'une  aune 
de  drap  bleu  ou  rouge ,  de  la 
quahté  de  ceux  du  Berri  ou  de 
Carcaflbnne.  Le  bas  eil  garni  de 
différents  rangs  de  rubans  ^    jau- 


23  5  Mém.fur  ladern.  Guerre 

nés ,  bleus  &  rouges  ,  ou  de  la 
tavelle  angloiie.  Cet  ajuflement 
relTemble  à  un  jupon  de  coureur; 
il  n'eft  tenu  que  par  une  cour- 
roie fur  la  ceinture  ;  la  chemife 
paffè  par  deffus  &  le  couvre.  Ces  i 
femmes  font  chargées  de  colliers»  ! 
comme  des  vierges  décorées  ;  ce 
font  des  rubans  de  porcelaine  de 
rafade ,  au  bouc  defquels  font  at- 
tachées des  croix  de  Calatrava  ,  des 
dès  à  coudre  ,  des  pièces  d'argent, 
qui  leur  tombent  jufqu'au  deffous 
de  la  gorge  ,  qui  en  eft  prefque 
couverte. 

tiles  ne  fe  percent  point  les 
oreilles ,  comme  les  hommes,  mais 
elles  portent  des  pendans  faits  en 
chaînettes  de  laiton  ou  de  rafade, 
qui  leur  defcendent  fort  bas  fur  les 
épaules.  Elles  portent  toutes  leurs 
cheveux  partagés  en  deux  fur  le 
milieu  de  la  tête  ,  &  arrangés  de 
façon  qu'ils  viennent  couvrir  une 


de  f  Amérique  Septentr,      257 

jpartie  des  oreilles ,  &  font  enfer- 
Imés  derrière  dans  une  queue  qui 
Heur  tombe  jufqu'à  la  ceinture. 
iCette  queue,  qui  a  la  forme  de  cel- 
|le  d'un  langoufte ,  eft  large  de 
Iquatre  doigts  par  le  haut,  &  en- 
Iviron  trois  par  le  bas ,  &  un  peu 
I plate.  Elle  eft  recouverte  de  peau 
'd'anguille  ,  paiïee  &  peinte  en  rou- 
:ge.  Pluiieurs  ont  le  deffus  garni 
d'une  plaque  d'argent  de  deux  à 
trois  travers  de  doigts ,  &  le  bas 
de  petits  triangles ,  auffi  en  argent , 
ou  d'autre  cliofe  ;  ce  qui  ne  fait 
pas  un  mauvais  effet.  Une  femme 
à  qui  on  coupe  cette  queue  fe  croit 
deshonorée  ,  &  n'ofe  pas  fe  mon- 
trer, jufqu'à  ce  qu'elle  puiOe  la  re- 
faire. Les  cheveux  des  femmes  leur 
fervent  à  efloyer  leurs  mains  de 
toutes  les  grailles  qu'elles  touchent 
fans  celle  Elles  les  ont  très-noirs, 
fort  long?,  lilfes  &  forts.  Elles  met- 
tent queiquetois  du  veimiiion  dans 


2  3  s  Ment,  fur  la  dern.  (Guerre 

la  raye  de  partage  de  leurs  che. 
veux  &  derrière  les  oreilles.  Les 
Abenakifes  fe  peignent  tout  le  vi- 
fage  ,  quand  elles  font  parées  ;  le 
haut  en  brun  rouge  ,  &  le  bas  en 
vermillon.  Les  Outaouaifes  portent 
fou  vent,  au  lieu  de  cheinifes ,  des 
efpeces  de  braffieres  de  drap  bleu 
ou  rouge,  coupées  en  deux  pièces , 
de  façon  qu'avec  quatre  ou  fîx  cor- 
dons elles  fe  couvrent  la  moitié 
du  corps  &  des  bras. 

Les  hommes ,  au  lieu  de  ma- 
chicoté,  portent  un  braguet,  qui 
eft  un  quart  d'aune  de  drap,  qui, 
leur  paffant  fous  les  cuifles,: vient 
fe  renverfer  devant  &  derrière  fur 
un  cordon  à  la  ceinture  ;  quelque- 
fois ce  braguet  eil  brodé.  Lors- 
qu'ils voyagent ,  ëz  qu'ils  craignent 
d'être  échauffés  par  la  laine,  ils 
mettent  fimplement  ce  braguet 
comme  un  tablier  devant  eux.  Ils 
portent  autour  du  col,  un  collici: 


de  l'Amérique  Septentr,     S3f 

bn  pendant  comme  nos  ehevaiiers 
li'ordre.  Au  bout  eft  une  plaque 
id'argent  grande  comme  une  fou- 
soupe  ,  ou  un  coquillage  de  même 
grandeur ,  ou  un  cercle  de  porce- 
laine (a).  L'avant- bras  eft  garni 
îde  braff^lets  d'argent ,  de  trois  à 
jquatre  doigts  de  largeur,  &  le  bras 
d'une  efpece  de  mitons  faits  de 
porcelaine,  ou  en  porc-épic,  co- 
lorés avec  des  aiguillettes  de  peau 
qui  forment  une  frange  dans  le 
liaut  &  dans  le  bas. 
Les  Sauvages  portent  volontiers 


(a)  Les  porcelaines  du  Canada 
ront  des  coquillages  que  les  Anglois 
jappellent  dam^.  Elles  fe  trouvent  fur 
les  côtes  de  la  Nouvelle -Angleterre, 
&  fur  celles  de  Virginie.  Elles  font 
paiinelées,  allongées,  un  peu  poin- 
tues &  aife?.  épaiifes ,  &c.  Voyez  ie 
Ijournal  du  P.  Charlevoix,  T.  V,  de 
riiift.  de  la  Nouvelle- France,  p.  :^o§5 
h  voqagt  de  Calm  dans  l'Amer.  Sepï. 
T.  Il  p.  'lis  (k  fuiv. 


£4-0     Mém  fur  la  dern.  Guerre 

des  anneaux  à  tous  les  doigts,  La 
tête  des  hommes  eft  plus  ornée 
que  celle  des  femmes.  Ils  employent 
quelquefois  trois  ou  quatre  heures 
à  leur  toilette.  On  peut  dire  qu'ils 
y  font  plus  attachés  qu'aucune  pe- 
tite maitrelfe  en  France.  Le  foin 
de  fe  matacber  ou  barbouiller  le 
vifage  artiftement  en  rouge ,  noir 
&  vert,  avec  des  delTeins  fulvis,  & 
qu'ils  changent  fouvent  deux  ou 
trois  fois  le  jour,  ne  laiffe  apper- 
cevoir  de  naturel  que  les  yeux  & 
les  dents  5  qu'ils  ont  fort  petites, 
mais  très-blanches  &  la  lèvre  ver- 
îîîeille.  ils  ne  portent  de  cheveux 
que  de  la  largeur  d'une  calotte  de 
prêtre,  coupés  d'un  doigt  de  long, 
relevés  avec  de  la  grallfe,  &  pou- 
drés avec  du  vermillon  furleii^î- 
lieu.  ils  îailTent  deux  mèches  de 
cheveux,qu'ils  enferment  dans  deux 
étuis  d'argent,  de  la  longueur  du 
ÀQ\gt,  ou  dans  une  queue  faite  avec 

iin« 


de  f  Amérique  Septentr,     24 1 

me  broderie  de  porc-épic.  Ils  y  ar- 
rangent auffi  quelques  plumes  d'oi- 
[eaux,  qui  tbriiient  une  efpece  d'ai- 
i^rette.  Quand  un  jeune  homme  a  été 
|i  la  guerre,  il  fe  découpe  le  tour  de 
l'oreille  &  y  attache  du  plomb  5  de 
façon  que  le  poids  fait  aîonger  ce 
partillage  Se  que  cela  forme  une  ou- 
jrerture  à  pouvoir  y  mettre  une  mi- 
:a(re  roulée.  Ils  entortillent  autour 
m  fil  de  laiton ,  &  au  milieu  de 
a  circonférence ,  ils  mettent  des 
|iigrettes  en  plume  ou  en  poils  co- 
lorés. Ces  oreilles  leur  viennent 
jufques  fur  les  épaules  &  y  flot- 
lent  iorfqu'iis  marchent.  Quand  ils 
jroyagent  dans  les  bois ,  ils  fe  met- 
ent  une  ceinture  autour  du  front, 
jui  contient  les  oreilles  pour  n'é- 
re  pas  déchirées  dans  les  fourrées. 
Js  ne  confervent  leurs  oreilles 
|}u'autant  qu'ils  font  fages  ;  car  dès 
qu'ils  fe  battent  étant  ivres,  ïh 
e  les  déchirent;  auffi  y  en  a-t-il 
Toms  UL  L 


242     Mem.furladêrn.  Guerre 

peu  d'un  âge  avancé  qui  les  ayent 
entières.  Ils  fe  percent  le  tendon 
du  nez,  &  y  mettent  un  petit  an- 
neau avec  un  petit  triangle  d'ar- 
gent qui  leur  tombe  fur  la  bouche. 
Ils  portent  hommes  &  femmes, 
fur  les  épaules  une  couverte ,  foit 
en  laine  qu'ils  achètent  des  Euro- 
péens, foit  en  drap,  ou  en  peaux 
paffées.  Il  n'y  a  guère  que  ceux 
de  rintérieur  des  terres  qui  fe  fer- 
vent de  ces  dernières.  Celles  en 
laine  font  des  couvertes  faites  en 
Normandie,  d'une  laine  affez  fine, 
&  meilleures  que  celles  fournies 
par  les  Anglois  i  qui  font  plus  grof- 
fieres.  Four  les  enfans  elles  fontj 
de  la  grandeur  d'un  point  &  d'un 
point  &  demi.  Pour  les  hommes , 
de  deux  &' de  trois  points.  Apm 
lés  avoir  portées  deux  à  trois  jours 
blanches  ,  ils  les  barbouillent  de 
vermillon  ,  d'abord  avec  une  croix 
rouge.    Quelques,  jours  après  ilsi 


de  P Amérique  Septentr.     1^43 

'en  couvrent  ;   ce   qui  contribue 

'îicore  à  leur  rendre  la  peau  rou« 

^e.  Lorfque  les  filles  ont  quelque 

leflein  de  conquête  ,  elles  peignent 

burs  couvertes  de  nouveau  :  celles 

n    drap  font  d'une  aune   &  ua 

uart  de  drap  rouge  ou  bleu  ^  de 

\  qualité  des  machicotés.  Us  gar- 

iffent  le  bas   d'une  douzaine  de 

iandes  de  rubans  jaunes ,  rouges 

le  bleus ,  &  de   tavelle  angloiie  ^ 

jiiffant  la  largeur  du  ruban  d'in- 

l^rvalle  d'un  rang  à  l'autre.  A  l'ex- 

êmité  de  ces  bandes ,  on  laiffe  dé- 

Dufus  cinq  à  lix  doigts   de  rubans 

ui  flottent.  Ils  recouvrent  le  haut 

^rec  des  boucles  rondes  d'argent^ 

5  trois  quarts  de  pouce  de  dia- 

letre  :  tout  ceci   regarde  rajufœ- 

lent  des  petits  maîtres,   ou  des 

otites    maitreffes.     Les    rxmiiies 

Drtent  volontiers  des  capots  ou 

pece  de  fiacs  galonnés ,  des  cha- 

îaux  bordés  en  faux ,  le  côté  du 

L  Q 


a  44  ^^^^^'fur  la  dern.  Guerre 

bouton  relevé ,  le  refte  abattu,  avec 
des  plumets  bleus ,  rouges  ou  jau- 
nes. Ils  n'ont  jamais  voulu  porter 
des  culottes ,  même  les  chrétiens., 
malgré  les  foliicitations  des  niif. 
fîonnaires. 

Une  chemife  prefque  noire  , 
barbouillée  en  rouge,  une  vefte 
galonnée  ou  glacée^  ,  un  habit  ga- 
lonné déboutonné ,  un  chapeau 
détroulFé  ,  quelquefois  une  perru- 
que mile  à  rebours  ;  joignez  à 
tout  cela  un  vifage  auquel  les  niaf- 
ques  de  Venife  doivent  céder  pour 
la  fingularité  ,  &  vous  aurez  une 
idée  de  la  figure  d'un  Sauvage.  Les 
hommes  portent  une  ceinture  d'en 
viron  fix  pouces  de  largeur  en  lai 
ne  de  différentes  couleurs ,  que  les 
Sauvage  (les  font  avec  un  deQein  h 
flamme  très  -  proprement.  Ils  fuf- 
pendent  à  cette  ceinture  ,  leurs,' 
miroirs  ,  leur  fac  à  petun  ,  qui  eflj 
une  peau  de  loutre ,  de  cador ,  de 


de  t Amérique  Septmtr.      24^ 

,chat,ou  d'oifeau  écorchée  en  entier^ 
I&:  paffée,  dans  laquelle  ils  met- 
jtent  leur  calumet  ,  leur  tabac  & 
leur  briquet.  Ils  ont  encore  un  fac 
là  plomb  qui  eft  fait  comme  une  pe- 
jtite  beface  ,  où  ils  mettent  leurs 
jballes  &  leur  plomb  pour  la  guer- 
|re  ou  la  chafie.  ils  portent  leur 
jmiroir  fur  le  cul  &  leur  caffe-  tête, 
jlls  ont  une  corne  de  bœuf  en  ban- 
jdouliere  où  ils  tiennent  leur  pou- 
|dre.  Leur  couteau  eft  pendu  dans 
une  gaine  iiu  col  &  leur  tombe 
fur  la  poitrine.  Ils  ont  auffi  un  cou- 
teau crochu ,  qui  eft  une  lame  de 
couteau  ou  d'épée  recourbée.  Us 
font  beaucoup  d'ufage  de  cet  inf- 
trument.  Ce  font  là  les  meubles  & 
les  richelTes  des  Sauvages ,  &  dont 
ils  regardent  la  propriété  auffi  fa- 
crée  que  celle  de  leurs  enfans. 

Les  femmes  &  les  filles  fe  tien- 
nent hors  de  leurs  cabanes ,  lorf- 
qu'elles  ont   leurs  menftruesj  & 

L  3 


2<^6     Mém.fur  h  dern.  Gtièrrt 

n'y  rentrent  qu'après  que  le  tems 
en  efl:  palle  &  qu'elles  fe  font  la- 
Yees.  Les  Sauvages  ne  cohabitent 
point  avec  elles  dans  ce  tems ,  ra- 
rement durant  leur  groffeffe  5  ainfi 
que  pendant  qu'elles  allaitent.  Une 
femme  s'accouche  ordinairement 
toute  feule  ;  elle  fort  de  fa  cabane 
&  s'accroche  à  des  branches  d'ar- 
bres. Elles  ne  fe  plaignent  points 
&  trouvent  étrange  que  les  Euro- 
péennes  crient,  hlles  vont  porter 
leurs  enfans  dans  l'eau  pour  les  la- 
ver &  rentrent  dans  leur  cabane; 
malgré  cela  les  mauvaifes  couches 
font  rares. 

Les  hommes  &  les  femmes  ont 
une  amitié  très  -  grande  pour  leurs 
enfans.  Ces  dernières  ont  une  at- 
tention particulière  pour  eux ,  & 
les  tiennent  fort  proprement.  Leur 
berceau  efl  une  planche  fur  laquel-ï 
le  elles  enveloppent  l'enfant  dans! 
^es  peaux  les  plus  douces.  Elles  y 


'de  F  Amérique  Septentr,     247 

Iniettent  defliis  un  duvet  tiré  d'u- 
Ine  efpece  de  jonc,  pour  qu'il  ne 
Is'échauffe  point  par  fon  ordure. 
lElles  obfervent  de  laifler  fur  le  de- 
|vant  une  petite  ouverture  ,  arran- 
jgée  de  façon  que  l'enfant  urine 
jtoojours  dehors.  Si  c'eft  une  fille 
jelles  y  mettent  un  petit  chenal  d'é- 
icorce  d'arbre.  La  planche  eft  trouée 
par  les  côtés ,  pour  palTer  les  ban- 
|des  qui  emmaillottent  l'enfant.  Les 
Ipieds  ont  un  repos,  &audeiîusde 
|la  tête  il  y  a  un  cerceau  de  trois  tra- 
vtvs  de  doigt,  fur  lequel  eft  attaché 
un  tapis  d'indienne  ou  de  drap  le 
plos  propre  qu'ils  peuvent  avoir  5 
pour  couvrir  l'enfant. 

Au  haut  de  la  planche ,  on  atta- 
che une  lifiere  pour  porter  l'en- 
fant ;  elles  la  paffent  fur  leur  fro^aù, 
&  le  berceau  eft  tout  le  long  de 
ilcurs  épaules.  Si  l'enfant  pleure, 
elles  le  fecouent  pour  le  bercer; 
lorfqu'dles  le  quittent ,  elles  le  fuf- 

L  4 


2  4  s     Mem.  fur  la  dern.  Guerre 

pendent  à  quelque  branche ,  de  fa- 
çon que  l'enfant  eft  toujours  de- 
bout. 11  dortainfi,  la  tête  penchée 
fur  répauîe.  Lorfqu'ii  eft  malade , 
fa  mère  le  tient  couché  ,  ne  le  quifc- 
te  pas  de  vue,  &  lui  fait  prendre  de 
petits  remèdes  qui  font  très -bons. 
Si  elle  leur  donne  des  lavemens , 
elle  a  une  veffie  à  laquelle  un  petit 
tuyau  fert  de  canulle.  Les  Sauva- 
gelTes  allaitent  leurs  enfans  deux, 
trois  ans  ,  &  plus; car  ils  quittent 
la  mamelle  d'eux  -  mêmes.  Ils  vont 
tout  nuds  jufqu'à  quatre  ou  cinq 
ans.  A  cet  âge  les  filles  portent 
feulement  un  machicoté.  Tous  les 
enfans  des  deux  fexes  ont  une 
petite  couverte.  Ils  crient,  pleu- 
rent, &  jouent  entr'eux,  fans  que 
les  parens  j  faflent  attention.  Il  eft 
très -rare  qu'ils  les  battent.  Lorf- 
qu'on  eft  obligé  de  les  porter ,  l'en- 
fant embralTe  le  col  de  fa  mère  &  \ 
f€  tient  à  califourchon  fur  fes  épau< 


de  t Amérique  Septcntr.     249 

es.  Il  y  eft  contenu  dans  la  cou- 
Inerte,  ce  qui  le  repofc.  Hommes^ 
[emmes  &  enfans  un  peu  grands 
pnt  chargés  de  ce  foin.  Quand 
jls  voyagent  par  terre ,  chacua 
iDortefon  petit  paquet  fur  les  épau- 
jes  fufpendu  au  front  par  un  col- 
lier. Leur  fardeau  eft  tout  dans 
iine  couverte  pliée  aux  deux  bouts 
bar  les  cordons  du  collier  ,  très-ar- 
iiftement;  ce  qui  ferme  les  deux 
extrémités  comme  une  bourfe  (a). 
I  Les  enfans  jufqu'à  l'âge  de  trei- 
ze à  quatorze  ans ,  n'ont  d'autre 
)CCupation  que  de  jouer  ;  les  mâ- 
es  font  de  petits  arcs ,  &  y  ajou- 
ent  des  morceaux  de  bois  qui  ont 
me  petite  boule  à  une  extrémité. 
Ils  s'amufeot  à  tirer  aux  petits  oi- 
leaux  ,  &  ils  y  deviennent  lî  adroits 

(  a  )  Cet  ufage  feroit  très-bon  pour 
Vos  foldats.  Les  Angîois  PavoienI 
idopté. 


2^jo  iPlém.ftîr  ladern.  Guerre 

qu'ils  les  tuent  fouvent  Leur  jeu 
favori  eft  la  croffe ,  dont  s'amufent 
grands  &  petits  depuis  20  juqu'à 
5operfonnes;  ils  y  jouent  même 
gros  jeu  &  y  perdent  tous  leurt 
meubles.  Quel  mal  qu'ils  fe  faffent,, 
ce  qui  arrive  fouvent ,  malgré  leur 
adreffe ,  par  la  vivacité  avec  la- 
quelle ils  jouent ,  jamais  ils  nefe 
fâchent. 

Les  filles  font  d'abord  des  pou* 
pées  3  enfaite  elles  s'occupent  à 
coudre  ou  àpaffer  des  peaux.  Cette 
vie  oifive  leur  donne  de  la  malice 
de  très  -  bonne  heure ,  &  quelque- 
fois à  (^  ou  8  ans  elles  n'ont  plus 
leur  virginité  ^  qu'elles  perdent  en 
jouant  avec  d'autres  enfans.  Les 
parens  n'y  trouvent  rien  à  redire,, 
difant  que  chacun  eft  maître  de 
fon  corps.  Les  filles  confervent 
cependant  toujours  un  air  de  dé- 
cence dans  la  façon  de  parler  & 
dans  le  maintien.  Elles  ne  Coufûi^ 


ie  t Amérique  Septenfrt     2  %•  i 

oientpas  qu'on  leur  touchât  la  gor- 
k ,  ni  qu'on  leur  fit  des  baifers  ^ 
jur-tout  dans  la  journée:  elle& 
bnt  toujours  en  public  très  -  en* 
[eloppées  dans  leurs  couvertes,  8c 
jaarchent  en  faifant  de  très  -  petits^ 
j>as.  Elles  portent  les  pieds  en  de* 
fans,  ont  le  pas  croifé,  <&  mar- 
Ihent  en  petites  maîtrelTes.  Les 
iLomaies  marchent  auffi  le  pied 
1res  -  en  dedans  ;  c'eft  peut-  être 
j'ufage  d'aller  dans  les  bois,  qui 
ss  forme  à  cette  habitude  pour  ne 
>as  heurter  les  racines.  Les  filles, 
[ui  ont  du  tempérament ,  le  fui- 
ent; d'autres  reftent  fort  fagesî 
uffi  par  tempérament 

Les  garçons  à  l'âge  de  14  ans? 
ommencent  à  chaiîer ,  &  même 
:ont  à  la  guerre.  L'occupation  des^ 
punes  gens  dans  les  villages  eft  lai 
anfe,  qu'ils  quittent  fouvent  k 
>eine  fur  les  deux  ou  trois  heures? 
près  niinuit  La  fille   qui  a.  dm 

l:  €: 


a  ^2  Mêm.fur  la  dern.  Guerre 

goût  pour  un  jeune  homme,  fe 
place  derrière  lui  en  danfant ,  &  le 
fuit  toute  la  veillée.  Ces  danfes 
font  des  branles  en  rond  ;  le  pas 
des  hommes  eft  prefque  un  pas 
d'allemande;  les  femmes  ne  font 
qu'une  pfpece  de  tricoté  fort  court. 
Leurs  chanfons  font  généralement 
très  -  libres.  Celui  de  la  tête  chan- 
te ;  les  autres  ne  répondent  que 
par  un  fyéé  ,  en  finale  de  cadence. 
A  la  fin  de  chaque  ftrophe  tout  fi- 
nit par  un  cri  général  ;  après  quoi 
on  fait  une  petite  paufe  ,  &  eniui- 
te  on  reprend  un  autre  couplet  : 
les  femmes  ne  difent  mot.  Ils  dan- 
fent  avec  tant  de  vivacité  ,  qu'ils  fe 
mettent  tout  en  fueur.  Ces  danfes 
paroiflent  bien  plus  propres  a  for- 
tifier la  fanté  ,  que  celles  des  Eu- 
ropéens,quî  ne  font  pas  fi  fatiguan- 
tes. Il  y  a  d'autres  danfes  de  céré- 
monie 5  qui  s'exécutent  entre  hom- 
mes ;  nous  en  parlerons  ailleurs» 


j       ile  t Amérique  Septentr,  ^  ^Î5 

Ces  danfes  étant  finies,  ceux 
j  qui  s'y  trouvent  fans  deffein  ,  rc- 
!  gagnent  leurs  cabanes  pour  fe  cou- 
Icher;  les  autreF  ne  s'en  tiennent 
!pas  là  ;  la  fille  fuit  le/garçon  ,  fans 
jrien  dire  ,  jufqu'à  l'endroit  où  il 
jveut  fe  coucher.  Lorfqu'il  eft  au 
lit,  il  lui  dit,  couche -toi.  Alors 
h  fille  fe  déshabille  ,  s'introduit 
doucement  fous  fa  couverte  qu'elle 
arrange  avec  la  fienne ,  de  façon 
qu'ils  fe  trouvent  enveloppés  com- 
me nous  avons  dit  ci  -  delTus.  Ils 
reftent  fouvent  couchés  jufqu'à  9 
à  10  heures  du  matin  ;  après  quoi 
ils  ne  fe  parlent  plus  de  la  journée» 
D'autrefois ,  celui  qui  a  du  goût 
pour  une  fille ,  attend  qu'elle  foit 
retirée  dans  fa  cabane  ,  &  que  tout 
y  foit  tranquille.  11  y  entre  alors  » 
va  au  feu,  y  prend  un  petit  tifon  al- 
lumé ,  qu'il  porte  fur  le  vifnge  de 
la  fille.  Si  elle  pafle  fa  tête  fous  fa 
couverte ,  il  fe  retire  fans  rien  di- 


s  î  4    Mém-,  fur  h  dern.  Guerre 

re  ;  fi  au  contraire  elle  fouffle  fur 
ie  tifon  ,  il  îe  jette  &  fe  couche  au» 
près  d'elle  (  a  ). 

Les  jeunes  garçons  font  généra- 
lement plus  fages  que  les  filles;: 
il  s'en  trouve  beaucoup  qui,  avant  \ 
l'âge  de  vingt  -  deux  à  vingt  -  troi& 
ans ,  n'en  veulent  pas  connoître, 
difant  qu'ils  ne  veulent  pas  s'éner- 
ver. Il  eft  même  indécent  à  un  jeu- 
ne  homme  défaire  l'amoureux  d'u- 
ne fille,  il  ne  fe  croiroit  pas  un 
homme,  s"il  n'en  étoit pas recher* 
ché.  Les  coureurs  de  filles  ne  font 
pas  efîimés  parmi  eux.  Quoi  qu'il 
y  ait  quelques  filles  fages ,  peu  ce- 
pendant réfiilent  à  leurs  inclina- 
tions ou  à  des  préfens.  Elles  tirent 
vanité  du  prix  qu'on  a  mis  à  leurs^ 
appas  ,  &  ont  attention  de  fe  van- 
ter tout  de  fuite  de  leur  bonne  for- 


(a)  C'eft  ce  qu'on  appelle  fouffcir 


de  P  Amérique  Sept  en h\      a  Ç  f 

:une ,  &  de  ce  qu'on  leur  a  don- 
né, fur -tout  fi  cela  regarde  deg 
phefs  ou  des  Européens  de  confi- 
Itération  auxquels  elles  ne  réfif- 
bnt  guère.  Elles  préfèrent  un  Sau- 
nage à  un  Européen  ,  &  ce  n'eil  or- 
iginairement que  par  intérêt  ou 
!par  vanité,  qu'elles  fe  rendent  à 
jeelui-  ci.  Si  cela  regarde  quelqu'un 
|de  confidération  ,  elles  le  difent 
dans  leur  famille  qui  vient  vous  re- 
mercier de  l'honneur  que  vous  leur 
avez  fait.  11  y  en  a  qui  ont  de  vé- 
ritables inclinations  &  qui  font  fort 
jaloufes;  cela  va  même  jufqu'au 
tragique.  Si  elles  aiment  leurs 
amants,  elles  élèvent  avec  foin  & 
avec  gloire  le  fruit  de  leur  amour  , 
autrement  elles  fe  font  avorter;, 
quelques  -  unes  fe  font  empoifon» 
nées.  Dès  qu'un  couple  eft  arrangé^., 
les  autres  filles  ont  attention  de 
île  point  rechercher  cet  homme  j, 
&  le  renvoyent  a  fa  maitreife.  Si 


2  <i  6     Mêm.  fur  h  dern.  Guerre 

elles  s'enlèvent  leurs  amants ,  il  y 
a  pour  lors  bataille  entr'elles. 

On  pourroit  fuppofer  trois  fa- 
çons d'aimer  parmi  les  Sauvages , 
l^  l'amour  de  paffade,  qui  naît 
d'une  danfe ,  d'un  préfent ,  &c. 
2\  celui  d'inclination  ,  d'où  fuit 
une  efpece  de  mariage  de  louage; 
3'.  Celui  qui  les  engage  à  contrac- 
ter un  mariage  légitime.  Le  pre- 
mier &  le  fécond  font  fans  confé- 
quence  parmi  elles,  &  ne  les  em- 
pêchent point  du  tout  de  penfer 
au  dernier,  Plufieurs  filles  aiment 
mieux  refter  au  fervice  du  public, 
Celles  qui  vivent  dans  ce  liber- 
tinage font  fort  fu jettes  à  fe  faire 
avorter.  Malgré  cette  vie  licen- 
tieufe  ,  où  ils  ne  trouvent  pas  plus 
de  mai  qu'au  boire  ou  au  manger , 
ils  fe  refpedent  entre  frères  & 
fœurs.  Les  Iroquois  regardent  méi- 
me  les  coufins  germains  comme 
frères ,  &  ils  ne  veulent  point  avoir 


de  f  Amérique  Septentr.     257 

;îe  commerce  entre  proches.  Si  on 
eur  en  demande  la  raifon  ,  ils  ré- 
pondent que  c'eft  leur  uiage.   Il  y 
i  cependant  des    nations  du  côté 
lies    Sauteurs,  ou   Ochibois   qui 9 
•lès  qu'ils  époufent  une  fille  dans 
jne  famille  ^  ont  toutes  les  autres 
Dour   femmes.  Les    Outaouais  & 
JMiffifakes  en  prennent  jufques  à 
jleux  ou  trois  ,  s'ils   fe  croyent  en 
ïtat  de  les  nourrir  par  leur  cliaffe  ; 
:ela  n'eft  pas  commun,   Lorlqu'on 
leur  demande  ,  pourauoi  ils  n'ont 
qu'une  femme  ,  ils  repondent  que 
:'eil  pour  la  paix  du  ménage  ,  par- 
:e  que  fi  une  ett  préférée  ,  la  jalou- 
le  des  autres  occafîonne  des  difpa- 
j;es  que  le  mari  eit  obligé  de  termi- 
ber  par  le  bâton,   c^i  une  fille  a  une 
inclination  décidée  pour  un  jeune 
pomme  ,  elle  cherche  à  fe  trouver 
pu  il  eft;  s'il  voyage,  elle  prend 
Ton  paquet  &  le  lui  porte  :  fi  le 
jjeune  homme  a  du  goût  pour  elle  ^ 


2^8  Mêm,  fur  la  dern.  GtièVre 

il  la  mené  à  la  chaflc  avec  lui ,  & 
elle  lui  fert  de  femme  tout  ce  tenis 
là;  il  a  foin  d'elle ,  &  au  retour  fou- 
vent  ils  fe  quittent  ou  reftent  ma- 
riés. Les  femmes  peiifent  affez 
comme  les  Turques  ;  elles  croyeiitî 
être  au  monde  pour  le  fervice  des 
hommes  &  pour  les  foulager  dans 
leurs  befoins  domeftiques.  Les 
Sauvages  fe  marient  quelquefois 
par  inclination  ,  mais  prefque  tou- 
jours par  intérêt  de  famille ,  pour 
s'allier  ou  pour  acquérir  un  chat 
feur  dans  la  famille  ,  le  mari  en- 
trant  dans  la  cabane  de  la  femme. 
Ainfi  il  efî  avantageux  d'avoir  dès 
filles  dans  une  niaifon  ,  puifqu'en 
fe  mariant  3  elles  y  font  entrer  desl 
chaileurs,  pour  le  foulagement  desi 
pères  &  des  mères,  liien  des  jeu^, 
nés  gens  ne  fe  marient  pas ,  pour; 
fervir  à  cet  ufage    à  leurs  paren» 

qui  font  vieux  (  a  ).       \ 

(<ij  Chez  les  Iroquois,  la  iignée| 


de  r Amérique  Septentr,     2^9 

I  La  cérémonie  du  mariage  eft 
fore  courte.  Si  c'en:  un  mariage  de 
l:onvenance  de  parenté  ,  les  parens 
e  propofent  entr'eux  cette  allian- 
:e,  &  en  avertiffent  leurs  enfans. 
i'ils  ont  du  goût  l'un  pour  l'autre  > 
e  garçon  va  s'établir  dans  la  caba- 
le de  la  fille  &  lui  fait  préfeiit  d'un 
'quipement  en  entier.  Lorfqu'ii 
fit  couché  il  propofe  à  la  fille  de  fe 
oucher  avec  lui  ;  elle  eft  debout 
côté  de  lui  près  du  lit  ;  après  s'ê- 
re  fait  prier  quelque  tems ,  elle 
s  déshabille  &  fe  met  dans  {qïï  lit 
iiodeilement.  Parmi  les  Iroquôis 
'etl  une  marque  de  coniîdération 
e  ne  point  toucher  à  fa  femme  ; 
.  y  en  a  qui  relient  jufqu'à  trois 
aois ,  pour  leur  marquer  davan- 


uit toujours  du  côté  de  la  femme: 
s  difent  un  tel  fils  d'une  telle,  dc- 
Ignant  la  famille  par  ie  nom  de  la 
nere. 


260  Mêm,  furhdern.  Guerre 

tage  combien  ils  les  eftiment  (a) 
Le  mari  apporte  toutes  les  pelleté 
ries  de  fa  chaffe  à  fa  femme ,  qu 
prépare  les  peaux  pour  leur  ufagi 
commun.   C'eft  elle  ordinairemen 
qui  en  fait  la  vente  ;  elle  prend  et 
échange  ce  qui  eft  néceffaire  poui 
les   beioins  de  la  famille,  le  fur j 
plus    en   bijoux    de  Pefpece    quij 
nous  avons  décrite  ,  &  en  eau  -  de- 
vie  qu'ils  revendent  dans  leur  can. 
ton  ,  ou  qu'Us  boivent  dans  des  ce- 
rémonies.   Le   mari  le  charge  d'a- 
cheter les  armes  &  les  munitions 
Ces  femmes  deviennent  alors  for! 
{âges,  accompagnent  toujours  leun| 
maris  ,    ainfi  que  la  famille,  ex- 
cepté  à  la  guerre.  Elles  font  char-| 
gées  de  cultiver  le  bled  de  Tur- 
quie &  dft    le   préparer,  d'avoii 

(û)  Dans  quel  pays,  &  chez  quel- 
le  nation ,  l'opinion  n'outrage-t-ellc 
pas  la  nature? 


de  l'Amérique  Septentr.     261 

)in  de  leur  marmite  ,  d'aller  cher- 
Iher  le  bois  &  les  bêtes  fauves  qu'ils 
nt  tuées  aux  environs  de  la  caba- 
e.  Souvent  le  mari  rentre  fans  rien 
ire ,  &  allume  fon  calumet  ;   au 
eut  de  quelque  tems ,  il  dit  à  fa 
mime  ,  j'ai  tué  une  telle  bête  à- 
eu  '  près  dans  tel  endroit  du  bois. 
!)omme  il  a  donné  quelques  coups 
jle  hache  à  des  arbres  fur  cette  rou- 
ie, la  femme  part,   l'apporte  fur 
es  épaules  &  la  dépouille  (  a  ).  La 
rie  des  femmes  eil:  fort  pénible.  Si 
eur    humeur     ne    s'accommode 
)as  avec  celle  de  leur  mari  ,  ils  fe 
|uittent  &  partagent  leurs  enfans. 
a  mère  prend  par  préférence  les 
iîlles  ;  fi  elle  eft   bien    mécontente 
le  fon  mari ,  elle  garde  tous   les 
:nfans  qui    font  toutes    leurs  ri- 

j  (a)  Un  Européen  auroit  bien  de 
la  peine  à  trouvi^r  cet  endroit  ainiî 
Idéfigné. 


s,  6  2  Me  m.,  fur  h  de  m.  Guerre 

clieiTes.  Souvent  ils  fe  remarient 
tout  de  fuite. 

Les  longues  réparations  du  nici^ 
ri  &  de  la  femme  ,  fur-  tout  parmi 
les  jeunes  gens ,  occaiîonnées  par 
lagrofTeffe  &railaitement,font  naî- 
tre les  divorces  ,  parce  qu'ils  s'en- 
nuyent  d'être  fans  femmes.  C'eft 
ordinairement  ce  tems  qu'ils  pren- 
nent pour  aller  à  la  guerre.  Dans 
cet  intervalle  ils  en  trouvent  d'au- 
tres avec  lefqueiles  ils  fe  remarient. 
Il  n'eft  pas  rare  d'en  trouver  qui 
ayent  eu  cinq  à  fix  femmes  ;  plu- 
ileurs  cependant  fe  contentent 
,d'une  toute  leur  vie.  La  jaloufie  oc- 
cafionne  auffi  fouvent  les  divorces. 
S'ils  croyent  que  leurs  femmes 
manquent  à  la  fei  conjugale,  ils 
leur  coupent  le  nez  avec  les  dents 
&  les  renvoyent.Ces  exemples  font 
affez  rates.  Les  Scioux  ont  une 
punition  plus  extraordinaire  ;  lorf- 
qu'ils  veulent  punir  l'adultère ,  ik 


j    de  l* Amérique  Septênir,     2^3, 

îlflfembleîît  le  plus  de  jeunes  gens 
(li'ils  peuvent ,  quelquefois  jufqu'à 
p  à4o  ;  après  un  grand  feftin  ,  ils 
]!ur  livrent  la  femme ,  dont  ils 
jluiffent  tous  à  difcrétion  :  eofuite 
i|;  l'abandonnent;  quelques-unes. 
<|i  meurent.  Us  appellent  cette  cé» 
jjmonie,  faire  paffer  par  la  praU. 
ie.  D'autres  les  tuent  Un  peut 
durer  que  les  infidélités  des  fem-. 
î|es  font  rares ,  &  bien  moins  de 
||îns  ont  à  s'en  plaindre  qu'en  Eu-. 
Jfpe., 

Lorfque  les  SauvagefTes  devien- 
:nt  vieilles ,   ce  qui  arrive  de  bon- 
heure  3  vers  quarante  ans ,  el- 
3  font  fans  prétention.   Elles   ga- 
lent  alors  de  la  confidération,  & 
int  confuUées  dans  les  affaires  dé-< 

ates  5  (ur  -  tout  chez  les  Iroquois, 

ù  on  les  nomme  Dames  chi  con- 

il  Elles  entrent  en  effet  dans  les 

•andsconfeiis  de  la  nation,    &  y, 

fluent  beaucoup.    lis    ne  décia-.- 


^^4  ^i-'^'  fur  h  dern.  Guerre 

rent  jamais  la  guerre,  fans  les  avoîi 
confultées,  &  c'eft  fur  leur  avi 
qu'elle  eft  réfolue.  A  cette  occa 
fion  elles  exhortent  les  guerriers  i 
fe  comporter  courageufement ,  & 
à  faire  voir  à  toute  la  terre  qu'elle 
ont  des  hommes  en  état  de  les  pro- 
téger. Elles  leur  enjoignent  fur 
tout  de  ne  point  abandonner  leun 
bleffés. 

Les  Sauvages  ne  s'occupent  poini 
cffentiellement  de  la  chaiTe  ,  lorf 
qu'ils  font  dans  leurs  villages  ;  ili 
îî'y  chaffent  ni  ne  pèchent  qu{ 
pour  vivre.  Dans  le  féjour  qu'ils  ) 
font,  ils  s'aflemblent  dans  leunj 
cabanes  ,  prefque  toujours  dam! 
celle  du  chef.  Là ,  le  calumet  à  laj 
bouche ,  ils  poUtiquent  &  repaf j 
feot  Ihiftoire  de  leur  nation  :  ils yi| 
parlent  des  traités,  des  intérêts] 
qu'ils  ont  avec  les  nations  étrange-' 
res ,  &  des  voyages  qu'ils  ont  faits 
dans    leurs    guerres.    Les  jeunes 

geni 


de  l'Amérique  Septenîr.     2^f 

■ensdéja  formés  écoutent  pour  fe 

iiettre  au  fait  des  aâaires ,  &  y 

irennent  cette   émulation  pour  la 

l;uerre ,  qui  fait  l'objet  le  plus  ei- 

bntiel  de  leur  vie    Les  plus  âgés 

|3nt  les  chefs  pour  îe  confeil  ;  ce 

bnt  eux  qui  dirigent  ceux  de  guer- 

c.  Les  Sauvages  qui  ont  de  trente 

quarante  ans ,  conduifent  les  jeu- 

les  guerriers.  Par  défaut  de  fubiif- 

inces  les  Sauvages  ne  relient  ja- 

lais  tous  dans  leurs  villages.  Ils 

e  cultivent    pas  du   bled  d'Inde 

iffiiamment  pour  fe  nourrir  plus 

e  deux  ou  trois  mois.  Dès  qu'ils 

trouvent  dans  le  befoin ,  toute 

i  famille  part  pour  aller  s'établir 

u  loin  ,  fur  -  tout  s'ils  doivent  7 

efter   loiii^-tems.    C'ed    iiiyver 

es  j 

ne  les  villages  fe  trouvent  le  plus 

bandonnés  ,  principaieiiient  chez. 
=s  nations  qui  font  des  grandes 
halles  de  caftor.  Ils  fe  diiiribuent 
lans  tout  Tintédeur  du  payss^qu'ik 
.■    Tome  m.  '  M 


26ê  Mêm.fiiï  la  dern.  Guerre 

regardent  comme  appartenant  à- 
leur  nation  ;  ils  y  vivent  tous  ilblés 
le  long  des  lacs ,  étangs  ou  riviè- 
res près  defquels  ils  croyent  trou- 
ver le  plus  de  gibier.  En  arrivant  à 
leur  deftination  ,  ils  y  conilruifent 
une  cabane  qui  eil;  toujours  placée 
clans  quelque  fourrée  ou  vallon , 
pour  y  être  plus  à  l'abri  des  vents. 
Ils  font  un  amas  de  bois  ,  à  caufe 
des  mauvaifes  journées  de  Tliyver. 
Le  mari  &  les  jeunes  gens  le  ré- 
pandent autour  delà  cabane  pour 
cliaffer  ,  quelquefois  jufqu'à  dix 
lieues.  Ils  placent  des  filets  fous  la 
glace  pour  prendre  les  callors ,  ou 
s'ils  en  trouvent  dehors  ils  les  tuent 
à  coups  de  fuiii.  lls'cliaQent  les 
ours  qu'ils  trouvent  dans  des  trons 
d'arbres ,  -ce  qu'ils  connoiffent  à 
l'écorce.  S'il  y  en  a  quelqu'un  de- 
dans ,  ils  l'entendent  ruminer  en; 
léchant  fa  patte.  Ils  jettent  du  feu! 
4ans  le  trou  pour  le  faire  fortir ,  ou 


iîe  f Amérique  Septmtr.     %6f~^ 

|ii  font  un  dans  le  pied  ^  par  où  lis) 
enfument.  L'ours  preffé  par  ie-' 
eu  &  ia  fumée  fort  de  fon  tronc ' 
lù  il  eft  tout  debout  5  &  dès  qu'ils 

voyent  fur  l'arbre  ils  y  tirent  ; 
[uelquefois  ils  font  obligés  dei 
ouper  l'arbre  pour  l'avoir.  Ils 
lettent  des  pièges  ou  lacets  pour 
Tendre  les  renards ,  les  loutres , 
2s  martes  Ils  tuent  auffi  des  loups- 
erviers ,  des  pichous  (  a  )  ,  des^ 
écans ,  des  chats  fauvages  ,  des' 
ats  mufqués ,  des  rats  de  bois,  des 

ribous ,  des  orignals  (  ô  )  ,  des 
hevreuils ,  dont  la  plus  grande 
haiîe  fe  fait  en  été ,  quelques 
erfs ,  des  heriffons ,  des  perdrix, 
ui  font  les  géimotes  d'Europe , 
ï  des  dindeSjGui  y  font  très^abon- 
antes   dans  certaines   parties.  Ils 


(û)  Le  pichoii  eft  le  eliat-cervier. 
(//)    Ces    deux  dernières    efpeces 
'animaux  fbni;  aifez  rares. 

M  % 


2<J8    Mêm.furladern.  Guerre 

mangent  de  toutes  ces  viandes,  ex- 
cepté da  renard  ,  des  loutres ,  & 
des  pécaiis.  ils  tendent  auffi  des  fi- 
lets fous  la  glace  pour  prendre  du 
poilTon  ;  ils  coupent  par  morceaux 
ces  animaux  ,  apî:ès  les  avoir  dé- 
pouillés proprement,  mettent  ces 
quartiers  de  viande  fur  des  efpeces 
de  grillages  qu'ils  forment  au  def- 
fus  de  leur  feu  pour  la  faire  fécher 
&  boucanner  à  la  fumée.  Cette 
"viande  leur  fert  pour  les  jours  qu'ils 
îie  font  pas  bonne  cliaiTe ,  ou  que 
le  mauvais  tems  les  oblige  de  ref- 
ter  dans  leurs  cabanes.  On  croi- 
roitpar  l'énumération  des  animaux 
que  nous  venons  de  faire  ,  que 
les  Sauvages  doivent  jouir  d'une 
\ie  lieureufe  ;  mais  leur  parefle  ,! 
les  mauvais  tems  &  la  rareté  du! 
gibier  dans  certaines  parties,  les  ré- 
duifent  quelquefois  aux  plus  extré-j 
mes  néceffités ,  &  les  obligent 
chercher   quelques    racines   pou:| 


de  t Amérique  Septenfr.     2^§ 

livre,  fouvent  même  en  font -ils 
liépourvus.  Il  y  en  a  eu  qui  ont 
|;té  réduits  à  manger  leurs  efcia- 
jTS  5  &  quelquefois  à  fe  manger 
[ntr'eux  :  réloignement  de  toiit 
lècours  5  les  mauvais  tems  &  les 
livieres  gelées  les  retiennent  nial- 
rré  eux  dans  les  cantons  où  ils  fe 
jrouvent  Ils  changent  fouvent 
le  demeure,  pour  fe  mettre  plus  à 
liortée  de  la  chalTe. 

Lorfque  les  grands  froids  font 
laiïesj  &  que  les. glaces  commen- 
ent  à  fondre  ,  la  nature  eft  déjà 
n  mouvement ,  &  les  arbres  qui 
toient  gelés  ont  une  eau ,  entre  la 
^conde  écorce  &  le  bois ,  qui  n'elt 
as  encore  la  fève  ,  mais  qui  la  pré- 
éde  environ  d'un  mois.  Qiiand 
n  leur  fait  une  inciiion  un  peu 
bliquement,  &  qu'on  y  adapte 
ne  lame  de  couteau  ,  ou  un  bout 
écorce  ,  il  s'écoule  de  cette  bief- 
ire  une  eau  qui ,  bouillie  ,  donn© 
M  i 


5^-70  3Iêm,  fur  la  dern.  Guerre 

:nn  feî  amer ,  ou  doux  ,  fuivant  îa 
qualité  des  arbres  ;  celui  de  noyer 
&  de  cerifier  eii  dans  le  premiei 
xasr  Pielque  tous  les  arbres  ren. 
dent  de  cette  eau  qui  pourroit  être 
de  quelque  ufage  ,  même  en  mé- 
decine. L'érable  &  le  plane  ou 
|)latane  en  ont  une  qui  eft  fi  douce, 
^qu'elle  forme  un  fort  bon  fucre, 
Elle  eft  également  douce  ,  rafi-aî; 
chiiTante  &  fort  faine  pour  la  poi- 
trine;  lorfqu'oii  la  fait  bouillir,  or 
en  forme  de  la  caffonade  ou  àt\ 
.pains  d€  fucre  rouilâtre  ,  qui  i 
lin  peu  le  goût  de  la  manne,  mais 
agréable  ,  &  dont  on  peut  niangei 
en  telle  quantité  que  Voa  veut, 
fans  craindre  qu'il  fade  mal ,  com- 
mue le  fucre  de  canne.  Les  ^  auva- 
ges ,  qui  dans  cette  faifon  ne  peu- 
vent chaffer ,  ni  pécher ,  à  caufe 
des  fontes  des  glaces ,  &  que  le! 
poiflons  ne  montent  pas  encart 
dans  les  rivières  a  vivent  de  cettt 


de  t Amérique  "  Ssptentr.  ■ .    271- 

banne  pendant  quinze  jours    ou 
m  mois. 

Ces  arbres  donnent  abondani- 
tient  de  cette  liqueur,  qui  ne  cou- 
e  que  lorCqu'il  a  gelé  dans  la  nuit 
&  que  le  lendemain  il  fait  foIei|. 
Si  le  tenis  eft  couvert  ou  qu'il  pleu- 
,^65  les  arbres  ne  coulent  point. 
Z'tik  une  obrervation  curieufe  pour 
les  naturaliftes.  On  ramaiXe  ce  fuç 
laiis  une  chaudière  ;  ou  une  petite 
luge  de  bois ,  une  ou  deux  foi^ 
)ar  jour  ;  il  peut  fe  conierver  queL 
jue  tems.  On  le  fait  bouillir  dan$ 
.le  grandes  chaudières,  le  fel  qiril 
brnie  a: ors  eft  le  fucre.  11  efc  ex^. 
'-^''ent  pour  les  rhumes.  On  eii 
.._  de  très -bon  firop  avec  le  ca^. 
)iiiaîre3  quoiqu'avec  le  goût  de 
)apier  brûlé.  Il  eil  bon  encore- 
)oar  toute  forte  de  confitures  ^ 
end  le  chocolat  excellent,  &  s'ac* 
toiumode  bien  foit  avec  le  lait  ,■- 
l'oit  avsc  le  café  ^  auquel  il  donne 
M  4 


2^2  3Iem,  fur  la  dern.  Guerre 

cependant  un  goût  de  médecine 
défagréable.  Il  n'eft  pas  douteux 
quePon  pourroit  trouver  ce  même 
fucre  en  Europe,  fur- tout  après 
des  hyvers  froids,  fi  on  le  cher- 
choit  alors  dans  les  arbres  un  peu 
gros. 

Les  glaces  étant  fondues ,  lés 
Sauvages  trouvent  beaucoup  de 
cygnes ,  d'oyes ,  d'outardes ,  de 
canards,  de  farcelles ,  de  pluviers, 
de  bécaifes  &  de  bécaffines  qui 
reviennent  du  fud  de  l'Amérique 
repeupler  ce  pays.  On  ne  peut  ex- 
primer la  quantité  prodigieufe  qui 
Ven  trouve  dans  cette  faifon  jut 
qu'à  ce  qu'ils  fe  foyent  fixés  dans 
de  grands  étangs  &  dans  les  ma- 
rais ,  pour  y  faire  leurs  nichées. 

Dans  ce  même  tems  les  poif-j 
fons  commencent  à  Ibrtir  des] 
grands  lacs  pour  remonter  les  ri-i 
vieres,  &  comme  prefque  toutes] 
afont  qu'une  efpece  de  petit  canali 


de  P Amérique  Septenfr.     273" 

leurs  embouchures ,  où  il  n'y  a 
as  ordinaireaient  plus  de  2  ,  3  à 
pieds  d'eau  ,  les  Sauvages  ies  at- 
^ndent  dans  ces  paiïages  pour  les 
arder ,  à  quoi  ils  font  très-adroits. 
,3 quantité  qui  en  remonte,  fur- 
3ut  certains  jours,  eft  inconceva- 
le.  C'eft  la  carpe  qui  paroît  la 
remiere  ;  il  y  en  a  de  deux  for* 
îs  5  une  comme  celle  d'Europe, 
lais  moins  bonne,  une  autre  et 
ece  qui  a  des  loupes  fur  la  tête» 
in  les  nomme  gale-iifss ;  elles  font 
iralTes  &  fort  bonnes  ;  on  en  voit 
lommunément  de  fix  à  douze  li- 
Ires.  Vient  enfuite  la  barbue  ,  qui 
jft  unpoiiTon  à  tête  plate  ,  ayant 
uatre  grands  barbillons  à  côté  de 
i  bouche,  fclle  a  le  goût  &  la  cou- 
pur  de  la  tanche  ,  &  pefe  depuis 
!eux  jusqu'à  fepi  hvres.  Les  étur- 
eons  ont  de  cinq  à  fept  pieds  de 
3ng.  Vers  les  mois  de  Mai  &  de 
uin  a  on  trouve  des  brochets  dQ 
M  % 


S74     Mêm.  fur  la  dern.  Guerre 

fept  à  quinze  livres  5  des  mulets, 
des  truites  faunionnées  de  ï  5  à  ig 
livres ,  des  achigans  dorés  &  verts. 
Ce  dernier  poifibn  eft  court ,  plat 
&  le  plus  délicat  de  tous.  Le  maC 
tilongé,  qui  vient  de  10  à  2s  li- 
vres ,  eft  une  efpece  de  brochet- 
truite  très-  bon  ,  ainii  que  lepoit 
fon  doré  qui  a  la  figure  du  mer- 
lan; il  eft  très-bon  &  pefe  de  .  à  12 
livres.  On  trouve  toutes  les  efpe- 
ces  de  poiffons  d'iiurope ,  comme 
-des  perches  de  3  à  4  livres,  des  lot. 
tes  de  même  grandeur,  &  des  an- 
failles  fort  grandes  Se  très  -  bon- 
;Bes. 

;  Dans  les  lacs  ,  au  deffus  de  h 
chute  de  ^.iagara,  on  ne  voitplui 
.d'éturgeon  ;  mais  il  d\  remplacé  pai 
Je  poifiTon  blanc ,  qui  eft  très  abon; 
dant'&  fort  bon  ,  &  par  une  efpeqi 
de  hareng  plus  délicat  que  ceîu! 
berner.  Lorique  cepays  fera  bieil 
habité  par  les  Européens ,  les  m 


de  FJ^iérique.  Scptciifr»     a/f 

q!ies  deviendront  une  branche  con-» 
dérabk  de  commerce.  Four  lou- 
es ces  pêches ,  les  Sauvages  ie  fer- 
eut  d'un  dard  qui  eit  comporé  dé 
Ideux  morceaux  de  fer  ,  longs  de 
à  12  pouces,  pointus  ^  &  de 
Ideux  crochets  renverfés ,  comme 
|daiis  rhameçon ,  mais  non  pas  auffi 
jgrands  proportionnellement  Us 
iajuflent  ces  deux  morceaux  de  fer 
au  bout  d'une  longue  perche  de 
î  o  à  1 2  pieds  &  plus ,  féparés  l'uri 
de  l'autre  d'un  quart  de  pouce.  Ué 
attendent  dans  les  gués  ou  dans  les 
rapides  les  poiffbns  à  leurs  paflages 
&  les  dardent  ;  il  eft  rare  qu'ils  leà 
manquent.  Ils  les  pèchent  auffi  là 
nuit  dans  leurs  canots.  Us  y  allu- 
ment au  dedans  des  coupeaux  dé 
bois  de  cèdre  ;  un  homme  efl  de- 
bout fur  l'avant  evec  fon  dard,  tan- 
dis qu'un  autre,fur  le  derrière  avec 
fon  aviron ,  conduit  le  long  dii 
rivage  le  poifîbn  qui  vient  badine^ 


27^    Mmuftir  la  dern.  Guerre 

à  la  clarté.  Ils  le  dardent  jufqu'à 
dix  pieds  au  deffous  de  la  furface. 
de  Peau ,  &  un  poiffon  de  la  groC 
feur  du  bras  ne  leur  échappe  pas. 

L'été  ks  Sauvages  s'attachent 
fur  -  tout  à  la  chaffe  du  chevreuil; 
comme  cet  animai  eft  perfécuté  par 
les  moucherons ,  les  mouftics ,  que 
nous  nommons  coufins ,  &  les 
brûlots  j  infecles  prefque  imper- 
ceptibles ,  dont  les  bois  font  rem- 
plis j,  il  cherche  le  long  des  rivie- 
îes  des  endroits  où  il  y  ait  des  giai- 
les  ;  il  s'y  vautre  dedans  ,  pour  fe. 
faire  un  enduit  qui  le  garantiffç 
de  ces  piquures..  Les  Sauvages 
çonnoinTent  ces  endroits ,  l'y  atten- 
dent à  l'aftut ,  &  en  tuent  plu- 
fieurs  dans  un  jour.  Vils  lui  don^ 
nent  chaile  dans  le  bois ,  ils  n'ont 
pas  bçfoin  de  chiens ,  la  neige  leur 
cft  favorable ,  à  caufe  de  la  pifté 
qu'ils  voyent.  Dans  les  autres  fai- 
fons ,  q^uaui  la  feuille  eft  un  peà 


de  t Amérique  Septenfr,     27 f 

aouillée  ,  &  qu'elle  ne  fait  pas  du 
iruit  lorfqu'on    y  marche   deiTus  ^ 
J'eft  le  teins  le  plus  favorable.  Un 
tauvage  reconnoît  d'abord  le  pied 
lie  l'animal ,  par  la  terre  foulée  ou 
|)ar  des  feuilles  renverfées  ;  il  juge 
n^me  s'il   eil  loin  ou    proche  ;  iî 
uit  la  piile  doucement ,  regardant 
oujours  à  droite  &  à  gauche  pour 
appercevoir  ;    il  contrefait  quel- 
juefois   le  fan.   Dès  qu'il  Papper- 
oit,  iî  s'arrête  &  ne  marche  plus 
jue  Taniaial  ne  fe  remette  à  man- 
der ;  s'il  levé  la  tête  ,   le  chaffeur 
elle  dans  Tattitude  où  il  fe  trouve  r 
1  l'approche  jufqu'à  ce  qu'il  foit  à 
Dortée  de  le  tirer.  S'il  efl:  bleffé,  il  a 
ine  fagacité    furprenante  pour  le 
fuivre  à  la  trace  du  fang  :  il  eil  très- 
rare  qu'il  revienne  fans  apporter  fa 
Iproie. 
Lorfque  les  Sauvages  font  à  por- 
tée des  Européens,  ils  traitent  avec 
sux  du  furplus  de  leur  nécefl&ir^:.. 


S78  Mém.  fur  la  dum.  Guerre 

Pour  conferver  la  chair  du  che- 
vreuil qu'ils  gardent ,  ils  lèvent  les 
plats  côtés  qu'ils  font  bien  bou- 
canner ,  après  quoi  ils  les  roulent 
comme  un  cuir  &  en  découpent 
des  morceaux.  lorfqu'ils  n'ont 
pas  de  Tiande  fi-aiche,  cela  n'eft 
point  mauvais.  Ils  confervent  tou- 
tes les  cervelles  de  chevreuil ,  pour 
pafler  leurs  peaux  ;  ce  qui  les  adou- 
cit aoffi  parfaitement  que  les  pré- 
paratioU'Sde  nos  tanneurs. Four  em- 
pêcher qu'elles  ne  fe  roidiŒent, 
loifqu'elles  ont  été  mouillées  ,  ils 
les  boucannent.  Cette  opération  fe 
fait  en  ramadant  du  bois  pourri; 
ils  élèvent  des  bûchettes  autour, 
en  forme  de  cône ,  &  les  recou- 
vrent de  ces  peaux.  Ils  mettent  le 
feu  deflbus',  qui  donne  beaucoup 
de  fumée  que  ces  peaux  reçoi- 
vent par  -  tout  ;  enfuite  pour  ôter 
l'odeur  &  la  craffe  de  la  fumée,  ils 
les  lavent.  iliesTedevienneiit  alors 


d^  l'Amérique  Septentr,     279 

jtrès  -  blanches  &  très  -  Toupies ,  & 
ne  fe  roidiffent  pas  plus  que  nos; 
peaux  paffées  à  Thuile.  ils  con fer- 
vent le  faia-doax  des  ours  dans 
des  veffies ,  parce  que  cette  graiffe 
ne  le  fige  pas ,  à  moins  qu'elle  ne 
foit  mêlée  avec  celle  des  chevreuils. 
Elle  eit  au  délias,  par  fa  délica- 
itiÏQ  ,  de  la  graille  d'oye.  On  peut 
mêaie  s'en  fervir  dans  la  falade,  qui 
eft  meilleure   qu'au  beurre. 

Un  trouve  dans  les  bois,  aux 
mois  de  Mai  &  de  Juin5du  cerfeuil  ^, 
des  petits  oignons  fort  bons3&:  des 
aulx  plus  doux  &  plus  gros  que  les 
nôtres,  ils  ont  la  forme  d'une  poi- 
re ,  &  les  Européens  s'en  ferveov 
avec  fa ccè s ,  comme  un  remède 
contre  le  Rorbut ,  que  les  Sauva^. 
ges  (a)  ne connoiffent  point  par- 


'  (  G  )  Ils  n'en  mangent  point ,  com- 
me nous,  crus.  Ils  font  cuirs  toi^ 
feurs  herbages,  ...  r 


2io  Mêm.  fur  h  dern.  Gtfêrre 

mï  eux  ,  non  plus  que  la  goutte  & 
les  rhuiiiatifaies  ,  quoiqu'ils  foyent 
toujours  couchés  à  terre ,  à  ia  pluie 
&  à  l'humidité. 

L'automne  ,  les  Sauvages  man- 
gent des  noix  &  des  châtaignes  ^ 
mais  comme  les  arbres  qui  les  por- 
tent ont  en  général  de  60  à  ^o 
pieds  de  tronc  ,  fans  branches ,  & 
qu'il  feroit  bien  difficile  d'y  mon- 
ter 3  ils  les  coupent  pour  ramaffcr 
les  fruits.  Ils  font  bouillir  les 
noyaux  dans  leurs  chaudières  ,  & 
en  tirent  de  l'huile  pour  leur  ufa- 
ge  ;  ils  mettent  volontiers  dans^ 
ces  chaudières  de  toute  efpece  de 
viandes  mêlées  avec  du  bled  d'Inde 
eoncallé  ,  dont  ils  mangent ,  fans 
la  retirer  de  deffus  le  feu.  Lorf- 
qu'ils  ont  foif ,  ils  avalent  une  plei- 
ne mikoine  de  bouillon.  Ils  boi- 
ytnt  rarement  de  l'eau  pure.  Jls 
îî'ont  point  d'heure  réglée  pour 
leurs  repas  j  ils  les  prennent  ioujÇ' 


ie  V Amérique  Sepîenîr,      i%\ 

©u  nuit ,  quand  ils  ont  appétit,   ils 
lufent  rarement  du  fel ,  quoiqu'ils 
[le  trouvent  fort  bon, 
^     Nous  n'avons  pas  encore  parlé 
delà  chafle  la  plus  abondante  de 
l'Amérique ,  celle  des  pigeons  aux- 
quels les  François  ont   donné   le 
nom  de  tourtes.  La  quantité   qu'il 
îy  en  a  depuis  le  mois  de  Mai  jul^ 
iques  en  Septembre  ,  pourroit  paC- 
ifer  pour  une  fable  \  il  en  pafTe  des 
'vols  qui  durent  deux  à    trois  heu- 
|res  de  fuite,  &  ii  épais  que  l'on 
ipeut  dire  qu'ils  font  ombre  :  cela 
[dure  toute  la  journée.   On  ne  le 
donne  pas  la  peine  de  les  tirer  au 
îfufîl  ;  on  les  tue  avec  une  longue 
!  perche  au  bouc  de  laquelle  on  a 
llaiffé  une  feuillée.  11  ell  arrivé  à 
des  particuliers  à\ïi  tuer  de  cette 
façon  des    centaines.  Ils    nichent 
dans  les  bois,  qui  en  font  couverts 
jufqu'à  quatre  lieues  de  longueur 
fur  Une    demi  -  lieue  de  largeur. 


:2  8  ^     IMem.  fur  la  dern.  Guerre 

Dès  qu'un  Sauvage  annonce  à  fon 
village  qu'il  a  trouvé  une  nichée , 
on  lui  lait  préfent  d'un  équipe- 
ment pour  cette  bonne  nouvelle  : 
tout  le  village  fe  tranfporte  dans 
le  bois  ;  hommes ,  femmes  &  en- 
fans  vont  s'y  établir,  pour  manger 
les  œufs  &  les  pigeonneaux  ,  tout 
le  tems  que  la  couvée  dure.  Cela 
arrive  dtux  fois  l'année  ,  &  on  ne 
s'apperçoit  jamais  d'aucune  dimi» 
iiution. 

Les  Sauvages  voyagent  à  pied 
ou  en  canot.  Les  voyages  à  pied 
dans  l'été  font  toujours  courts.  Les 
Iroquois  &  ceux  qui  habitent  le 
long  de  i'Ohio  ,  ont  des  chevaux 
qu'ils  ont  volés  aux  Anglois  qui  les 
tiennent  pour  paître  dans  les  bois. 
Ils  en  ont  u^i  affez  bon  nombre, 
mais  ils  n'tn  élèvent  point.  Dans 
les  voyages  à  pied  chacun  porte 
fon  paquet ,  qui  contient  tous  les 
iftenfiies  de  ménage  ^   &  dont  Ic: 


-  de  l'Amérique  Septentr,      283 

coliier  paiTe  fur  les  épaules ,  &  fur 
ie  front  aux  femmes  ,  à  caufe  de 
îeur  gorge.  Ils  campent  de  bonne 
heure.  Les  femmes  &  les  enfans  fe 
font  une  cabaue  de  feuillage  &  al- 
lument le  feu.  Les  hommes  vont  .à 
la  chaffe  pour  trouver  de  quoi  lou- 
per. Siellen'eft  pas  bonne,  ils  ie- 
journent  pour  avoir  du  moins  une 
petite  proviiîon ,  &  vivent  ainiî 
d'un  jour  à  Fautre,  hn  Sauvage 
part  fouventfeul,  pour  aller  à  60 

.00  lûo  lieues  dans  les  bois5ri'ayant 
que  foo  fufil ,  du  plomb ,  de  la  pou- 

.dre^  un  briquet ,  un  couteau  ,  foîi 

jcalTe-tête  &  une  petite  marmite. 
Lorfqueles  Sauvages  ont  quelques 

.-rivières  à  palTer  ,  ils  font  des  pe- 
tits radeaux  de  brins  de  bois  légers 

.qu'ils  attachent  avec  des  harts ,  & 
avec  un  aviron  qu'ils  font,  ou  un 
long  bâton.  Ils  le  mettent  debout 
fur  une  extrémité,  &  traverfent 
ahifi  des  rivières  auflî  grandes  que 
le  Rhône  &  le  Rhin. 


284  Mêm.furladern.  Guerre 

Les  voyages  à  pied  Tété  foni 
les  plus  fatigants ,  à  caufe  des  ma- 
rais ,  des  bas  -  fonds   pleins   d'eau 
quife  trouvent  toujours  encombrés 
de  pins  ou  de  cèdres  renverfés.  11 
s'en    trouve    fréquemment    d'un 
quart  ou  de  demi-lieue  de  largeur; 
auffi  ne    voyagent  -  ils    guère   de 
cette  façon  que  pour     la  guerre. 
Quoique  la  faifon  foit  plus  rigou- 
reufe     l'hyver  ,    on    y    a    néan- 
moins l'avantage  de  trouver  les  ri- 
vières gelées ,    &  les  bois  pleins  de 
neige,  qui  couvrent  ces  abattis.  Au 
moyen  de  leurs  raquettes  ,  quel- 
que incommodes    qu'elles   paroif- 
fent  d'abord  quand  on  n'y  efl  pas 
accoutumé  ,  ils  franchiffent  coûtes 
ces  difficultés.  Ces  raquetttes  ont  de 
4  à  5  pieds  de  longueur  ,   &  envi- 
ron deux  pieds   dans  leurs   renfle- 
mens   faits  avec    des    nerfs  d'ani- 
maux. Ils  paflentla  pointe  du  pied 
dans  un  pâton  qui  le  trouve  en- 


^  de  l'Amérique  Septentr.      28 f 

iron  aux  deux  tiers ,  formés  par 
les  courroies  pafiTées  derrière  le  ta- 
on &  defius  le  pied  ;  ils  Taffujet- 
ifîent  de  façon  que  le  talon  puilTc 
l'élever,  il  faut  marcher  en  fau- 
chant &  le  pied  fort  en  dedanSsHu- 
rement  on  s'accrocheroit.  Si  ou 
|;ombe,on  a  de  la  peine  à  fe  relever. 
Les  Sauvages  n'ont  pas  cela  à  crain- 
ire.  L'éiallîcité  de  la  raquette  vous 
3orte  en  avant  ,  &  vous  foulage 
ians  la  marche  ;  ce  qui  dédomma- 
ge de  fon  embarras.  Elle  n'entre 
pas  plus  de  4  à  5  pouces  dans  la  nei- 
ge la  plus  légère,  ils  font  auOi  des 
traînes ,  pour  porter  leurs  équipa- 
ges ,  fort  commodes.  Ce  font  deux 
raquettes  d'un  bois  dur  &  fouple  , 
de  10  à  12  pieds  de  long.  Elles  fer- 
vent à  conftruire  uneefpece  de  traî- 
neau ,  de  la  largeur  dlm  pied  à  un 
pied,&  demi,  dont  le  fond  eft  formé 
jd'une  écorce  de  bouleau  ou  de  bois 
jd'orme ,  &  le  devant  relevé  en  de- 


s  8^     Mém.  fur  la  dern.  Guerre 

m\  -  cercle  pour  fiirmonter  la  nei- 
ge, ils  y  attachent  au  defTus  leurs 
équipages.  Avec  leurs  colliers  paf- 
fés  fur  les  deux  épaules ,  ils  le  ti- 
rent après  eux ,  ou  le  font  tirer  par 
un  chien.  Ce  traiiieau  peut  porter 
%o  livres.      - 

.  Ils  campent  de  bonne  -  heure 
dans  des  fourrées .  en  fe  ménageant 
un  abri  du  côté  du  vent,  en  forme 
de  demi-toit,  avec  deux  fourches 
qui  ibutiennent  de  petites  perches 
qu'ils  couvrent  de  branchages  de 
pruche,  feuillage  plat, pu  de  joncs 
ramaffes  dans  les  marais.  Au  de- 
vant de  cet  abri  on  fait  bon  feu. 
Cet  arrangement,  tout  finiple  qu'il 
cil,  eft  préférable  à  une  tente  ou 
sanonniere  dans  laquelle  on  gele- 
roit ,  parce-  qu'on  ne  peut  pas  y 
avoir  aflez  de  communication  avec 
le  feu.  Dans  leurs  voyages ,  les 
Sauvages  fe  précautionnent  contre 
k  froid;  leurs    fouliers ,  quoique 


(k  r Amérique  Sepîentr.      ^§7. 

'unefimple  peau  paffée  ,  font  fort 
liauds,   parce  que  la  ntlgt  eft  fi. 
xhe  qu'elle  ne  donne  point  d'hu- 
îidité,  ils  s'enveloppent  les  pieds 
vec  des  morceaux  de  couverte  ,  & 
?s    côtés  du  foulier    forment  un 
rodequia  qui  empêche  la  neige 
'y    entrer:    les  pieds    geîeroient 
vec  des  fouliers    européens,   ce 
ue  plufieurs  ont  maiheureufement 
prouvé.     Les  Sauvages    ferment 
im  couverte  dans  le  bas  avec  leur 
einture  ,  &  la  font  monter  fur  la. 
ête    en    forme  de  capuchon  ;  ils 
arrangent  il  bien  ,  qu'on  ne  leur: 
écQUvre  que  le   nez  &  les  mains.. 
Is  ont  des  mitaines  de  peau  ou  de 
H':; elle,  pendues  a   leur  col  par: 
n  cordon  ;  ce  qui  vaut  mieux  que 
es  gands  ,  parce  que    les  doigts- 
fparés  font  plus  fufceptibles  de  fe 
'eier.  Us  font  des  bonnets    CCuW- 
[uarré    d'étcffe  ,  dont  ils  coufent 
n  côté  qui  recouvre  bien  le  col  & 


288    Mém^furhdern,  Gmrrt 

les  oreilles.  On  entre  dans  ces  dé- 
tails 5  parce  qu'un  pareil  ajufte- 
inent  feroit  fort  bon  pour  des  trou- 
pes qu'on  voudroit  faire  marcher 
i'hyver  ,  &  éviteroit  bien  des 
maux  au  foldat.  S'ils  s'apperçoi- 
yent  que  quelque  partie  du  col  ou 
du  corps  ait  gelé  ,  ce  que  l'on  con- 
noît  fur  le  champ  par  la  blancheur , 
ils  prennent  de  la  neige  &  s'en 
frottent  jufqu'à  ce  que  le  fang  ait 
repris  fa  circulation.  Ils  ont  atten- 
tion de  ne  poinc  approcher  le  feu  ; 
car  fi  cette  partie  dégeloit  par  la 
chaleur ,  elle  tomberoit  en  pour- 
riture. Le  plus  grand  inconvénient 
dans  ces  voyages ,  c'efl ,  au  prin- 
terns ,  la  réverbération  des  rayons 
du  foleil  fur  la  neige  ou  la  glace  ;j 
elle  eft  capable  de  faire  perdre  laj 
Yue  plufîeurs  jours  avec  des  dou-j 
leurs  fort  vives ,  à  caufe  de  l'in-i 
flammation  qu'elle  caufe  aux  yeux:! 
il  n'y  auroit  d'autre  remède  que 

l'tifagc 


de  T Amérique  Septentr,     289 

rufage  des  lunettes  de   verre  co- 
loré. 

Les  canots  d'écorce  d'orme  ne 

font  pas  d'ufage  pour  les  grands 

ivoyages;  ils  font  trop  frêies.  Lorf- 

jque  les  Sauvages  veulent  faire  un 

îcanot  d'orme  ,  ils    choifnTent    le 

|tronc  d'arbre  le  plus    net ,  dans 

jtout  le  tems  que  la  fève  dure,  lis 

ile  cernent  de  haut  en  bas  de  la  lon- 

jgueur  de  î  o ,  1 2  &  î  5  pieds  5  fui- 

lisant  la  quantité  de  monde  qu'il 

âoit  porter.  Après  l'avoir   enlevé 

tout  d'une  pièce ,  ils  en  ôtent  le 

lus  raboteux  du  dehors  de  l'écor- 

e  ,  qui  doit  faire  l'intérieur  du  ca- 

lot  :  ils  font  des  liiTes  de  la  grof- 

^eurdu  doigt,  &  de  la  longueur 

|ue  doit  avoir  le  canot,   &  eni- 

Dloyent  pour  cela  de  jeunes  chê- 

les  ou  d'autre  bois  doux  &  fort  : 

Is  paffent  les  deux  grands  côtés  de 

l'écorce  entre  deux  liffes  ;  &  des 

terceaux  auflî  de  brins  de  bois^ 

Tome  m  N 


â90  Mêm,  fur  h  dern,  Giisrre 

flennent  aboutir  dans  les  lifles  dit 
tantes  les  unes  des  autres  d'envi- 
ron deux  pieds.  Ils  coufent  les  deux 
extrémités  deTécorce  avec  des  la- 
nières tirées  de  la  féconde  écorcc 
d'orme ,  ayant  attention  de  rele- 
ver un  peu  les  deux  extrémités 
qu'on  noniaie  pinces ,  &  de  faire 
un  renflement  dans  le  milieu ,  & 
une  courbure  dans  les  côtés,  pour 
l'appuyer  contre  le  vent.  5'il  y  a 
quelques  fentes,  ils  les  coufent 
avec  ces  lanières,  les  recouvrent 
avec  des  réfines  qu'ils  mâchent ,  & 
retendent  deffus  en  l'échauffant 
avec  un  tiion.  L'écorce  avec  les 
liffes  font  arrêtées  par  ces  lanières. 
Ils  ajoutent  un  mât  d'un  morceau 
de  bois,  &  une  traverfe,  pour  fervir 
dé  vergue.  *  Leurs  couvertes  leur 
fervent  de  voile.  Ces  canots  por- 
tent depuis  trois  jufqu'à  neuf  per- 
fonnes  &  tout  leur  équipage.  Avec  j 
C€S  fréies  bâtiments  ils  entrepren- 


de  t Amérique  Septeritr,      âf  ï 

ifîent  quelquefois  des   navigations 
fur  les    lacs    d'une   douzaine   de 
lieues.  Ils  font  affis  fur  leurs  talons 
fans  fe  mouvoir,  ainii  que  leurs  en- 
[ans  ^   quand  ils  font  dedans  ;  car 
our  peu  que  l'on  perde Téquilibre, 
outela    machine  tourne;  ce  qui 
l'arrivé  cependant  très  -  rarement; 
jue  par  quelque    coup  de    vent, 
.eurs   avirons  ont  de  4  à  5   pieds* 
.a  vue  feule  d'une  pareille  voiture, 
ui  n'a   pas  trois  pouces  hors  de 
eau  9  a  liirement   de  quoi  épou- 
ranter  un  Européen.  Si  le  canot 
10 urne ,  ils  le   remettent  fur  fon 
pnd  en  nageant,  &  remontent  de- 
ans  par  une  des  pinces.   Lorfqu'ils 
jbordent,  ils  ont  grande  attention 
le  ne  pas  le  laiOer  échouer,  par- 
e  qu'il  s'écraferoit  ;  iis  le  portent 
I  terre ,  &  le  remettent  à  flot  pour 
p  rembarquer.  Ils  fe  fervent  parti- 
luliérement  de  ces  bâtiments  dans- 
rurs  partis  de  guerre    Ils  en  font 
N  a 


292    Mém.  fur  la  dern.  Guerre 

par -tout  où  ils  ont  des  rivières  i 
defcendre  ou  à  remonter. 

Les  canots  faits  d'écorce  de  bou- 
leau font  bien  plus  folides  &  plus 
artiftement  faits.  La  carcaffe  de  ces 
canots  eit  foite  avec  des  languettes 
de  bois  de  cedre,  qui  eft  fort  doux 
&  qu'ils  rendent  auffi  mince  que 
les  languettes  de  fourreau  d'épée, 
larges  de  crois  à  quatre  doigts.  El- 
les le  touchent  toutes  les  unes  avec 
les  autres,  (&  vont  aboutir  en  poin- 
te entre  deux  liffes.  Cette  carcaife 
eft  recouverte  d'écorces  de  bou- 
leau ,  coufues  enfemble  comme  des 
peaux  3  arrêtées  entre  les  deux  lif- 
fes 5  &  ficelées  tout  le  long  des  lif- 
fes '  avec  la  féconde  écorce  de  la 
lacine  du  cedre ,  comme  nous  en* 
tortillons  nos  ofîers  autour  des  cer- 
cles des  tonneaux.  Toutes  les  cou- 
tures &  les  trous  font  couverts 
avec  de  la  réfine  mâcliée  ,  comme 
ils  le  pratiquent  pour  ceux  d'orme 


de  V Amérique  Septentr.      295 

On  y  met  des  traverfes  pour  le  con- 
tenir, qui  fervent  de  bancs ,  &  une 
longue  perche  ,  qui  prend  de  l'a- 
vant à  l'arriére,  dans  les  gros  tems, 
pour  empêcher  d'être  brifé  par  les 
îecouffes  du  tangage.  11  y  en  a 
de  3,  de  ô",  de  12,  jufqu'à  24 
iplaces  ;  ce  qui  eft  défigné  par  les 
Ibancs.  Les  François  font  prefque 
les  feuls  qui  fe  fervent  de  ces  ca- 
inots  pour  leurs  grands  voyages. 
[Ils  portent  jufqu'à  trois  milliers  : 
iquatre  hommes  peuvent  les  por- 
jter  dans  les  portages  ;  deux  hom- 
mes fuffifent  aux  autres.  Ces  pe- 
tits bâtiments  elTuyent  des  coups 
de  vent  qui  embarrafleroient  bien 
ides  vaiffeaux.  On  doit  feulement 
iprendre  garde  à  ne  pas  les  laiiïer 
I  échouer.  S'il  s'y  fait  des  trous ,  om 
porte  avec  foi  des  écorces  pour  y 
mettre  des  pièces.  Ce  bâtiment 
fert  auffi  de  cabane  ;  on  en  relevé 
un  coté  p  qu'on  appuyé  fur  unoE 
N  3 


S^4  Mêm.  fur  la  dern.  Guerre 

deux  avirons  ;  enfuite  on  fe  coa- 
che  deiTous  à  l'abri  du  vent,  t'eft 
le  cabanage  ordinaire  dans  les 
voyages  Se  à  la  chaffe. 

Si  l'homme  a  été  créé  pour  être 
le  m:^jtre  de  la  terre  ,  on  peut  di- 
re qu'il  ne  paroit  l'être  véritable- 
ment que  dans  cette  partie  du 
monde  :  n'étant  allujetti  qu'à  fes 
Yolontés,  fans  loi  qui  le  géoe; 
pouvant  iàtisfaire  à  tous  fes  belbins, 
qui  font  peu  nombreux ,  il  vit 
réellement  libre,  i'our  le  malheur 
des  Sauvages^  nous  fommes  arri- 
vés chez  eux ,  &  nous  leur  avons 
appris  à  fe  fervir  de  nos  étoffes  pour 
leurs  habillemens.  Ils  ne  fauroient 
àpréfent  fepaffer  de  la  poudre  & 
de  l'eau  -  de  -  vie  ,  fans  que  la  ma- 
jeure-partie ne  pérît.  Cette  né* 
ceffité  les  fait  relier  tranquilles,  % 
l'égard  des  Anglois  qu'ils  n'aiment 
pas  &  qu'ils  méprifent,  parce -que 
leurs  négociants  s'efForcent  de  les 


de  t Amérique  Septentr.      2  9  f 

tromper.  Les  Sauvages  avoient  au- 
trefois des  ufages  &  des  uftenfiles 
auxquels  ils  auroient  bien  de  la 
peine  à  s'accoutumer  aujourd'hui. 
Ils  faifoient  de  la  poterie ,  ils  ti- 
roientle  feu  du  bois  ;  &  leurs  flè- 
ches fourniflbient  à  leur  nourritu- 
re. Ils  fabriquoient  des  aiguilles 
&  des  hameçons  avec  des  os  de 
poiffbn.  Le  nerf  des  animaux  leur 
ïert  à  coudre;  ils  le  féchent,  le 
battent ,  &  en  le  divifant  ils  cii 
tirent  un  iîl  auffi  fin  qu'ils  veulent. 
Leurs  femmes  font  adroites  &  in- 
du ftrieufes  à  donner  de  l'agrément 
à  leurs  ajuftemens. 

Lorfque  le  Sauvage  a  de  quoi 
manger  ,  fes  befoins  font  fatisfaits, 
il  ne  fonge  alors  qu'à  jouer  ,  fu- 
mer, ou  à  dormir,  ne  fe  mettant 
pas  en  peine  du  lendemain.  A 
moins  que  quelque  fujet  ne  ré\^eil- 
le  fes  idées ,  ii  ne  penfe  à  rien.  11 
eft  d'une  tranquillité  &  d'une  pa- 

N  4 


29^  Mèm,furïa  dern.  Guerre 

tience  extrême  ;  ce  qui  le  fait  pa- 
roître  mélancolique.  L'habitude 
d'être  feui  Se  ifoié  peut  contribuer 
à  cela  ;  mais  elle  efl  fi  fort  dans  fa 
nature,  que  le  Sauvage  le  mieux 
traité  &  logé  le  plus  fuperbement, 
s'ennuyeroit  au  bout  d'un  mois  à 
en  périr ,  s'il  ne  pouvoit  courir  les 
bois  &  mener  fon  genre  de  vie  or- 
dinaire :  répreuve  en  a  été  faite. 
Il  ne  penfe  qu'à  fa  chaiTe  ,  aux  en- 
nemis de  fa  nation  ,  &  ne  s'occupe 
que  des  moyens  de  fe  maintenir 
tranquille  fur  fa  natte,  c'eft-à- 
dire,  dans  fon  pays.  11  n'a  aucune 
idée  de  ce  que  nous  nommons 
proprement  ambitmi  :  il  ne  con- 
voite jamais  ce  qui  appartient  à 
autrui  ;  fa  feule  ambition  eft  d'ê- 
tre reconnu  pour  un  grand  chaf- 
feur,  &  un  homme  redoutable,  qui 
a  tué  beaucoup  de  monde.  Si  un  | 
Européen  veut  lui  raconter  la  puif- 
fence  du  roi  de  France ,  ou  du  roi 


ie  t Amérique  Sepfsntr.     î^97 

|d' Angleterre ,  il  écoute  très  -  atten- 
tivement ce  qu'on  lui  dit  ;  enfuite 
iilvous  demande  très  -  froidement, 
jeft-il  bon  chalTeur  ?  a-t-il  tué 
beaucoup  d'ennemis  ?  Si  on  lui 
jaffure  qu'il  a  été  à  la  guerre  &  qu'il 
tire  bien  5  oh!  s'écrie -t» il ,  c'eft 
un  homme.  C'eft  là  le  plus  grand 
sloge  que  les  Sauvages  puiffent 
ionner.  Ils  font  fort  hofpitaliers  ; 
S  on  entre  dans  leur  cabane  ^  on 
peut  tout  prendre  dans  leur  mar- 
3iite  5  &  en  manger ,  fans  qu'ils  y 
:rouvent  à  redire.  Ils  vous  offrent 
::e  qu'ils  ont  de  meilleur  ,  &  le  pri- 
rent même  de  leur  néceffaire,  pour 
e  donner  à  un  étranger.  Cela  ell 
réciproque  ;  ils  s'imaginent  qu'on, 
le  peut  rien  leur  refufer.  Chez 
quelques  nations  on  vous  offre  jof- 
]u'à  des  femmes ,  pour  que  vous 
levons  ennuyiez  pas, 
j  Ils  penfent  que  le  maître  de  la 
rie  les  ayant  fait  naître  fur  la  terre 
/    N  f 


35  8     3^êm.  fur  la  dern,  Guerre 

qu'ils  habitent ,  perfonne  n'eft  cfi 
droit  de  les  troubler  dans  leurs  poC- 
feffions.  Comme  ils  ne  connoif- 
fent  aucune  propriété  territoriale  ^ 
ils  jugent  que  tout  le  pays  leur  ap- 
partient en  commun»  &  qu'une 
terre  où  ils  habitent ,  &  où  font  les 
os  8c  Perprit  de  tous  leurs  ancêtres, 
eft  (acrée  &  inviolable.  Ils  croyent 
qu'ils  ne  peuvent  la  quitter ,  fans 
aller  prendre  celle  de  quelqu'autre , 
qui  feroit  en  droit  de  les  en  chat 
fer.  Ce  fentiment  né  avec  eux  les 
rend  très  -  délicats  fur  cet  objet  l  & 
c'eft  toujours  un  fujet  de  guerre , 
quand  quelque  nation  vient  chaf- 
fer  chez  une  autre.  Les  voyageurs 
fauvages  ont  même  l'attention  de 
laiflfer  les  peaux  des  bêtes  qu'ils 
tuent  fur  le  territoire  d'une  nation 
étrangère,  fufpendues  à  des  ar- 
bres  5  pour  qu'elle  en  profite.  C'eft 
donc  bien  mal  -  à  -  propos  que  les; 
^nglois   di-feat    avoir    acheté    d« 


ie  t Amérique  Septenfr,     259 

quelqu'un    d'eux    plufieurs  pays, 
jLes  Européens  n'ont  été  foufferts 
'dans  les  premiers  tems  ,  que  par- 
ce qu'ils  fefont  d'abord  préfentés 
I comme  des  êtres  bienfaifans,  qui, 
'  pofledant  tout  ce  qu'ils  pouvoient 
defirer,  venoient    le  leur   offrir  ^ 
les  tirer  de  la  niifere  &  leur  fournir 
!  leurs  befoins.  A  ce   feul  titre  ^  ils 
1  en  ont  été  reçus  ;  ils  fe  font  enfuite 
!  offerts  à  les  foutenir  contre  des  na- 
tions avec  lefquelles  ils  etoient  en 
guerre,  &  ont  été  regardés  com- 
me des  bienfaiteurs  &   des  ami?. 
Mais  lorfque  les  Européens  foni 
venus  en  force  ,  ils  ont  obligé  le^ 
Sauvages  de  leur  céder  les  terres 
dont  ils  avoient  befoin.  Ceux-ci 
fe  trouvant  alors  trop  gênés  pour 
la  chaffe,  fe  font  retirés  dans  l'inté- 
rieur ^  <&  fe  font  vus  forcés  de  cher* 
cher  un  afyle  chez  d'autres  nations 
qui  les  ont  reçus  par  charité  3.  &  let 
eat  incorporés  à  elles.  Depuis  c§ 


300  Mêm,  fur  la  dern,  Gtierre 

tenis  5  ils  ont  confervé ,  fur  -  tout 
les  Loups  de  la  Belle  -  Kiviere  {a)  , 
une  inimitié  qu'ils  font  reffentii: 
aux  Angiois  toutes  les  fois  qu'ils 
le  peuvent. 

Les  François  n'occupant  que  les 
bords  du  fleuve  St.  Laurent,  n'ont 
pas  gêné  les  Sauvages  jufqu'à  pré- 
ïent^qui  ont  confervé  tout  l'intérieur 
des  terres  ;  ils  ont,  au  contraire,  af- 
fedé  de  les  conferver  parmi  eux  au- 
tant qu'ils  ont  pu,par  l'établiffement 
des  villages  chrétiens.  Outre  l'a- 
vantage de  la  propagation  du  chrif- 
tianifme  ,  cette  idée  étoit  fort  bon- 
ne ,  parce  que  le  bien-être,  que  les 
bontés  du  roifaifoient  trouver  aux 
Sauvages ,  attiroit  à  notre  nation 
leur  eitime  &  leur  amitié.  Les  An- 

(a)  Ce  font  eux  qui  fouleverent, 
en  175^  &  1764,  prefque  tous  les 
peuples  d'au  delà  des  Apalaches  , 
contre  les  A ngloi-, auxquels  ils  firent 
ijne  cruelle  guerre. 


de  l'Amérique  Sepîe^ttr,     sqi 

glois  font  aujourd'hui  très  -  fâchés 
I  de  n'avoir  pas  fu  les  ménager  dans 
les  commencemens  de  leurs  éta- 
bliiTements. 

I  Les  Sauvages  regardent  eommi 
leurs  chefs  les  aînés  de  la  premier© 
branche  de  leurs  nations.  Quel- 
ques-unes leur  laiffent  un  peu 
plus  d'autorité  que  d'autres.  Eli© 
va  jufqu'à  s'en  laiiïer  battre ,  fans 
qu'ils  cherchent  à  fe  venger  ,  ce 
qui  eft  très  -  rare.  Telle  eftla  na- 
tion des  Loups  de  Theaogen,  Tous 
les  droits  de  prééminence  fe  ré« 
duifent  à  cela  ;  d'ailleurs  ils  n'ont 
que  celui  d'infinuation  ou  d'ex- 
hortation. Si  quelqu'un  ne  veut 
pas  faire  ce  qu'on  lui  dit ,  ils  n'ont 
aucun  moyen  de  le  contraindre. 
Ce  chef  leur  fert  feulement  de 
point  de  réunion  ,  pour  les  con- 
feils  ou  les  déhbérations ,  &  c'eft 
en  fon  nom  que  la  nation  parie 
dans  les  affaires  publiques.    Les 


302  Mm,  fur  la  dern.  Guerre 

jeunes  gens  ont  tous  un  refped  & 
une  déférence  très  -  exemplaire 
pour  leurs  parens  &  leurs  anciens  : 
il  les  porte  à  déférer  très  -  voloa- 
tiersà  tout  ce  qu'ils  leur  difent  ou 
leur  infinuent;  ils  leur  obéiflent 
fans  murmurer,  &  font  toutes  les 
corvées  fans  fe  plaindre.  Dans  les 
Toyages  ,  les  jeunes  gens  fe  char- 
gent, lansrien  dire,  du  foin  defai-  ï 
re  les  cabanes ,  &  d'aller  chercher  jl 
le  bois,  tandis  que  les  vieux  fu- 
ment tranquillement. 

Aucune  idée  de  métaphyfique 
&  de  morale  n'entre  dans  la  tête 
des  Sauvages;  ils  croyent  ce  qu'on 
peut  leur  dire  fur  ces  matières , 
fans  en  avoir  une  perfuafion  intime;, 
ils  difent  qu'ils  n'ont  pas  aflezd'et 
prit  pour  co-mprendre  les  chofes 
qui  font  de  fimple  raifonnement. 
D'après  celajOn  doit  imaginer  cju'ils 
font  d'affez  mauvais  chrétiens, 
Lorfqu'un  miffionnaire  leur  parle- 


de  V Amérique  Sepfenîr.     30 S 

\âe  la  Trinité ,  de  rincarnatioii  du 

Iverbe,  ils    répondent    tranquille- 

Inient  :  ces  choies  font  bonnes  pour 

vous  autres  qui  avez  de  l'efprit; 

'mais  nous    n'en  avons  pas    affez 

ipour  en  être   perfuadés  ;  nous  It 

:  croyons ,  puifquc  tu  nous  le  dis. 

Ils  comparent  la  Trinité  à  un  mor- 

'  ceau  de  lard  où  fe  trouve  la  chair  g 

la  graiiTe  &  la  coine>  trois  chofes 

diftindes   qui  ne  forment  que  le 

même  morceau.  Les  miinonnaires 

leur  ont  perfcadéCa)  que  Judas 

avoit  le  poil  rouge ,  &  que  les  An» 

glois  5  qui  font  généralement  de  ce 

poil ,  font  de  fa  race  ;  ce  qui  eft 

une  raifon  de  plus  pour  les  haïr. 

Le  roi  ayant  fait  pafler  avec  les 
premiers  colons  3  des   prêtres  ^  des 


(û)  L'auteur  attribue  mal  à  pro- 
pos à  tous  les  millionnaires  en  gêné-" 
rai,  un  difcours  qui  ne  peut  avoir 
été  tenu  que  par  quelques-uns  d'eux^. 
■©u  par  quelqiies  caureurs  de  bois» 


304  Mêin,  fur  la  dern,  Gkierre 

miffions  étrangères  ,  des  fulpiciensî' 
des  récollets  &  des  jéfuites ,  ces 
miffionnaires,qui  fe  trouvoient ,  au- 
tant qu'ils  pouvoient,  dans  toutes 
les  traites ,  invitoient  les  Sauvages 
à  venir  s'établir  dans  un  endroit 
qu'ils  leur  défignoient,  où  on  les 
logeroit,  lesnourriroit,  les  habil- 
ieroit,  &  où  ils  trouveroient  tous 
leurs  befoins.  Plufieurs  par  parefle 
s'apprivoiferent ,  pour  venir  profi- 
ter de  ce  bien  -  être ,  &  fe  fourni- 
rent volontiers  à  être  inilruits.  Si 
on  ne  leur  eût  rien  donné,  & 
qu'ils  n'euiTent  pas  trouvé  un  avan- 
tage décidé  à  prendre  ce  parti ,  on 
en  auroit  eu  bien  peu  :  on  en  peut 
juger  par  le  petit  nombre  que  l'on 
en  a  attiré  ,  malgré  toute  l'aifance 
qu'on  leur  a  procurée.  Leur  indiffé- 
rence à  croire  ou  h  ne  pas  croire 
les  y  a  déterminés,  comme  auilî 
les  promeifes  de  la  vie  à  venir. 
Leurs  enfants  élevés  dans  h  reli- 


de  P Amérique  Septenfr.     sof 

gion  chrétienne  fuivent  l'exem- 
jpie  de  leurs  pères ,  &  à  moins  qu@ 
leurs  paillons  ne  les  obligent  d'a- 
bandonner les  miffions ,  ce  qui  ar- 
|rive  continuellement ,  ceux  qui  y 
jreftent  fuivent  avec  beaucoup  de 
idécence  les  cérémonies  de  la  re- 
ligion. Il  ed  très- édifiant  de  les 
jvoir  dans  Téglife  ,  les  hommes 
d'un  côté,  les  femmes  de  l'autre, 
toujours  à  genou  ,  d'un  air  recueil- 
li plus  qu'aucun  capucin ,  ne  par- 
lant jamais  entr'eux,  ne  tournant 
jamais  la  tête,  l  es  femmes  très- 
enveloppées  chantent  avec  les 
hommes  à  deux  chœurs ,  les  Drie- 
res  de  l'églife  que  leur  ont  traduites 
les  niiflionnaires,  &  qu'ils  ont  ap- 
prifes  de  mémoire.  Leurs  chants 
font  doux  &  harmonieux  ;  on  n'y 
entend  point  de  difcordance,  com- 
me dans  nos  villages.  A  l'égard 
des  facremens ,  ils  en  ufent  autant 
que  le  veulent  leurs  miffiomiaires  ^ 


ic€   M êm,  fur  la  dern,  Gtierri 

&  fe  fou  mettent  facilement  auî 
pénitences  particulières  &  publi. 
ques  qu'ils  leur  inipofent  ;  car  il! 
y  ont  un  peu  rappelle  les  règles  de 
la  primitive  égiife.  Les  Sauvageil 
payent  exadement  la  dîme  de  leur!] 
bleds  de  Turquie  &  de  leurs  pelle- 
teries, à  laquelle  les  miflîonnaires 
les  ont  fournis. 

L'ivrognerie  n'eft  pas  moins 
cependant  le  vice  dominant  de  ces 
nouveaux  couvertis.  L'obligation 
de  garder  des  femmes ,  qu'ils  n'ai- 
ment point,  eftla  feule  chofe  qui 
les  fatigue  le  plus  ;  aufli  beaucoup 
abandonnent  les  millions  pour  re- 
tourner dans  leurs  villages  ,  afin 
d'y  vivre  en  liberté.  On  peut  dire 
en  général  qu'ils  ont  acquis  un  peu 
d'humanité,. &  un  attachement  par- 
ticulier pour  les  François ,  com- 
me étant  de  la  même  religion,  ou 
de  la  même  prière ,  parce  qu'ils 
font  une  différence  du  catholicifme 


de  f  Amérique  Sepîentr,     §07 

d'avec  la^religion  angloife.  Les  pré- 
jtres  ont  eu  attention  de  leur  per- 
Ifuader  que  celle  -  ci  n'étoit  preique 
Ipas  chrétienne.  Si  les  Sauvages 
iqui  ont  embralTé  notre  culte  fonfe 
[devenus  plus  humains ,  on  doit 
lavouer  qu'ayant  eu  dès -lors  plus 
de  coirniiunication  avec  nous,  ils 
iont  auffi  été  infedés  de  nos  vices 
idavantage  que  les  autres  moins  ex- 
ipofés  à  la  contagion. 

i  ous  ces  faits  font  dans  la  plus 
jexade  véritéiil  elt  fâcheux  qu'ils  ne 
foyent  guère  conformes^aux  récits 
exagérés  des  millionnaires.  Le  petit 
nombre  de  Sauvages  qui  fe  font 
convertis  depuis  environ  180  ans 
que  nous  occupons  ce  vafte  conti- 
nent ,  eft  une  preuve  de  leur  indif- 
férence fur  la  religion.  On  a  beaa 
les  prêcher,  ils  écoutent  très-tran- 
quillement &  fans  humeur ,  mais 
ils  reviennent  toujours  à  leur  pro- 
pos ordinaire  5  qu'ils  n'ont  pas  a& 


508     Mèm.furh  dern.  Guern 

fez  d'efprit  pour  croire  &  fuivre  ce 
qu'on  leur  dit ,  que  leurs  pères  ont 
vécu  comme  eux ,  &  qu'ils  adop- 
tent leur  manière  de  vivre.  Quand 
ils  ont  tué  quelques  prêtres  ,  cela 
n'a  jamais  été  en  haine  de  leurs 
dogmes ,  mais  parce  qu'ils  les  re- 
gardoient  comme  étant  d'une  na- 
tion ennemie» 

Nous  avons  dit  que  le  roi  fai- 
foit  tous   les    fraix    des    miffions. 
Lorfque  les  Sauvages  s'y  font  trou- 
vés mal  à  Paife ,  à  caufe  des  trop 
grands  défrichemens  ,  ils  ont  de- 
mandéàfe  tranlporter  dans  des  en- 
droits plus  éloignés.  Le  roi  a  fait 
les  frais  de  ces  nouveaux  établiffe- 
mens ,  &  ks  miffionnaires  ont  cé- 
dé leurs  anciens  villages  aux  Eu- 
ropéens ,  en.  s'en  réfervant    la  fei- 
gneurie.  ils  ont  acquis  par  là  dans  | 
ie  Canada  la  propriété  de  huit  vil-  , 
lages  fur  dix  :  tous  ceux  de  l'isle  \ 
de  Mont  -  Real ,  &  la  ville  de  ce 


de  V Amérique  Septenîr.     305 

jiom  font  ainfi  devenus  des  poiTeC 
lions  des  Sulpiciens. 
!    Il  n'y  a  point  de  nations  con- 
bues ,  qui  n'ayent  entendu  parler 
lie  notre  religion  ,  &  plufieurs  fe 
prouvent  même  à  portée  d'en  voir 
l'exercice  ;  ils  la  refpedent  tous  à 
leur  manière.  Les  Sauvages  ont  une 
pfpece  de  vénération  pour  nos  prê- 
tres, qu'ils  appellent  to  Pères  de  la 
prière,  parce  qu'ils  eftiment leurs 
Imœurs ,  &  à  caufe   des  difcours 
Ique  ceux  -  ci  leur  tiennent  ;  ils  les 
iregardent  comme  des  hommes  uni- 
iquement  occupés  à  prier  l'Etre  Su- 
prême. 

1  Ces  peuples  de  l'Amérique  n'ont 
point  une  idée  bien  diftinde  de  cet 
Etre  infini  ;  ils  ne  lui  rendent  point 
de  culte,  &  le  défignent  par  le  nom 
de  Maître  de  la  vie.  Ils  croyent 
que  c'eft  de  lui  que  dépendent  tous 
ks  événemensa&  qu'ils  ne  peuv'ent 
réuffir  dans  aucune  entreprife  3  fan» 


s  10  Mêm.  fur  la  dern.  Guerre 

qu'il  le  veuille.  A  leurs  difcourl 
on  imagineroit  qu'ils  font  fatalit 
tes  ;  ils  croyent  qu'il  y  a  des  et 
prits  méchans  qui  caufent  les  évé- 
îiemens  finiftres  &  tout  ce  qui 
leur  paroît  extraordinaire.  Ils  leur 
donnent  le  nom  de  Manitous.  La 
mer,  les  lacs,  les  rivières,  tou- 
tes les  chofes  créées  ont  leur  Ma- 
nitou ;  c'eit  à  ces  efprits  nialfaifans 
qu'ils  font  des  offrandes  ou  des  fa- 
crifices.  S'ils  font  affaillis  par  un 
coup  de  vent  fur  un  lac ,  &  qu'ils 
foyent  en  péril ,  ils  jettent  du  ta- 
bac, ou  quelque  meuble  ou  uften- 
file  j  pour  appaifer  le  Manitou  du 
lac.  ils  en  agilfenfc  de  même  quand 
ils  pafTent  un  rapide  difficile.  Lorf- 
qu'ils  vont  à  la  chaffe  ou  à  la  guer- 
re 5  pour  avoir  du  fuccès ,  ils  font 
une  efpece  de  facrince.  Il  confiftc 
à  dreffer  un  pieu  auquel  ils  fufpeu- 
dent  un  chien  tué  ,  ou  un  autre 
animal,  des  plumes^    du  tabac? 


âe  P Amérique  Septenîr,     31 1 

lU  ce  qui  leur  vient  en  idée  :  c'eft 
I  quoi  aboutiffent  toutes  leurs  cé- 
iémonies  de  religion,  ils  font  très- 
Uperftitieux.  Tout  ce  qui  leur  pa- 
pît  de  mauvaife  augure  elt  ca pa- 
le de  leur  faire  rompre  un  parti 
,e  guerre,  quand  même  ils  au- 
oient  fait  quelques  centaines  de 
!eues  5  &  qu'ils  feroient  à  portée 
le  frapper  ;  il  en  eO:  de  même  pour 
ine  partie  de  chaiïe  ou  autre  chofe. 
Is  appellent  prier ,  faire  la  mè* 
'ecine. 

L'habitude  d'être  feuls  doit  leur 
donner  celle  de  rêver  ;  ce  qu'ils 
ppellent  jongler.  Un  homme  ou 
me  femme  qui  fe  trouve  dans 
:;ette  diipoiltion,  s'enveloppe  dans 
a  couverte  &  y  reite  fort  long- 
iems.  Leur  imagination  s'échauiFe» 
fe  faifîs  d'enthoahafme  ils  croyent 
^oir  les  événemens  futurs ,  &  les 
iunoncent  avec  confiance.  A  la  vé- 
iié  fouvent  leur  prophétie  ne  fs 


^  ï  !S  3ïêm.  fur  la  déni.  Guerre 

réalife  pas,  mais  auffi  plus  d'une 
fois  ils  devinent.  Les  Européens 
qui  ont  été  parmi  eux  racontent 
à  ce  fujet  des  chofes  furprenantes. 
Kous  rapporterons  deux  faits  qui 
font  bien  connus  dans  l'arméefran- 
çoife.  £n  1756,  M.  Dupleffis,  com-j 
mandant  à  JNiagara  ,  envoya  un 
parti  de  2^  Miffifakes  à  Choue- 
gen  ;  les  femmes  relièrent  fous  lei 
fort.  Elles  s'affembloient  tous  les 
foirs  pour  faire  la  médecine;  une 
vieille  chantoit,  les  autres  répon- 
doient  en  chœur  :  les  officiers  al- 
loient  voir  cette  cérémonie.  Au 
bout  de  fix  à  fept  jours ,  on  leur 
demanda  pourquoi  elles  ne  fai- 
foient  plus  la  médecine;  la  vieille 
répondit  que  leurs  gens  s'étoient 
battus ,  qu!elle  l'avoit  jonglé ,  & 
qu'ils  avoient  tué  du  monde.  Un 
officier  qui  connoiflbit  ces  jongle- 
ries écrivit  fur  le  champ  le  jour 
qu'elle   délîgnoit.  Lorfque  le  parti 

fu* 


de  I^ Amérique  Septentr,     3  ï  | 

fut  revenu ,  il  interrogea  les  Sauva- 
i  ges  &  les  prifonniers  ;  leur  réponfe 
Ifiit  conforiTie  au  récit  de  la  vieille. 
|I1  y  a  aia  moins  oo  lieues  de  Nia- 
Igara  à  Chouegen  ,  &  il  n'étoit  ve* 
îiii  perfonne  par  eau  ni  par  terre. 
1  ;3  Sauvages  avoient  perdu  deux 
hommes ,  enlevé  douze  chevelu- 
i: D ,  5d  amené  trois  charpentiers 
jde  bâtimens,  priiboniers.  En  17^ Sa 
!vers  le  mois  de  Mars  3  M.  de  Vao- 
d;cuii  envoya  on  gros  parti  d€  Sau- 
v:;ges  domiciliés  à  Carrillon.  Les 
Siiiv^r^es  arrivés  au  fort ,  furent 
voir  le  commandant  &  le  prièrent: 
ô:  leur  donner  quelques  vivres, 
:ce  qu'ils  vouloieat  fe  repofer 
:iques  jours  ^  avant  de  partir 
or  le  fort  Georges,  Etant  retour* 
:o.3  à  leur  "caiïipemeni  5  un  d'eux 
i:  00:  à  jongler  &  dit  que  les  An- 
o:o;s  étoieiit  tout  près  du  fort 
C:^iTillon;  qu'il  falioit  partir  tout 
c:  laite  pour  les  aller  attaquer  :  les" 
Tome  IIL  .O 


514.     Mem.  fur  la  dern.  Guerre 

autres  déférèrent  à  cette  infpira- 
tion  &  retournèrent  chez  le  com- 
mandant pour  l'avertir  qu'ils  vou- 
loient  partir  le  lendemain  ,  comp- 
tant de  trouver  un  parti  anglois. 
Le  commandant  5  quoiqu'étonné  de 
leur  làéQ ,  en  fut  bien  aife  pour  fe 
débarraffer  d'eux.  Plufieurs  officiers 
&  foidats  voulurent  être  de  la  par- 
tie ;  ils  n'eurent  pas  fait  trois  lieues, 
qu'ils  découvrirent  les  traces  des 
iinglois  fur  le  lac\  qui  étoit  enco- 
re gelé,  venant  du  côte  de  car- 
rilion.  lis  fuivirentces  piftes  :  leurs 
découvreurs  virent  de  deffus  uu 
mamelon  dans  le  bois ,  les  An- 
glois, qui  defcendoientdans  un  bas- 
fonds  qui  étoit  entr'eux  ,  au  nom- 
bre  de  ^50.  Les  découvreurs  aver- 
tirent leurs  gens,  qui,  ayant  bientôt 
joint  les  ennemis ,  les  attaquèrent 
dans  le  tems  qu'ils  cominençoient 
à  fortir  du  vallon.  Il  ne  s'en  lau- 
va  pas  huit;  c'étoient  tous  de  vo- i 


de  T Amérique  Septenfr.      3  r  f 

ilontaires  avec  des  officiers ,  aux  or- 
J3res  de  Kober  Roger.  Tout  fut 
pé ,  &  on  fit  peu  de  prifonniers, 

1  Prefque  dans  chaque  village  il 
jjT  a  des  jongleurs  en  titre  ;  ils  fone 
|iu(îi  médccinSsOO  plutôt  vrais  char- 
latans, ils  s'enferment  feuls  dans 
inie  cabane,  où  ils  fe  démènent 
tomme  des  poiTédés.  Enfortantils 
ilébitent  leurs  prophéties.  C'eft  or- 
'^':iairement  for  le  fort  d'un  ma- 
:.  -2,  fur  celui  d'un  parti  de  guer- 
e  ou  de  chaiTe,  Dans  le  preniier 
:a3  5  ils  diront  que  le  Manitou  de 
:i  maladie  demande  un  feftin,  dont 

2  réfuitat  eft  de  s'enivrer  ;  enfuite 
1  donne  un  remède.   S'il  produit 

mauvais  eitet,  le  foi-difant  mé- 

în  eft  quelquefois  bien  battu  ou 

^ ,  parce-  que  les  Sauvages  font 

::és  d'avoir  été  dupés.   Chaque 

-.mille  a  fes  remèdes  particuliers  ; 

lais  ces  jongleurs  en  ont  auiTi  de 

res-^boos.  Us  connoiffent  des  pian- 

O  z 


3 1 5  Mm,  fur  la  dern.  Guerre 

tes  admirables,  fur-tout  pour  les 
bleUures.  Ti  eit  certain  qu'à  moins, 
qu'il  n'7  ait  des  os  caOes,  aucun 
chirurgien  ne  les  pourroit  traiter 
plus  fïu'ement,  avec  moins  de  fa- 
çon &  plus  promptement.  Ils  con- 
iioifient  une  jurande  quantité  de 
plantes ,  de  racines  &  d'écorces 
d'arbres,  qu'ils  employent  très-uti- 
lement. Depuis  que  les  Européens 
font  dans  l'/lmérique  ,  ils  ne  fe  font 
pass  affez  appliqués  à  fe  faire  mon- 
trer ces  remèdes  qui  feraient  d'un 
V  très-bon  ufage  dans  notre  méde- 
cine. 11  efî  vrai  que  les  Sauvages 
font  très-jaloox  de  conferver  pour 
eux  leurs  recettes  ;  mais  avec  le 
teois  &  des  préfens ,  on  auroit  pu 
venir  à  bout  de  leur  arracher  leurs 
fecrets.  Ils  -fe  guéviiTent  de  toutes 
les  maladies  vénériennes  les  pins 
invétérées,  fans  mercure,  ils  oiit 
une  racine  qui  vient  comme  les; 
plus  gros  navets.  Se  qui  fait  jeter 


dot  Amérique  Sepfentr.      317 

les  abcès  intérieurs  ;  elle  fe  repro- 
duit de  bouture  &  croît  dans  les 
endroits  humides  ou  un  peu  ma- 


récageux. 


D'autres  plantes  guériffent  les 
coupures  (a)  aiifîi  vite  que  le  meil- 
leur baume  ;  celle  qu'ils  nomment: 
anis  3  &  qui  en  a  le  goût  5  eit  excel- 
lente. Les  maladies  auxquelles  ils 
font  le  plus  fiijets  ,  font  les  pleuré- 
fies 5  les  fluxions  de  poitrine,  8c 
les  maladies  de  confoniption  oc- 
cafionnées  par  la  quantité  d'eau- 
de-vie  qu'ils  boivent.  Quoiqu'ils 
aiment  la  coniervation  de  leur  être, 
on  peut  dire  qu'il  n'y  a  point  à'Q£- 
pece  d'hommes  qui  craigne  moins 
la  mort ,  qu'ils  regardent  comme 


(a)  Ld,  plante  qui  les  guérit  eft 
nommée  parle  P.  Chadevoix  ,  plants 
vnwcrjcde.  Ses  feuilles  broyées  refer- 
mène  toutes  forces  de  playcs.  Ces 
feuilles  font  de  la  largeur  de  la  main 
h  ont  la  .figure  d'une  fieur  ds  lys. 


3  ï  8     Mêm.ftîT  la  dsrn.  Suerre 

un  paflage  à  une  autre  vie.  Dès 
qu'ils  fe  fentent  fur  leur  fin,  ils 
chantent  leur  chanfon  de  mort ,  ju& , 
qu'à  ce  qu'ils  ne  puiffent  plus  par- 
ler. Cette  chanfon  eft  une  efpece 
de  complainte  que  chacun  fait  à  fa 
fantaifie;  mais  toutes  fur  le  mê- 
îîie  ton. 

Lorfqu'un  Sauvage  eft  mort,  on 
îî'entendni  cri,  ni  plainte  dans  la 
cabane;  mais  on  vient  lui  faire 
des  vifites  d'adieu.  On  Tenterre 
i^vec  tous  fes  plus  beaux  vêtemens , 
fes  armes  &  un  baril  d'eau-de-vie, 
pour  lui  aider  à  faire  fon  voyage. 
iJn  élevé  au  deiTus  de  fa  tombe 
une  efpece  de  cabane  de  pieux  ,  en 
forme  de  maufolée  ,  &  à  côté  un 
autre  gros  pieu  où  font  les  ar- 
mes de  fa  fadîille.  On  y  marque  des 
figures  qui  repréfentent  le  nombre 
des  chevelures  &  des  prifonniers 
qu'il  a  faits.  Quelques  nations  ont 
l'ufage  d'envoyer  des  femmes ,  pen- 


-de  t Amérique  Septenîr,     3^^ 

dant  une  huitaine   de  jours,  qui 
allument  un  petit  feu  auprès  de  ce 
maufolée,  «&  s'aiTeyant  fur  les  ta- 
lons relient  là  immobiles  un  quarÈ 
d'heure  ou  demi-heure.  S'il  meurfi 
à  la  ehafles  quand  il  y  au roit  mê- 
me trois    ou  quatre  mois  ,    ils  le 
déterrent  &  le  rapportent  dans  leuc 
«canot  pour  i'enfevelir  dans  leur^ 
villages.  Ils  pratiquent  même  Qtl% 
à  l'égard  des  enfans. 
'      Au  bout  de  l'an,  ils  viennent  fai- 
re un   anniverfaire,  qui  confifte  à 
un  feftin  auprès  de  la  tombe.  Alors 
I  ils  déterrent  le  baril  d'eau-de-vie^ 
dont  ils  boivent.  Ils  croyent  qu'a- 
près leur  mort  leur  ame  va  dans 
j  un  grand  pays  au  delà  de  la  mec 
I  qu'ils    défignent   par   le    nom  de 
I  grand  lac.  Ils  s'imaginent  que  là 
jils    trouveront  de   quoi  chaffer  à 
'  difcrétion  ,   feulement  pour  s'amu- 
î  fer ,    &  ^qu'ils  n'y  feront  occupés 
,  que  de  danfes. 

O  4 


320     B'^Ihn  fur  la  dern.  Guerre 

Us  n'ont  aucune  tradition  qui 
leur  ait  coniervé  la  moindre  idét 
de  leur  origine  ;  tout  ce  qu'ils  en 
difent  leur  a  été  ïuggéïé  par  les 
Européens.  Il  y  en  a  qui  croyent 
qu'une  femme  eil  defcendue  du  1 
Ciel  for  l'eau ,  &  qu'ayant  mis  le 
pied  fur  une  tortue  pour  fe  re- 
pofer  5  la  terre  s'eil  formée  autour 
de  cette  tortue,  &  cette  femme 
adonné  naiiTance  au  monde  (a). 
Comme  ils  ont  adopté  pour  ar- 
mes 5  les  uns  l'ours ,  d'autres  une 
tortue  ,  un  loup  ,  un  renard  , 
&c.  (  /;  ) ,  &  qu'ils  défignent  leur 
famille  par  le  noiii  de  ces  animaux» 


(a)  Cette  idée  paroit  leur  être  ve- 
îiiie  originairetrieiit  des  Indiens  d'A.- 
fie,  qui  ront  communiquée  aux  ha^- 
bitaiis  des  isles  du  Japon,  d'où  cette 
fab^ie  a  palfé  en  Amérique. 

(  Z/  )  Le  baron  de  la  Hoiitan  a  trou- 
vé dans  cet  ufage  les  règles  puériles 
de  notre  vaine  fcieilce  du  biafoa. 


de  l'Amérique  Septentr.       321 

ils  penfenteiiétre  defcendus.  Qjjel- 
ques-uns  font  perfoadés  qu'ils  font 
fortis  de  la  terre  qu'ils  habitent. 
Comme  ils  ne  lavent  point  écrire-, 
ils  le  défignent  par  les  figures  de 
ces  animaux,  qu'ils  deffineot  fur 
des.  écornes  ou  iiir  des  tronci 
d'arbres»  il  y  en  a  qui  font  des 
figures  iculptées  qui  uq  Iq  cèdent; 
peint  à  celles  de  nos  médiocres 
ouvriers.  Ils  ie  iervent  pour  faire 
ces  figares ,  qui  font  très-exprcC- 
■iives ,  d'un  couteau  crochu  cnm^ 
■me  pour  travailler  leurs  uitenules 
en  bois. 

Quand  une  famille  prend  le  deuil 
pour  un  de  les  membres ,  ils  quit:- 
tent  tous  leoî-s  oraemens ,  &  vont 
.¥étos  le  plus  iimplement  qu'ils  peu- 
vent,  ne  ie  matachent  qu'en  nolr« 
Ce  deuil  dure  environ  un  an.  Les 
parSuS  5  amis  5  &  ceux  qui  s'inté-» 
reilent  à  cette  faiiiille  ,  lui  font  des 
préfens  pour  couvrir  le  mort,  ca 


s  22  3îem.  fur  la  dern.  êuerre 

qui  confifte  à  leur  donner  un  col- 
lier 3  un  habillement.  Ils  rempla- 
cent le  mort  dans  la  cabane,  par 
une  chevelure  ou  un  prifonnier. 
ïl  y  en  a  qui  ne  quittent  point 
le  deuil  jufques  à  cette  dernière 
céréaionie ,  une  des  principales 
caufes  de  leurs  guerres ,  étant  tou- 
jours obligés  d'avoir  au  moins  une 
nation  fur  qui  l'autre  puifle  faire 
des  prifoaniers  ou  des  chevelures 
pour  le  remplacement  des  morts. 
Toutes  les  nations  de  rEft  de 
l'Amérique ,  quoiqu'ayant  à-pcu- 
près  le  même  langage,  n'étoient  pas 
aifez  liées  entfelles  pour  qu'elles 
ne  fe  fiflent  pas  des  guerres ,  dont 
on  peut  voir  Ténumération  dans  les 
isuteurs  anglois  &  françois.  Les  An- 
glois  les  ont  trouvées  dans  ces  dif- 
pofitions,  lorfqu'ils  ont  commen- 
cé à  habiter  ces  contrées;  ce  qui 
a  favorifé  l'établiffement  de  leurs; 
foionies  :  mais  leurs  malheurs  coiu-i 


ie  f Amérique  Scptentr,      3S§ 

niuns  ont  réuni  les  Sauvages.  Ces 
nations  ont  eu  auffi  des  guerres 
confidérables  à  foutenir  contre  les 
Iroquois,  qui  leur  avaient  mis  le 
machicoté,  c'eil»  à- dire^  fuivanfe 
leur  langage  g  leur  avoient  deTendu 
de  porter  les  armes  s  les  regardant 
comme  des  femmes. 

Les  Iroquois  font  fix  nations 
réunies  enfemole,  en  y  comprenant 
les  Tafcarorins  qu'ils  avoient  pref- 
que  détruits  &  qu'ils  ont  incor- 
porés parmi  eux,  ainli  que  la  na- 
tion Erié  ou  du  Chat  ^  dont  il  ne 
reitoit  plus  que  quelques  perfon- 
nés  qui  ont  été  adoptées  par  les 
Sonnontoins.  La  nation  iroquoife 
efl;  la  plus  intimement  liée  de  tou- 
tes celles  de  PAmérique ,  ëz  formé 
une  véritable  république  fédérati» 
ve.  Cette  union  leur  a  donné  una 
fupériorité  décidée  for  tous  les  au- 
tres peuples,  qui  étant  moins  nom- 
breux en  étoieat  écrafés  &  ne  pou- 


324  4^inL  fur  la  derrt.  Guerre 

Toient  lui  échapper.  Les  ïroquois 
alîoient  chercherleurs  ennemis  avec 
des  miniers  de  guerriers  3  jufqu'aux 
rivières  qui  tombent  dans  le  Mit 
liffipi  3  &  jufqu'au  lac  Supérieur. 
Toutes  ces  incurfions  n'ont  cepen- 
dant jamais  abouti  qu'à  tuer  ou 
enlever  des  hommes ,  Se  à  détrui- 
re ces  nations  ;  ce  que  les  Sauva- 
sres  aDpelient  les  manç^er.  lis  n'ont 
jaiiiais  ni  Fidée  d'étendre  leur  pays. 
pour  avoir  une  chalFe  plus  éten- 
due 3  ni  celle  de  s'affujettir  aucune 
nation.  La  preuve  en  eft  que  mal- 
gré tous  les  avantages  qu'ils  ont 
eu  for  difFéreos  peupies  qu'ils  ont 
prefqiie  détruits  5  comme  les  Hu- 
roDs,  le^  Nepicins  &  les  Algon- 
quins 3  qui  étoient  autrefois  fort 
î3ombreu;c,  les  ïroquois  n'ont  ce- 
pendant jamais  cherché  à  s'empa- 
rer de«  terres  de  ces  nations ,  & 
\  les  réduire  en  iervitude.  Les  pré-. 
tentions  des  Anglois  font  donc  très.-* 


de  f  Amérique  Sept  eut  f .     g  %  f 

.  frivoles ,  îorrqu'ils  Tuppcfent  qu'en 
vertu  de  leur  alliance  prétendue 
I  avec  les  Iroquois ,  ils  ont  des  droits 
!  fur  les  pays  de  toutes  les  nations 
avec  lefquelles  ce  peuple  a  été  en 
guerre  &  qu'il  a  fubjuguées.  Ces 
nations  peuvent  avoir  diminué  ^ 
mais  elles  n'ont  jamais  changé  d'é- 
tat dans  leurs  dilîerens  cantons. 

Les  Uotaouais,  les  Sauteurs  ou 
Ochibois  5  &  les  Miffifakes^  qui  ont 
à-peu>près  la  même  langue  &  font 
fort  liés  entr'eux ,  quoique  très- 
voifnis  des  Iroquois,  fe  font  fou- 
tenus  contr'eux,  à  caufe  de  cette 
union.  Les  autres  nations  plus  éloi- 
gnées &  moins  unies  ont  cepen- 
'  dant  peu  fouffert  :  elles  fe  font  mê- 
me confédérées  pour  les  eliaOer. 
On  pourroit  encore  beaucoup  ra- 
battre de  ces  grandes  armées  d'I- 
roquois ,  qui  niontoient,  à  ce  qu'on 
dit  5  quelquefois  à  aooco  hommes. 
5i  elles  avoienl;  e^ifte  ^  il  eft  cer« 


$26  Mém.furla  dern.  Guerre 

tain  qu'elles  auroient  détruit  tou- 
tes les  nations  chez  qui  elles  au- 
roient palle. 

Lorfque  les  François  font  entrés 
en  Amérique,  ils  font  arrivés  fur 
les  terres  des  Algonquins  ,  une  des 
plus  ancieniies  nations  de  ce  con- 
tinent ,  comme  on  peut  en  juger 
par  l'étendue  de  leur  langue  ,  & 
fur  celles  des  Népicins  &  des  Hu- 
ions 5  qui  étoient  en  guerre  avec 
les  Iroquois.  Les  François  ont  pris 
leur  parti  contre  ces  derniers ,  qui 
font  devenus  par  là  ennemis  na- 
turels de  leurs  établiiTemens.  Nous 
les  avons  délogés  de  l'ide  de  Mont- 
Béal,  &  des  plaines  à  l'Eft  dafleu-- 
ve  St.  Laurent,  où  ils  venoient 
à  la  chalTe  ;  auffi  nous  ont-ils  f^ùt 
des  maux  confidérables  dans  les 
premiers  temps  de  la  colonie  (  a). 

(tz)  lis  Font  mile  pjufiturs  fois  à 
deux  doigts  de  fa  ruine.  Voyez  l'hit 
toire  de  la  Nouvelle -France  parle 
P,  Charlevoix, 


de  P Amérique  Septentr,     §27 

Ils  y  ont  toujours  été  portés  parles 
foliicitations    d'abord  des  Suédois 
&   des  Holiandois,  qui  fornioieiil 
des   établifiémens   fur    la    rivière 
d'Hudfon ,  &  eafuite  par  les  An- 
glois  qui  ont  pris  leur  place.   Cela 
nous  a  donné   occafion   de  nous 
lier  plus  particulièrement  avec  tou- 
tes les  nations  du  continent,  parce 
que  toutes  redoutant  les  Iroquois  ^ 
nous  étions  toujours  prêts  à  les  fou- 
tenir  ou  à  les  faire  allier  entr'elies 
pour  repoufler  Fennenii  commun. 
D'ailleurs  les  François  ne  fe  rencon- 
trant ordinairement  avec  les  Sau- 
Tages^que  dans  des  polk-s  où  ils  leur 
fourniflbient  de  quoi  fatisfaire  a  leurs 
befoins  ;  ils  leur  font  devenus  né- 
ceflaires.  Quand  ils  ont  eu  quelques 
démêlés  avec  quelqu'une  de  ces  na- 
tions,  ils  ont  toujours   eu   atten- 
tion de  s'unir  avec  les  autres  con- 
tre celle-là,   &  l'ont  obligée  bien- 
tôt d'être  tranquille  ^  parce  que  les 


32§  Mem.furhdern.  Guerre 

■  Sauvages  fe  craignent    bien    plus 
•  cntr'eux  qu'ils  ne  redoutent  d'avoir 
a  faire  aux  Kuropéens. 

Les  îTHtions  laiivages  fe  trouvant 
quelquefois  mêlées  les  unes  avee 
les  autres ,  ïoit  au  retour  de  leur 
cliafle  5  ou  dans  des  ambaffades  ré- 
ciproques ,  elles  paffent  le  tems  à 
des  feftins  ou  plutôt  à  des  débau- 
ches d'eau  -  de  -  vie.  Elles  tâchent 
fouvent  de  prendre  des  précautions 
pour  qu'il  n'arrive  pas  quelque  mal- 
iîeur.  Les  fenifues  cherchent  à  ca- 
cher les  armes  de  leurs  maris  autant 
qu'elles  peuvent  ;  car  il  y  en  a  tou- 
jours qui  ne  boivent  point,  pour 
fervir  tous  les  autres.  11  y  a  des 
feftins  à  tout  manger,  duiTent-ils 
en  crever.  Leurs  feftins  confiftent 
ordinairement  en  boiiïbn  ;  il  n'y  eft 
pas  queilion  de  manger.  \j\x  à 
douze  Sauvage  ^  boiront  jufqu'à  i  f 
ou  20  pots  d'eau-de-vie  ,  &  plus ,  à 
proportion.  Le  plus  jeune  eft  char- 


tïe  l'Amérique  Septenfr.     3-29 

jgé  de  verier  à  boire  ;  chacun  boit 
là  foîi  tour  la  même  Quantité.  Le 
didributeurfait  Q.  bienfon  compte, 
que  fa  portion  fe  trouve  toujours 
légale  à  celle  des  autres.  Les  femmes 
iqui  ne  fe  foucient  pas  de  boire  , 
iprennent  leur  portion  ,  la  mettent 
dans  la  bouche  ,&  la  rejettent  en- 
Ifuite  dans  leur  petite  marmite.  Elles 
la  revendent,  lorfque  Teau-de-vie 
imanque  aux  convives.  Les  Sau- 
■  vages  ont  une  fi  grande  fureur  pour 
I  cette  boiflbn  5  que  quand  une  fois 
ils  font  en  train  à'Qn  boire  3  ils  fe 
dépouillent  généralement  de  tout 
ce  qu'ils  ont,  pour  avaler  quelque 
coup  de  plus.  L'on  peut  juger  quel 
tintamarre  &  quelle  confufion  ce- 
la occailonne.  Ils  commencent  p^r 
chanter  :  fuccédent  enfuite  des  hur- 
lemens  afïl'eux.  Ils  attendent  ce 
temps  d'ivreiTe.  pour  fc  faire  des 
reproches  ou  des  querelles;  c'eft 
toujours  fur  le  manque  de  bravou- 


330    Ment,  fur  la  dern.  Guerre 

re.  La  mort  de  quelqu'un  Ca)  eft 
prefque  toujours  la  fuite  de  ces 
rixes,  ou  au  moins  ii  en  coûte  queU 
ques  oreilles  déchirées.  S'ils  atta- 
quent un  homme  qui  n'eft  pas  ivre , 
&  qu'il  n'ait  pas  le  fecret  de  s'ef- 
quiver  de  bonne  heure  ,  il  en  eft 
fouvent  la  vidioie ,  parce  que  ce 
feroit  un  deshonneur  à  lui  de  frap- 
per un  homme  dans  cet  état  d'i- 
vreffe ,  difant  qu'ils  n'ont  point 
alors  d'efprit.  S'il  s'en  va,  il  craint 
que  l'autre  ne  lui  reproche  de  l'a- 
Toir  fait  fuir.  Dans  cette  alternati- 
ve, pour  montrer  fon  courage,  il 
lui  dira  de  le  frapper ,  &  l'autre  le 
tue.  De  pareils  accidens  ont  fait 
périr  de  fort  bons  &  braves  Sau- 
vages. 

Si  le  mort  eft  de  la  même  na^ 


{a)  Un  homme  bielle  d'un  coup 
de  feu  ,  ou  d'une  arme  tranchante,  elt 
asnfé  mort  k  demande  vengeance.. 


tk  l' Amérique  Septentr.     331 

jtion  que  celai  qui  l'a  tué ,  ils  ne 
jdiront  rien  fur  le  champ  ,  mais  ils 
Iferont  naître  une  autre  occaiîoii 
id'ivreiïe.  Si  ce  dernier  s'y  trouve  9 
ce  qui  ne  manque  guère  d'arriver, 
!  parce  qu'ils  ne  peuvent  refluer  à 
'l'envie  déboire,  quelqu'un  despa- 
jrens  du  défunt  le  tue.  Quelques- 
jiîns  contrefont  les  ivrognes  plus 
I  qu'ils  ne  le  ïont  en  effet ,  pour  exé- 
cuter leur  deifein.  Dans  un  autre 
état ,  ils  n'oferoient  entreprendre  de 
fe  venger,  parce  qu'ils  ne  pour- 
roient  pas  s'excufer,  en  difani 
qu'ils  n'avoient  pas  de  l'efprit,  Aiîii 
de  remédier  à  ces  inimitiés  fucceffi« 
ves ,  les  parens  du  meurtrier  cou- 
vrent le  mort ,  comme  nous  Pa- 
vons dit,  &  cela  occafionne  encore 
un  parti  de  guerre  pour  aller  cher- 
cher à  le  remplacer.  Ce  moyen 
,  n'empêche  pas  toujours  que  la  mè- 
re ou  la  femme  du  mort ,  déplo- 
rant fa  perte  ,  n'engage  queLju'ua 


33^     Mem,  far  la  dern.  Guerre 

à  toer  fon  aflaffin.  On  doit  juger 
quelle  defirudion  d'hommes  ces 
accidens  entraînent.  Si  ce  dernier 
en  a  tué  plufieurs ,  la  nation  con- 
feot  volontiers  à  le  faire  mourir 
dans  un  feftin  exprès,  où  même 
fon  père  affifte.  Quand  les  Euro- 
péens veulent  les  exhorter  à  fe  dé- 
lider  de  i  pareils  delïeins ,  ils  ré- 
pondent tranquillement,  il  veut 
mourir  ,  cela  n'eft  pas  de  valeur. 

Si  un  femblable  événement  arri* 
ve  entre  des  nations  différentes, 
il  ed:  bien  plus  férieux  ;  toute  la 
nation  fe  trouve  ofFenfée  &  efl: 
obligée  de  vengsr  cette  mort  Si 
la  nation  du  meurtrier  veut  éviter 
]a  guerre,  il  faut  qu'elle  le  livre 
&  qu'elle  couvre  le  mort;  encore, 
n'eft-on  pas  toujours  content.  Les 
parties  léfées  veulent  prendre  leur 
revanche  ,  même  long-tenis  après , 
&  ces  querelles  ne  îi aident  fou- 
vent  que   par  la   deftruaioii   des 


de  l'Amérique  Septentr.     333 

luns  ou  des  autres ,  ou  que  lorfque 
l'd'autres  nations  inCerporent  leur 
'autorité.  Plus  on  fait  de  mal  à  une 
nation  iauvage  ,  plus  on  la  rend 
jintraitable ,  &  on  ne  peut  venir  à 
jbout  de  fe  la  concilier  que  par  la 
jdouceur. 

I  Dans  les  ambaffades  d'une  na- 
jtion  à  une  autre ,  pour  parler  de 
Ipaix,  d'alliance  ou  de  quelqu'au- 
itre  iujet  politique,  la  députation 
eit  toujours  nombreuiè  :  elle  eit 
jccmpoiee  de  quelques  chefs  ou 
'anciens  de  la  nation  5  des  chefs  de 
guerre  &  de  jeunes  guerriers  ;  ils 
ont  avec  eux  un  orateur,  il  s'en 
rrouve  dans  prefque  tous  les  villa- 
ges, te  font  ordinairement  les  meil- 
leurs difcoureurs.  Ils  portent  avec 
eux  des  colliers  de  porcelaine  blan- 
che, fur  laquelle  eil  exprimé  le  fajec 
de  rambaffade.  hi  c'eil  une  allian- 
ce, ils  y  repréfenteot  des  cabanes 
qui  défignent  leurs  villages  ^  la  tra- 


9  34     Mêm.fur  h  dern.  Guerre 

ce  du  chemin  d'un  village  à  l'au- 
tre ,  &  des  Sauvages  qui  fe  tien- 
nent par  la  main.   On  juge  bien 
qu'il  faut  deviner  ce  que  cela  veut 
dire.  Plus  la  chofe   eft  de  confe- 
quence ,  plus  les  colliers  doivent 
être  grands.  Ils  portent  un  calu- 
met de  paix  avec  eux ,    c'eft:  miz 
pipe   faite  de  marbre ,    ou  d'une 
pierre  très-douce ,  rouge  brun ,  ou 
noire,  dont  le  grain  eft  fort  fin  ,  &. 
que  l'on    peut  travailler  avec  un 
couteau.  Ils  y  adaptent  on  tuyau 
de  bois  de  deux  à  trois  pieds  de 
long,   te  bois  qui  eft  très -dur  a 
une  moëie  épailTe  qu'ils  tirent  aveC' 
lin  fil  de  laiton   rougi  au  feu.    Il 
eft  peint  en  jaune  &   noir,  d'un, 
deffein  à  flamme ,  ou  couvert  d'un, 
cordonnet  de  porc-épic  blanc,  jau-j- 
ne ,  rouge  &  noir ,    &  d'une  aile> 
de  plumes  d'aigle,  attachée  avec  unv 
cordon  deporc-épic  &  des  rubans 
pendans  ,  de  différentes  couleurs  ;.| 


r* 


de  l'Amérique  Septentr,     $  3  f 

2  qui  forme  un  joli  effet.  Le  cor- 
ge  s'étant  rendu  dans  la  cabane 
u  chef,  tous  ceux  qui  le  com- 
fofent  s'afleyent  à  terre  fans  rien 
ire,  &  allument  le  calumet  :  le 
jhef  commence  à  fumer,   enfuitc 
!.  le  préfente  à  celui  de  la  nation 
vec  laquelle  ils  négocient ,  &  ce 
aiumet  paiïe  des  uns  aux  autres. 
Is  en  fument  chacun  une  gorgée  ; 
'ed  la  plus  grande  marque  de  paix 
k  d'amitié ,  -qu'ils  puiffent  fe  don- 
>lier.    S'ils  n'étoient  pas  d'accord, 
Is  refuferoieot  de  fumer.    Après 
'à  cérémonie,  l'orateur  fe  levé  ,  ra- 
:nte  fou  voyage,   dit  qu'ils  font 
::2  fatigués ,  &  iixùt  par  indiquer 
:  jour  qu'ils  partiront.  S'ils  font 
iniis  3  on  leur  envoyé  de  quoi  man- 
der, &  ils  fe  rerireot  tous  enfem- 
,:5lepour  fe  cabaner ,  fans  rien  dire. 
.lu  jour  indiqué  ,  ils  viennent  au 
:onfeil  ;  l'orateur  y  débite  tout  ce 
l^u'ils  ont  à  dire  ,  en  donnant  des 


s  3  6   Mêm.fur  la  dent,  Guerrs 

branches  ou  des  coiiiers ,  fuivant 
la  conféquence  de  ce-  qu'il  propo- 
fe  :  on  ent@ndroit  voler  une  mou- 
che ;  tous  ont  le  calumet  aux  dents, 
ainfi  que  fouvent  l'orateur.  Aux 
endroits  importans  ,  les  députés 
approuvent  le  diicours  par  un  /jo 
ho.  Les  autres  ne  répondent  point 
le  même  jour  ;  ils  indiquent  feu- 
lement celui  où,  avec  la  même  cé- 
rémonie ,  l'orateur  de  la  nation  ré- 
pond pour  tous  3  en  reprenant  ar- 
ticle par  article  ,  &  en  rendant  des 
colliers  ou  des  branches  pour  cha- 
que fujet.  Le  confeil  étant  fini, 
ils  fe  réparent ,  &  alors  commen- 
cent les  danfes  &  les  feilins  en- 
tr'eux  ,  juiqu'au   départ. 

S'ils  veulent  engager  une  nation 
dans  une  guerre ,  ils  portent  des 
colliers  de  porcelaine  noire,  avec 
des  haches  peintes  dclTns,  rougis 
en  vermillon.     Plus  il  eft  grand, 

plus 


/mmqm  Septentr,     3  3  f 

plus  l'invitation  eil  prefiante  ;  c'efl 

leur  façon  d'offrir  la  hache. 

La  danfe  du  calumet ,  qui  eft  une 

de  leurs  grandes  cérémonieSjnelaiC. 

Ife  pas  d  avoir  fon  agrément  ;  tous 

Iles  Sauvages  font  affis  en  rond  avec 

leurs  haches  ou  calTe-têtes  &  leurs 

icouteaux  à  la  main.   Quelques-uns 

lont  feulement  des  cbiclùpiois ,  qui 

font  de  petites  calebaiïes  remplies 

ide  petits  caillons ,  ou  des  éperons 

de  pied  de   chevreuil  attachés  en- 

femble   au  bout  d'un  manche.  Il 

y  en  a  un  qui  fait  une  timbale  avec 

une    chaudière    recouverte   d'une 

peau.  On  choiiit  le  plus  ingambe 

p~nrdanfer;  un  antre  chante  l'air 

propre  à  la  danfe.  Toutes  ces  efoe- 
■«.11.  i, 

ces  dlnllraoîens  battent  la  caden- 
(-...;;  &  le  daofeurj  fon  calumet  à 
la  main  &  un  chichiquoi  de  Tau- 
'  ~ ,  au  milieu  du  cercle  ,  fuit  l'air 
.  himnt  des  mouvemens  caden*. 
:  s ,  mais  violens,  de  toutes  les  par- 
Tome  IIL  F 


138  Mém.fur  la  dern.  Guerre 

ties  du  corps.  Il  fe  baiiïe  jufqu'à 
terre ,  &  après  avoir  bien  fait  des 
contorfions,  il  fe  relevé  brufque- 
ment;   laiffknt   quelques  momens 
d'intervaile,  il  recommence  enfui- 1 
te  cette  danfe ,  pour  laquelle  il  faut 
beaucoup  de  foupleiïe  &  de  force,  j 
Elle  a  des  agrémens  &  nedéplai-| 
roit  pas  for  un  théâtre. 

Farce  que  nous  avons  dit,  on! 
juge  bien  que  les  Sauvages  ont  fou- 1 
vent  des  occalîons  de  guerre;  auili 
faut-il  qu'ils  ayent  toujours  quel- 
que nation  à  manger  ,  parce  qu'ils 
ne  peuvent  être  tranquilles  fans 
cela.  U  n  Sauvage  qui  reîleroit  trois 
ansf  fans  aller  en  guerre ,  ne  fe- 
roit  pas  réputé  un  homme  &  ef- 
fuyeroit  des  reproches  dans  leurs 
feitins. 

Lorfque  la  guerre  eft  décidée 
contre  une  nation,  il  ne  manque 
pas  de  chefs  de  guerre  qui  cher- 
chent à  faire  des  partis  ;  on  choifiti 


de  PAmêriqus  Septentr.      3  3f 

icelui  qui  a  le  plus  de  réputation. 
lil  fe  munit  d'eau-de-vie  &  de  quel- 
'ques  équipeniens;  il  invite  les  jeu- 

ines  gens,  iur-tout  (es  parens,  à  un 
jfedin  qui  confifte  à  manger  un 
I chien  que  l'on  tue  en  récorchant 
Xe  repas  fait,on  commence  à  boire 
jde  i'eau-de-vie.  Le  chef  de  guerre 
|fe  levé ,  chante  fa  chanfon  de  guer- 
jre  :  chacun  en  a  une  particulière; 
|il  raconte  tous  fes  exploits ,  frap- 
jpe  un  poteau  &  jette  un  gage  pour 
jaiTurer  le  fait.  11  parle  de  toutes 
les  nations  chez  qui  il  a  frappé  ^ 
en  déiigoant  avec  la  hache  le  côté 
cù  elle  eil  fituée.  Il  annonce  [on 
projet ,  de  l'air  le  plus  menaçant 
iqifii  peut,  &  invite  ceux  qui  ont 
du  courage  àlefuivre.  Il  finit  par 
jeter  un  collier  de  porcelaine  noire^ 
barbouillé  de  rouge  ,  avec  dédain 
à  terre,  invitant  ceux  qui  ont  du 
coeur  à  le  relever,  &  annonçant 
Iqu'il  le  deftine  pour  celui  qui  f^ 


34^  Mém.  fin'  la  dent.  Guerre 

montrera  le  plus  courageux.  Tous 
les  jeunes  gens  affis  en  cercle  ré- 
pondent par  un  hé  hé  en  cadence 
Se  qui  fert  de  refrein  à  la  chanfon. 
Lorfque  ce  chef  a  fini,le  premier 
qui  fe  décide,  fe  levé,  fait  la  mê- 
me cérémonie  ,  chante  fa  chanfon 
de  guerre  ,  compte  fes  exploits  en 
frappant  au  poteau,  &  jette  des  ga- 
ges pour  affurance ,  relevé  le  col- 
lier toujours  en  chantant,&  le  mon- 
trant protePce  qu'il  fera  digne  de 
le  gagner  ,  &  le  rejette.  Les  autres 
fe  lèvent  à  raefure  qu'ils  fe  déci- 
dent, &font  la  même  cérémonie. 
Ceux  qui  ne  veulent  pas  être  de 
la  partie  boivent ,  mais  ils  ne  dan- 
fent  pas.  La  cérémonie  finie, 
tous  ceux  qui  doivent  partir  vont 
s'habiller  en  guerriers  ;  ils  fe  met- 
tent nuds ,  au  braguet  &  mittesi 
près,  fe  barbouillent  tout  le  corpSj 
d'un  brun  rouge  avec  des  rayes 
qu'ils  fe  font  avec  les  doigts ,  & 


(îe  V Amérique  Septentr,     341" 

fe  coupent  les  cheveux ,  ou  plutôt 
fe  les  épilent,  excepté  la  calotte.  Ils 
s'ornent  la  téie ,    la  couvrent  de 
vermillon  ,  &  par  deiTus  ils  y  jet- 
tent du  duvet  blanc,  qui  eft  la  mar- 
que que  l'on  part  pour  la  guerre. 
Dès  qu'ils  fe  font  tous  raifem- 
blés ,  ils  marchent  enfenihle,  leurs 
inftrumens  à  la  main  ;  ils  danfent 
•en  rond  5  vont  en  chantant  de  ca- 
I  bane  en  cabane  ,  un   air    dont  les 
;  finales  Ibnt  ha    ha,  he   he.heu^ 
hi    hi ,  &c.  fe   tournant  les  uns 
,  contre  les  autres ,   &  leur  caffe-tête 
ou  leurs  couteaux  à  la  main  ,  geC- 
ticulant  beaucoup.   On  leur  fait  de 
petits  préfens.    Fendant  ce  tems,, 
les  jeunes  filles  les  fuivent  toujours» 
danfent  des   branles  enfemble  les 
foirées ,  comme  nous  l'avons  dit  3, 
&    c'eft    à    qui     les  traitera     le 
mieux.  Cela  dure  plufieurs  jours 
&  jufqu'ao  moment  du  départ.  Ils 
fe  mettent  alors  tous  à  la  file  les  uns 

p  3 


54^-     Mem,  fîîT  la  dcrn.  Guerre 

des  autres ,  le  chef  en  tête  précédé 
du  plus  jeune  qui  porte  la  natte  de 
médecine,  dans  laquelle  eit  ou  un 
oifeau  ou  autre  animal  que  chaque 
chef  de  guerre  prend  pour  Ibri 
Manitou,  il  y  a  auffi  dedans  cet- 
te natte  quelques  fîmples  pour 
les  bleffures  ou  les  maladies.  Ils 
©nt  un  très  -  grand  refped  pour 
cette  natte ,  qui  précède  toujours 
dans  les  marches.  Le  chef  de  guer- 
re chante  la  chanfon  de  départ ,  la- 
quelle eit  une  prière  au  maître  de 
la  vie  5  pour  qu'il  les  favorife  dans 
leurs  deifeins.  Plufieurs  filles  fui- 
vent  la  bande  en  portant  le  paquet 
.des  jeunes  gens,  <&  les  accompa- 
gnent quelquefois  trois  ou  quatre 
journées ,  après  quoi  elles  revien- 
neiit.  lis  font  leurs  voyages  en  ca- 
not 5  parce  que  les  rivières  font  les 
feuls  grands  chemins  du  pays. 

Les  jeunes  gens  font  chargés , 
comme  nous  l'avons  déjà  dit ,  de 


de  t Amérique  Septentr,     343 

toutes  les  corvées ,  qu'ils  fe  parta- 
igent  entr'eux    fans  murmurer.  Si 
quelque  parefleux  ne  veut  rien  fai- 
,re  5  il  n'eiluye  aucun  reproche.  Si 
iquelqu'un  jongle    &    qu'il   defire 
s'en  retourner ,  il  part  fans  oppo- 
fition.  Ils  campent  de  bonne-heu- 
re pour  chalTer,  ne  portant  point 
de  provifions  que  leurs  munitions. 
|lls  ont  néanmoins  quelquefois  un. 
'petit  fac  defagamité,  qui  eft  du 
ibled  de  Turquie  concaffé ,  grillé 
i&  cuit  dans  une  chaudière    avec 
dsla  graiiTe  &  du  fucre  d'érable. 
m  s  confervent  cette  efpece  de  fari- 
?]■"  pour  le  tenis  qu'ils  font  près  de 
leurs  ennemis,  ou    dans  quelque 
occafion  de  àiktt^.  En  la  mêlant 
|avec  dereaufimpiement  5  elle  fait 
jun  manger  fain  ,    nourriiîant    & 
agréable  ;    deux    poignées    de  ce 
mets  par  jour  fiiffifent  pour  vivre  , 
s'ils  craignent  de  manquer  de  fub- 
fillance.  Lorfqu'ils    font    dans   le 

p  4 


344  ^^'^'  /^^^  ^^  àern.  Guerre 

pays  ennemi  ,  ils  ne  tirent  point  ;f 
sUls  n'ont  pas  des  fleches^ils  vivent 
depoiflbns,  ou  de  quelques  raci- 
ales 5  ou  de  leur  fagamité.  Mais  aut 
il  -  tôt  qu'ils  font  près  de  frapper  , 
ou  quand  ils  fuyent,   ou  après  une 
aftion  5  ils  relieront  trois  ou  quatre- 
jours  fans  manger.  En  approchant, 
de  la  frontière  3  où  ils  pourroient 
rencontrer  quelqu'un ,  ils  ont  at- 
tention de  chercher  les  fourrées  les 
plus  cachées ,  d'effacer   toutes  les 
traces  par  où  ils  y  font  entrés.  Ils 
cachent    encore    leurs  canots    &, 
tous  leurs  paquets  &  ornemens ,  fe 
barbouillent  en  noir  tout  le  corps  »^ 
&  ne  portent  avec  eux  que  leurr 
armes  &  leur  Manitou  ,  fans  ou-v 
bîier    leurs  miroirs.    Ils    tiennent, 
fréquemment  coiifeil    pour  déter- 
miner comment  ils  fe  difperferont. 
après  avoir  frappé  ,  où    fera  leur, 
rendez -vous  ,  &c.    Ils    ne  mar- 
chent jamais  qu'ils  n'ayent  envoyé 


de  t Amérique  [Sept entr,      34f 

ides  découvreurs  autour  d'eux  à 
Ideux  ou  trois  lieues.  Sur  leur  rap- 
port ilt;  prennent  leur  parti.  Leur 
fagacité  à  découvrir  toute  forte  de 
|traces  eft  finguliere  :  la  terre  fou- 
jlée  ,  les  feuilles  renverfées ,  la  ro- 
|fée  abattue  ^  tout  cela  ne  les  ern- 
ipêche  pas  de  reconnoitre  les  pif- 
jtes  des  fauves.  Les  pieds  des  San- 
ivages  fe  coimoi lient  par  l'v^fpecë 
!de  chaufTiire ,  niais  fur -tout  par 
lia  façon  dont  le  pied  eft  placé  ou 
tourné,  ils  jugent  encore  plus  ai« 
jfément  fi  ce  font  des  Européens , 
au  pas  &  à  la  (èmelie.  ils  diftiu^. 
guent  même  un  Aiiglois  d'un  Fran- 
çois ,  &  devinent  aifez  juite  com- 
bieniiya  dQ  mondes  foit  par  les 
traces  5  foit  par  les  kux  qu'ils  ont 
allumés  5  &  par  leurs  couchées  ^  fi 
ces  traces  font  d'un  parti  en  cam«. 
pagne.  Celui  qui  découvre  le  pre- 
mier eft  prefque  fur  de  battre  les  au- 
tres. Us  les  fuivront  à  la  pifte  plu- 


54^     Mêm,  fur  la  dern.  Guerre 

fleurs  jours  ,  jufqu'à  ce   qu'ils  les 
ayent  trouvés  dans  une  pofition  qui 
leur   donne    l'avantage  ,    comme 
dans  une  cabane  où  ils  fedifperfent 
pour  dormir,  ou  dans  une  mar- 
che où  ils  fe  trou  ver  oient  féparés. 
Ils  s'embufquent  près  de  l'endroit 
où  ils  veulent  frapper.  Chacun  a 
fa  place  décidée   par  le   chef  de 
guerre,  &:  fe  tient  tranquille  juf- 
qo'au  %na!  que  celui -ci   donne, 
par  un  cri ,  en  frappant  de  la  main 
fur  fa  bouche.  11  efl:  rappelle  par 
tous  les  aîfaillans-qui  ont  déjà  tous 
couché    en  joue    leurs    hommes. 
Dans  le  premier  moment  de  fur- 
prife  de  rennemijils  tirent  fur  hii,& 
il  eft  rare  qu'ils  ne  le  couchent  pas 
à  terre.   Ils  s'élancent  tout  de  fuite, 
la  hache  à  la  main,  pour  fe  jeter  fur 
lui ,  &  ne  le  quittent  pas  que  tout 
ne  foit  détruit.  S'ils   croyent  qu'il 
ne  foit  pas  aifez  bleffé  ,  ou  qu'il 
fuit  encore  en  état  de  défenfe ,  il» 


(k  l'Amérique  Septentr,     547 

lui  donnent  de  la  hache  fur  la  tête  ; 
s'il  fuit,  ils  la  lui  jettent  après  &  la 
lui  plantent  dans  les  épaules ,  en 
quoi  ils  font  très  -  adroits.  Dès  que 
rhomme  efl:  tombé  s  ils  courent  à 
lui  5  mettent  un  genou  au  milieu 
de  fes  épaules ,  lui  prennent  un 
toupet  de  cheveux  d'une  main  s  <& 
avec  leur  couteau  de  l'autre  en 
donnent  un  coup  ,  en  cernant  la 
peau  de  la  ièit ,  &  arrachent  le 
mortciiu.  C'eil  une  expédition 
bientôt  faite.  Alors ,  montrant  la 
chevelure  ,  ils  jetrent  un  cri,  qu'ils 
appellent  le  cri  de  mort.  Durant 
les  combats ,  ils  pouffent  les  cris 
les  plus  aftVeux  qa  ils  peuventjpour 
s'animer  &  pour  intimider  l'en- 
nemi. S'ils  ne  fe  voyentpas  preffés^ 
&  que  la  vicloire  leur  ait  coûté  du 
fangj  ils  exercent  bien  des  cruau- 
tés fur  ceux  qu'ils  tuent  ou  fur  le^ 
morts  ;  ils  les  éventrent  &  fe  bar» 
bouillent  de  leur  fiinc^. 

^     P  ^ 


348  -  Mem.fiirladern.  Guerre 

Quoique  ces  horreurs  leur  ré- 
pugnent beaucoup  ,  ils  s'y  livrent 
cependant  pour  s'animer  au  carna- 
ge &  s'infpirer  une  efpece  de  fu- 
reur ;  ce  qui  les  fait  paroître  plus 
braves  entr'eux,  &  les  étourdit  fur 
les  périls,  ils  garrotent  tous  les 
prifonniers  qu'ils  peuvent  prendre 
avec  les  colliers  qui  leur  fervent 
pour  porter  leurs  paquets,  &  qu'ils 
ne  quittent  jamais,  ils  les  lient  fi 
hkn  au  col,  aux  bras  &  à  la  cein- 
ture, qu'il  leur  eft  impo/Tible  de  fe 
détacher.  S'ils  craignent  d'être  at- 
taqués, ils  fe  mettent  à  courir  en 
fedifperfant  jufqu'au  rendez- vous 
indiqué ,  qui  eft  quelquefois  à 
îieuf  à  dix  lieues ,  feion  is  pays  & 
les  circonftancesoù  ils  fe  trouvent 
lis  fe  mettent  quelquefois  deux 
pour  aider  aux  prifonniers  à  mar- 
cher, en  les  prenant  par  les  niains  ; 
fi ,  malgré  cela  ils  ne  peuvent  les 
fcivre  a  ils  leur  lèvent  la  chevelure^ 


de  ^Amérique  Sepfentr.      34f 

Quand  ils  font  en  embufcade 
auprès  de  quelque  village  ou  de 
quelque  fort,  comme  il  y  a  ordi- 
nairement des  découvertes  aux  en- 
virons, ils  tâchent  de  s'y  embuC 
quer  la  nuit  :  fi  c'eft  de  jour ,  ils  fe 
couchent  ventre  à  terre ,  en  fe 
couvrant  le  dos  &  la  tête  d'herbes  ^ 
de  feuille  ,  ou  de  paille ,  fuivant 
la  couleur  de  ce  qui  eft  auprès  de 
cet  endroit  ;  ils  s'avancent  fur  leurs 
mains  ,  pouffent  leurs  fufils  en 
avant  jufqu'à  ce  qu'ils  foyent  à  la 
portée  convenable.  Ils  jugent  fui- 
vant leurs  forces ,  fi  le  polie  eit  at- 
taquable ou  non  ;  ce  qu'ils  déci- 
dent toujours  à  leur  avantage;  car^ 
pour  peu  qu'ils  fe  voyent  en  dan- 
ger, ils  le  laiffentpaffer  5  &  atten- 
dent le  moment  &  i'occallon  favo- 
rables avec  une  extrême  patience  , 
fur  ~  tout  lorfqu'ils  ne  font  que 
deux  ou  trois.  Leur  expédition 
feitÇâ  ils  pouffent  uacri  en  fuyante 


3^0  3ïêm,  fur  h  dern.  Guerre. 

êc  laiffent  à  portée  quelques  mar- 
ques qui  dérignent  quelle  eil  la 
nation  quia  iirappé. 

Ils  ne  s'amufent  guère  à  piller; 
s'ils  ont  le  teins  ils  tâchent  de  tuer 
des  animaux  pour  vivre.  Il  eft 
très -rare  qu'ils  brûlent  des  mai- 
fons  5  parce  qu'ils  ne  veulent  pas 
fe  faire  découvrir.  Leur  objet  prin- 
cipal eft  d'emmener  les  prifonniers 
ou  d'enlever  des  chevelures.  Qjiand 
ils  n'efpérent  pas  d'y  parvenir  ,  ils 
ce  tirent  pas.  Ils  s'embarraflent 
peu  de  fouiller  &  de  dépouiller 
les  morts.  Il  eft  eflentiel  de  remar- 
quer ici  que  s'ils  ont  occaiion  de 
faire  beaucoup  de  prifonniers ,  ou 
d'enlever  beaucoup  de  chevelures, 
ils  le  font  jufqu'à  ce  que  l'opéra- 
tion foit  finie;  mais  quand  ils  fc- 
roient  trois  cents  &  qu'ils  ne  fe- 
roieiit  qu'une  ou  deux  chevelures , 
ils  ne  recommenceroient  pas  une 
autre  opération  «  duITent-ils  poiî« 


de  tA'ûierlqite  Septentr.      3  )  1 

voir  ruiner  un  pays  ou  tuer  d'au- 
tres hommes.  Ils  difent  que  s'ils 
ii'étoient  pas  contens ,  le  maître 
delà  vie  feroit  fâché  contr'eux,  & 
qu'ils  coiirroient  rifque  de  ne  pas 
réuffir  ou  de  perdre  leurs  gens; 
ainfi  ils  vont  chez  eux  toucher  bar- 
re, fi  j'ofe  m'expliquer  ainfi,  y 
eut -il  deux  à  trois  cents  lieues  9 
font  d'autres  partis  Se  retournent. 

Dès  qu'ils  font  à  leur  rendez- 
vous ,  ils  ajuftent  leurs  prifonniers 
dans  le  goût  de  leur  p/ation.  Si 
c'eil  un  Européen  ,  ils  lui  coupent 
les  cheveux  à  leur  façon  &  rhabil- 
lent en  Sauvage.  Us  Je  matachent 
le  foir  &  l'attachent  à  quelques 
branches  d'arbres  par  un  pied  & 
une  main  ,  de  façon  à  ne  pouvoir 
fe  débarrafîer.  Us  lui  mettent  au- 
tour du  col  un  cellier  de  porcelai- 
ne ,  comme  nos  Dames  le  portent, 
barbouillé  de  rouge  ;  ce  qui  marque 
fou  efclayage.  Us  ont  attention  de 


3  5'  2  Mlm.  fur  la  dern.  Guerre 

lui  faire  manger  de  tout  ce  qu'ils 
ont  5  pour  qu'il  ne  pâtilTe  pas  en 
route,  ils  étendent  leurs  chevelu- 
res autour  d'un  petit  cercle  en  for- 
siie  de  peau  de  tambour ,  &  le  côté 
des  cheveux  pendant  ;  ils  les  graif- 
knt  &  les  faupoudrent  de  vermil- 
lon ,  ainii  que  le  dedans  de  la 
peau. 

Le  chef  de  guerre  a  foin  de  don- 
ner le  collier  promis  à  celui  qui 
le  premier  eil  allé  fur  l'ennemi ,  ou 
qui  a  fait  le  plus  beau  coup  ;  ce 
qui  fe  juge  entr'eux  très  -  équita- 
blement  &;  fans  murmure.  Si  le 
chef  a  quelque  équipement,  &  que 
quelqu'un  en  manque ,  il  fe  dé- 
pouille pour  le  lui  donner.  C'efl: 
par  la  bonne  conduite  ,  la  bra- 
voure,  le  bonheur,  &  la  libéra- 
lité ,  qu'il  acquiert  la  réputation  ^^ 
de  bon  chef  de  guerre,  but  -  il 
réuGî  au  delà  de  fes  efpérances  dam 
fon  attaque  a  s'il  a  eu  le  malheur  d( 


de  t Amérique  Septentr.     5^3 

perdre  quelqu'un  ,  tout    eft  plon- 
Igé  dans  la  trirteffe,   &  la    gloire 
dont  il  s'eil  couvert  n'eft  comptée 
pour  rien.    On  l'oblige  de  retour- 
j  ner  à  la  guerre,pour  venger  le  fang 
I  du  défunt  &  remplacer  le    mort 
;  dans  fa  famille.  Les  Iroquois  ont 
'.  grand  foin  de  rapporter  tous  les 
bleifés ,  quand  même  ils   feroient 
de  nation  étrangère;  c'eft  un  de 
leurs  premiers    devoirs.     Ils  leur 
font  un  brancard  ,  ou  ils  leur  pat 
fent  un    collier   fous    les    cuiiTes 
qu'ils  fufpendent  à  leur  front ,   & 
les  portent  par  là  des  centaines  de 
lieues,  s'ils   n'ont  pas  de  canots. 
D'autres      nations     abandonnent 
leurs    prifonniers    dans  les  bois , 
leur  laiîfentce  qu'ils  peuvent  pour 
vivre  ,  fauf  à    ces    miférables    de 
chercher  dans   les  bois  le  reRe  de 
leur  fubfiftance  &  de  quoi  fe  pan- 
fer.  PiufieurSs  après  y  avoir  refté 
des  mois  3  reviennent  ;   les  autres 


3  5' 4  Mêîmfur  la  dern,  Gimre 

périffent  de  mifere;  auffi  regar- 
dent -  ils  un  bleiïe  &  un  prifonniejp 
comme  des  hommes  morts. 

Jnfques  à  ce  qu'on  foit  au  villa- 
ge ,  les  prifonniers  font  bien  trai- 
tés &  fans  humeur.  Dès  que  le 
parti  arrive,  ceux  qui  le  compo- 
ient  Ibnt  tous  à  la  file  les  uns  des 
autres,  comme  à  leur  départ;  ce- 
lui qui  porte  les  chevelures  eft  à  la 
tête  ;  elles  fontfufpendues  tout  le 
long  d'une  perche  :  enfuite  vien- 
nent les  prifonniers,  avec  un  chi- 
chiquoi  à  la  main  ,  chantant,  quoi- 
qu'ils n'en  ayent  pas  envie.  Tous 
les  guerriers  font  en  filence.  Ce- 
lui qui  porte  la  perche  des  cheve- 
lures ,  fait  d'abord  autant  de  cris 
qu'ils  ont  perdu  de  monde.  C'eft 
un  cri  lugubre  qu'ils  finiffent  avec 
un  ton  de  voix  mourante  :  après 
ceux-là,  il  fait  autant  de  cris  aigus 
qu'ils  ont  de  chevelures  ou  de  pri- 
fonniers j  &  un  cri  général  ternii- 


ie  V Amérique  Septentr,      s  5'  f 

ne  le  compte.  Ils  recommencent 
enfuite  jufqu'à  ce  qu'ils  foyent  ar- 
rivés à  la  cabane  du  chef.  Un  doit 
imaginer  avec  quel  empreilement 
les  jeunes  gens  ,  les  femmes  &  les 
enfans  courent  au  devant  d'eux. 
Le  plus  ingambe  va  prendre  la  per- 
che pour  la  porter  au  chef,  com- 
me pour  lui  annoncer  la  bonne 
nouvelle  ;  d'autres  s'emparent  des 
prifonniers ,  que  chacun  s'empref- 
îè  de  mener  jiifqu'à  la  cabane  du 
chef.  Ils  font  heureux  d'avoir 
bonne  jambe  ;  car  alors  ils  font  af- 
faillis  d'une  grêle  de  pierres  &  de 
coups  de  bâtons  ,  &  c'eft  à  qui 
leur  en  donnera  davantage.  Tous 
s'en  mêlent ,  excepté  les  guerriers, 
qui  laifTent  faire  tranquillement  & 
continuent  toujours  leur  marche, 
comme  une  proceffion.  Qiiand 
quelqu'un  de  ces  malheureux  tom- 
be, il  eit  encore  plus  maltraité, 
fur -tout  s'il  erie,  parce  que  cela 


15^  Mcjm  fur  la  dern.  Guerre 

les  amufe.  Il  eft  rare  qu'ils  n'arri- 
vent pas  tout  meurtris  à  la  cabane, 
où  tous  les  chefs  &  les  anciens  fe 
trouvent  affembîés.  Celui  qui  a 
conduit  le  parti  de  guerre,  raconte 
fon  voyage  &  fon  expédition,  rend 
juftice  à  chacun ,  &  fait  l'éloge  de 
fes  guerriers,en  faifant  mention  de 
leurs  adions;  après  quoi  on  préfen- 
te à  l'affemblee  les  prifonniers,  qu'ils 
font  danfer  chacun  à  fon  tour  : 
on  imagine  bien  qu'ils  n'en  ont 
pas  envie,  fur -tout  s'ils  font  Eu- 
ropéens. Les  Sauvages  ne  fe  font 
néanmoins  pas  prier,  &  cela  leur 
donne  occafion  de  raconter  leur 
bravoure.  Cette  cérémonie  finie,  le 
chef  de  guerre  difpofe  des  chevelu- 
res &  des  prifonniers ,  fuivant  la 
deftination  qu'il  en  a  faite  précé- 
demment. Chez  les  Iroquois  or- 
dinairement le  prifonnier  deftiné 
à  remplacer  un  mort,  en  occupe 
la  place  dans  la  famille  ^  lanation 


de  l'Amérique  Septentr,     357 

entière  le  regarde  comme  un  de 
fes  membres,  &  les  nouveaux  pa- 
ïens lui  ôtent  le  collier  d'efclava- 
ge.  Si  ceux-ci  ne  veulent  point 
l'adopter ,  &  difent  qu'ils  font 
trop  afîiigés  pour  penfer  à  rem- 
placer le  mort ,  ils  livrent  ce  pri- 
fonnier  aux  jeunes  gens  pour  s'en 
amufer.  C'eft  un  arrêt  irrévoca- 
ble 5  &  le  malheureux  eft  brûlé. 
Nous  n'entrerons  point  dans  le 
détail  de  cette  cérémonie  horrible , 
que  l'on  trouve  dans  tous  les  au- 
teurs :  heoreufemeot  ces  événe- 
îîiens  deviennent  un  peu  plus  ra- 
res. Chez  les  autres  nations  kg 
prifonniers  font  plus  à  plaindre , 
parce  qu'ils  font  régardés  comme 
leurs  chiens;  elles  les  tuent  fans 
conféquence  dans  leurs  moniens 
d'ivreffe  ,  &  en  tenis  de  àikitQ  on 
ne  fe  fait  pas  plus  de  fcrupule  de 
les  manger  qu'une  béte.  Si  un  pri- 
fonnier  eft  affez  fortuné  pour  f© 


3  58     Mêm.fur  h  dern.  Guerre 

marier  chez  ces  nations ,  fa  famil- 
le ne  jouit  d'aucune  confidération , 
&  elle  eil  foumife  à  toutes  les  cor- 
vées qu'ils  imaginent.  Quelques- 
uns  font  affez  heureux  pour  trou- 
ver des  Sauvages  doux ,  avec  lef- 
quels  ils  ne  mènent  pas  une  vie 
dure  &:  périlleufe  ,  fur  -  tout  s'ils 
ont  attention  d'éviter  les  parties  de 
boiiToa  ,  en  prenant  ce  tenis  pour 
aller  à  la  chaife. 

Souvent  lorfque  les  vainqueurs 
ont  perdu  quelques  chefs  qu'ils 
coniidérent  beaucoup  ,  il  eil:  pref- 
que  impoffible  de  les  empêcher  de 
facriner  quelques  -  uns  de  leurs 
prifonniers  aux  mânes  des  morts. 
C'elt  alors  que  pour  fatisfaire  leurs 
mânes ,  ils  mangent  un  prifonoier 
en  cérémonie.-  On  doit  cependant 
aifarer  qu'ils  ne  goûtent  de  vian- 
de humaine  qu'avec  répugnance. 
On  a  va  plus  d'une  fois  des  jeunes 
gens  la   vomir  j  c'eit  uniquement 


de  r Amérique  Septenir.     3<f 

par  bravade  &  pour  s'endurcir  le 
cœur ,  qu'ils  fe  repaiffent  quelque- 
fois d'une  femblabie  nourriture. 

Il  eft  certain  que  le  meilleur  parti 
que  les  Européens  ont  à  prendre 
pour  combattre  les  Sauvages ,  c'eft 
de  les  rencoigner  dans  quelque  cul 
de  fac  &  marcher  à  eux  à  toutes 
jambes,  la  bayonnete  au  bout  du 
fufil  ;  car  une  troupe  qui  s'amufe- 
roità  tirailler,reroit  bientôt  battue  , 
à  cauie  de  la  jufieffe  de  leurs  coups 
de  fufil.  Si  par  malheur  on  fe  dé- 
bande ,  on  efrfùr  d'écre  détruitspar^ 
leur  vivacité  à  attaquer  à  coups  de 
hache  &  de  lance  (a). 

(a)  Les  réflexions  fur  la  guerre  avec 
les  Sauvages ,  &e.  qu'on  lit  à  la  £a 
de  la  relation  de  l'expédition  du  gé- 
néral Bouquet  contre  les  Indiens  de 
rOhio,  en  1704,  méritent  d'être  con- 
fultées.  Les  principes  de  l'auteur  ne  - 
dilTérent  pas  de  ceux  de  M.  Pouchotj 
mais  ils  ont  l'ayancage  d'être  plus  dé- 
veloppés. 


5  6o     Mem.  fur  la  dern.  Guerre 

Quoique  le  Sauvage  ait  peu  de 
connoiffances  ,  il  s'en  trouve  ce- 
pendant qui  ont  un  efprit  vif  & 
éclairé,  &  de  la  fineffe.  Il  y  en  a 
de  très-ftupides  :  mais  n'en  eft-il 
pas  de -même  parmi  nos  payfans  ? 
Les  Sauvages  ont  beaucoup  de 
mémoire  :  lorfqu'on  a  quelque 
chofe  à  traiter  avec  eux,  ii  faut 
bien  prendre  garde  à  leur  mentir  ; 
il  eft  toujours  prudent  de  fe  réfer- 
ver  une  porte  derrière  ,  pour  parer 
aux  événemens  contraires ,  afin  de 
leur  faire  voir  qu'on  ne  les  a  point 
trompés.  Ils  font  naturellement  fi 
tranquilles  qu'ils  ne  peuvent  pas 
concevoir  nos  promenades,  &  font 
toujours  furpris  de  nous  voir  éle- 
ver le  ton  dans  nos  difputes  ;  ils 
difent  alors  que  nous  perdons  i'ef- 
prit. 

Nous  avons  dit  que  pour  s'atti- 
rer leur  amitié,  plu  fleurs  en  effet 
font  fufceptibles  à'^n  prendre  une 

décidéç 


de  l'Amérique  Septentr.      ^6i 

décidée  pour  quelqu'un  ,  il    faut 
être  généreux.   Ce  n'ed  pas  néan- 
moins par  la  quantité  qu'on  ieLic 
donne,qu'on  acquiert  cette  réputa- 
tion ;  fuivant  la  manière  d'agir,  on 
paffe  pour   libéral  ou  pour  avare  : 
par  exemple  ,  en  leur  donnant  de 
Peau  -  de  -  vie  à  boire ,  fi  vous  leur 
préfentez  la  moitié  d'un  grand  go- 
belet, c'eft  être  vilain  ;  vous  leur 
en  préfenterez  un  petit,  pourvu 
qu'il  foit  plein  ,  ils  feront  coatens. 
Leur  offrez  -  vous  du  pain  ;  qu'il 
foit  entier  :  une  moitié  beaucoup 
plus  grolfe  leur    feroit   dire   que 
¥ous  voulez  les  faire  mourir    de 
faim  3  &  cela  feul  fufiîroit  pour  m- 
difpofer  toute  une  nation  contre  un 
commandant.  Quand  on  leur  fait 
des  préfens,  il  faut   d'abord  leur 
préfenter  moins  qu'on  n'a  envie  de 
leur  donner,,   parce  que  s'ils  vous 
font    encore    quelque  demande  , 
¥ous  pouvez  la  leur  accorder  ;  ce 
Tame  IIL  Q 


3^2     J^êm.  fur  la  dern.  Gficrre 

qui  les  porte  à  exalter  votre  gêné- 
rofité. 

L'eau -de -vie  eft  fans  contre- 
dit de  toutes  les  chofes  du  monde  , 
celle  que  les  Sauvages  aiment  le 
plus,  j  out  dépend  de  la  façon  de 
la  leur  ménager  à  propos  pour 
boire  ou  pour  traiter.  Cefl  un 
moyen  de  s'attirer  toutes  ces  na- 
tions On  en  a  fait  un  objet  de 
commerce  trop  confidérable ,  & 
on  auroit  pu  en  tirer  meilleur  par- 
ti dans  les  occafions.  Quoiqu'ils 
ne  fouffrifient  pas  à  préfent  qu'on 
les  privât  de  cette  liqueur  perni- 
cieufe,  ils  font  néanmoins  très- 
fâchés  qu'on  les  y  ait  accoutumés , 
&  en  regardent  l'ufage  comme  la 
principale  caufe  de  leur  deftruc- 
tion. 

A  quelque  différence  près ,  foit 
dans  les  ufagcs ,  foit  dans  le  carac- 
tère 5  les  bauvages  de  ce  conti- 
nent fe  rellèmblent  tous.  On  re- 


de  t Amérique  Septentr,     3^3 

marque  feulement  que  ceux  qui 
fréquentent  les  colonies  européen- 
nes, font  les  plus  traitables  &  les 
plus  éclairés.  Ils  défignent  leurs 
liaifons  entr'eux,  &  leur  fupério- 
rité,  par  les  termes  de  parenté, d'on- 
cles, deneyeux,  decoufinsj&c. 
Les  Outaouais  &  les  Âbenakis 
nomment  les  Iroquois  leurs  on- 
cles :  ceux  -  ci  les  traitent  de  ne- 
veux ;  ce  qui  marque  la  grande? 
ancienneté  de  cette  nation.  On  en 
pourroit  trouver  une  autre  preuve 
dans  les  dénominations  de  pîu- 
lieurs  endroits  ,  comme  Ohio  ,  qui 
lignifie  une  belle  rivière,  Theao^ 
gen ,  le  confluent  de  deux  riviè- 
res ,  Schenutar  (  a  )  ,  Niagara  , 
&  autres  noms  de  lieux  dans  des 
parties     fort    éloignées ,    lefquels 

(a)  C'eft  le  nom  de  la  ville  d'O- 
range,  fituée  fur  la  rivière  d'Hudfon, 
dans  la  province  de  IS^ew-Yorck. 


3  6*4     Mér/f.  fur  la  dern.  Guerre 

font  tous  des  mots  de  la  langue  iro- 
quoifc.  Les  Sauvages  donnent  aux 
Anglois  la  qualité  de  frères  en  leur 
parlant,  &  celle  de  pères  aux  Fran- 
çois ,  pour  montrer  que  ceux  -  ci 
îes  ont  fréquentés  les  premiers  :  en 
conféquence  ils  croyent  qu'ils  ne 
doivent  laiffer  manquer  de  rien  à 
leurs  en  Fans. 

Lorfqu'ils  veulent  défigner  cha- 
que nation  entière,  ils  appellent 
les  Aiiglois  Saganach  ;  les  François 
'Mljiigouch  ;  &  les  Sauvages  Mi^ 
chinabê.  Ils  diltinguent  les  offi- 
ciers François  par  le  nom  à'Onon^ 
tio,  qui  veut  dire  montagne  ,  par- 
ce qu'un  des  premiers  qu'ils  ayent 
connus  s'appelloit  Mont-Magny 
(a)  5  enfuite  par  allufion  ik  ap- 


(a)  Le  chevalier  de  Mont-Magny 
fuGcéda  en  idg6à  Champlain,  Ce  fut 
le  fécond  gouverneur  de  la  Nouvel» 
k- France  3  &  le  premkr  qui  ait  eu  la 


J 


de  l'Amérique  Septentr.      3<^f 

pelîent  le  roi  de  France   la  Gran« 

de  Montagne  ,  Onontio  -  Go  a  ;  & 
le  roi  d'Angleterre  ,  le  grand  CoU 
lier. 


gloire  de  pacifier  les  nations  fauva- 
ges  de  ce  pays ,  &  de  faire  un  traité 
avec  les  Iroquois. 


0.3 


3^7 

ll^ï  •*••  V  'é  ^  ^t-  v  -^y  4»  V  ■  V  ■^î■■  •<'  -  H»  y.'  «*  •■•:••  <i»  •^-  «iii  :  I 

AD  D  I T I  O  N 

SUR  LE  NOMBRE  DES  SAUVAGES 

DE 

L'AMÉRiaUE  SEPTENTRIONALE, 


S 


î  les  premiers  voyageurs   nous 
cuiïent  donné  un  état  circonfiancié 
de  la  population  des  5auvages  de 
ce  continent,    &  que  ceux   qui  les 
ont  fuivis  enflent  pris  le  même  foin, 
nous  pourrions  juger  de   la  dimi- 
nution graduelle  qu'elle  a  éprou- 
vée.  Mais  ces  recours  nous    man- 
quent,  &  nous  fommes  réduits  à 
des  notions  imparfaites  ,   ou  à  des 
rapports  vagues.   Leur  réfuitat  n'en 
efl  cependant  pas  moins  affligeant 
pour  i'humanité. 

0.4 


3^8   Mêm,fur  h  dern.  Guerre 

Qt^and  Champlain  jeta  les  pre- 
miers fondemens  de  la  colonie 
françoife  du  Canada ,  plufieurs  na- 
tions confidérabies  dont  le  nom 
eft  aujourd'hui  à  peine  connu ,  oc- 
cupoient  alors  ce  pays.  La  langue 
des  Algonquins  ,  encore  ufitée 
dans  plufieurs  hordes  de  SauvageSj 
a  confervé  feule  la  mémoire  de  cet- 
te grande  nation.  Les  Huro'ns  n'en 
forment  plus  une.  Ces  fidèles  & 
puifîans  alliés  des  François,  après 
s'être  difperfés ,  fe  font  réfugiés 
dans  deux  villages  fort  éloignés 
V\xn  de  l'autre  ,  le  premier  près  de 
Qiiébec  5  &  le  fécond  à  Textrêrnité 
des  lacs.  Les  Outaouais ,  autrefois 
très  -  nombreux ,  n'occupent  plus 
que  trois  villages  ;  Se  les  Pouté.ou- 
taniis  deux.  On  ne  trouve  aucun 
Teftige  des  Beriiamiamites ,  des  Fa- 
pinachois ,  des  Montagnez  ,  des 
Amikoués ,  des  Âttikamégues,  &g. 
Ces  derniers  étoienè  environnés  de 


éïe  t Amérique  Septenîr.     ^  €^ 

plufieurs  antres  peuples  quis'é- 
tendoient  aux  environs  du  lac  St 
Jean ,  &  jufqu'aux  lacs  des  Miftaf- 
fins  &  deNémifcau.  Tous  ont  été 
détruits  ,  principalement  dans  les 
guerres  des  Iroquois.  Ceux  -  ci,  qui 
étoient  fi  redoutables  &  pouvoient 
mettre  fur  pied ,  à  la  fin  du  iiecle 
paffé  ,  7500  guerriers ,  en  raffem- 
bleroient  .à    peine     aduellement 


quinze  cents. 


Les  nations  de  l'eft  ont  foufFert 
une  diminution  encore  plus  fenfî- 
ble.  Autrefois  elles  ne  formoient  3 
pour  ainii  dire  ,  qu'un  même  peu- 
ple,  connu  des  François  fous  la 
dénomination  générale  d'Abena- 
kis.  Leurs  habitations  étoient  ré- 
pandues dans  cette  vafte  contrée 
qui  s'étend  depuis  les  rives  du 
fleuve  St.  Laurent  ^  en  fuivant  la 
chaîne  des  Apalaches  ,  jufqu'à  Tex- 
trêmité  méridionale  de  la  Caroli- 
ne, Quoique  féparé    en  plufîeurs 

■  '      '  Q.  5  ■ 


J70     Mêm.fur  la  dent.  Guerre 

tribus  ,  il  parloit  le  même  langage» 
La  portion  qui  s'étoit  établie  près 
des  Côtes  s'adonnoit  uniquement  à 
la  pèche  ,   &  le  relte  à  la  chaffe. 

A  mefure  que  les  colonies  an- 
gloifei  fe  font  accrues ,  ces  Sauva- 
ges fe  font  retirés  dans  l'intérieur 
des  terres,  fans  céder  ,  comme  les 
Anglois  Pont  prétendu  ,  le  pays 
qu'ils  étoient  forcés  d'abandonner, 
n'ayant  jamais  eu  aucune  idée  de 
ce  que  nous  appelions  vendre  par 
contrat ,  ou  céder  par  un  traitée 
Les  différentes  hordes  de  cette  na- 
tion qui  s'étoient  fixées  dans  W-^ 
cadie  ou  aux  environs  ,  étoient  (^xî-- 
tinguées  par  les  noms  à' Abenakis  ^ 
à'Etchemins^,  de  Souriqttois  ^  de 
Mickmack,  &c.  Api  es  la  fonda- 
tion de  la  iNfouvelle  Halifax,  ils 
firent  la  guerre  aux  Anglois,qui  les 
détrui firent  prefque  tous.  A  peine 
en  échappa  -  t  -  il  de  quoi  former 
un  petit  nombre   de  villaoes  qui 


ie  f  Amérique  Septenfr.      371 

pourroient  avoir  mille  guerriers. 

La  principale  des  tribus  abe- 
nakifes  reliée  au  delà  des  Apala- 
ches  ,  eit  celle  des  Loups ,  que  les 
Anglois  appellent  Delmvares,  tlle 
habite  les  bords  de  TOhio.  Un  lui 
compcoit  dix -huit  cents  combat* 
tans,  à  la  fin  de  la  dernière  guerre. 
Mais  ce  nombre  doit  avoir  beau- 
coup diminué  aujourd'hui ,  par  les 
pertes  qu'elle  eiTuya  en  i7<53  & 
en  î76'4,  lorfqu'elle  entreprit  de 
faire  foulever  tous  les  Sauvages  àa 
continent  contre  les  Anglois. 

Les  autres  nations  qui  entrèrent 
alors  daiis  cette  conjuration, avoient 
la  plupart  leurs  habitations  fur  les 
grands  lacs  du  Canada  ,  &  aux  en- 
virons des  rivières  qui  s'y  jettent 
Leur  perte  n'a  pas  été  moins  cotî- 
fidérable  A  l'exception  des  Outa- 
gumis  &  des  iViiffiiakes ,  elles  font 
réduites  aduellement  à  un  très-pe- 
tit nombre  d'hoaiiîie&* 


372  Mèm.Jtvr  la  dern.  Guerre 

Les  Sauvages  du  nord  &  du 
lîord  -  oueit ,  ayant  très  -  peu  de 
communication  avec  les  Euro^ 
péens ,  en  font  très  -  peu  con- 
nus. Nous  favons  feulement  que 
les  Scioux  5  les  Criftinaux  &  les 
Affiniboels  font  encore  aflez  nom- 
breux. Qiioique  les  Eskimaux  Se 
les  autres  peuples  du  labrador 
ayent  quelques  liaifons  de  com- 
merce avec  les  Anglois ,  nous 
ignorons  cependant  quelle  peut 
être  leur  population.  Suivant  le 
rapport  de  ceux  -  ci ,  environ  mil- 
le perfonnes, tant  hommes  que  fem- 
mes 5  viennent  tous  les  ans  fur  s  co 
canots  au  fort  ISelfon  ou  Yorck, 
pour  la  traite  de  leurs  pelleteries. 

On  fait  le  nom  d'un  grand  nom- 
bre des  peuples  de  la  Louiiîane  ; 
c'elt  prefque  tout  ce  qui  en  refte. 
Ils  n'ont  ceiïe  ,  fi  j'ofe  le  dire ,  de 
s'évanouir,  depuis  que  les  François 
fe  fout   établis   parmi  eux.  Dans 


de  l'Amérique.  Septenir,      371 

l'efpace  feulement  de  vingt  -  cinq 
ansaleur  perte  a  été  innnenfe.  Nous 
pouvons  en  juger  avec  quelque 
certitude  ,  par  un  excellent  mémoi- 
re que  M.  de  Bienviîle,  gouver- 
neur de  la  colonie  françoifej  avoit 
fait  fur  les  lieux  (  a  ). 

11  y  fait  mention  de  plus  de  cin- 
quante nations  qui ,  avant  l'an 
17003  pouvoient  mettre  fur  pied 
^4S*ço  hommes.  Vingt -cinq  ans 
après  ils  forent  réduits  à  24 2 (5o> 
Plufîeurs  peuples  qui  avoient  au- 
trefois 4GO5  500  &  jufqu'à  60© 
combattans ,  n'en  eurent  plus  que 
30  ,  40  &  50.  Depuis  cette  der- 
nière époque  ,  les  plus  puiiTans 
ont  encore  fouffert  de  grandes  di-. 

(  iz)  Ce  mémoire  a  pour  titre,/e  cours 
du  MiJJîJJîpi  ^ou  les  Sauvages-  de  la 
Louifiane ,  leur  nombre  %f  le  commerce 
qu'ion  peut  faire  avec  eux ,  &  fe  trou- 
ve imprimé  dans  Je  journal  deTre-' 
Youx  du  mois  de  Mars  i]Zj» 


374  Mêm,  fur  h  dern.  Guerre 

minutions.  Les  Chactas  ,  qui  avant 
rétablKï'ement  des  François  avoient 
20GOO  guerriers,  <&  au  tems  du 
dénombrement  de  (Vl.  de  Bienvilîe 
8ooc> ,  en  fourniroient  aujourd'hui 
à  peine  4000.  Les  Chicachas ,  les 
plus  redoutables  ennemis  de  la  co- 
lonie françoife  ,  pafToient  pour  être 
auffi  nombreux  que  les  Chactas,; 
mais  ils  ne  fauroient  aduellement 
leur  être  comparés  (a). 

De  ces  détails  on  doit  conclure 
avec  M.  de  BuiFon,  que  les  na- 
tions les  plus  nombreufes  de  l'A- 
mérique fe  réduifent  à  trois  ou  qua- 
tre mille  perfonnes.  il  eft  perlua- 
dé  avec  raifon  „  qu'on  pourroit 
35  avancer,  fans  crainte  de  le trom- 
3,  per  ,  que  dans  une  feule  ville, 
^  comme  Faris  (b),  il  y  a  plus 

(a)  Un  auteur  moderne  ne  doii- 
îîc  aux  Chicachas  que  yfo  gueiriers. 

(/;)  En  f.ippolant  que  cette  vilie 
B'eft  que  de  Cx  à  fept  ctnts  mille  âmes. 


de  P Amérique  Septenir,     37f 

^  d'hommes  qu'il  n'y  a  de  Sauva- 
^  ges  dans  toute  cette  partie  da 
55  TAmérique  Septentrionale  corn- 
,5  prife  entre  la  mer  du  nord  &  la 
y,  mer  du  fud  ,  depuis  le  golfe  du 
^  Mexique  jufqu'au  nord  ,  quoi- 
35  que  cette  étendue  de  terre  foit 
53  beaucoup  plus  grande  que  toute 
59  l'Europe  "  (  a  ). 

Cette  diminution  rapide  des  na- 
tions fauvages  peut  être  attribuée  , 
ï*.  à  l'ufage  immodéré  de  Peau-de- 
vie;  i^.  à  la  contagion  de  la  petite  vé- 
role (è)  ;  3^-  aux  guerres  que  l'arri- 
vée des  Européens  a  fait  naître  ; 
4*.  à  la  coutume  de  remplacer  les 
morts  par  des  prifonniers  ;   ce  qui 

(a;  Hiit.  nat.  Tom,  V.  p.  176.  éd. 
in  - 1 2. 

(b)  A  cette  épidémie  on  peut  join- 
dre la  plus  terrib  e  de  toutes  la  ped 
te  ,  qu'un  vauieau  du  roi  apporta  ea 
1704  à  îa  Mobife,  où  elle  détruiiife 
deux  nntions  confidérables  appellées 
les  grands  à  les  petits  Ihomes  3  ^G, 


3  7  <^  Mêm.  fur  la  dern.  Guerre ,  ^c, 

met  tous  ces  peuples  dans  un  état 
perpétuel  de  guerre.  L'homme  y 
feroit  donc  né ,  comme  le  fameux 
Hobbes  l'a  prétendu.  Leur  con- 
duite ne  juftifioit-elle  pas  en- 
core la  penfée  de  cet  écrivains 
qui  définit  l'homme  un  enfant  vi- 
goureux quiconnoitfes  forces?  Ea 
effet,  le  Sauvage  méfufe  des  Tien- 
nes ,  parce  qu'il  les  fent  trop.  11 
cède  fans  peine  aux  impuliîons  de 
la  vengeance,  &  fe  réveille  au 
bruit  des  armes ,  qu'il  prend  tou- 
jours pour  détruire,  &  jamais  pour 
acquérir  ou  conferver.  Ses  goûts 
font  tyranniques ,  &  fes  befoins 
prefians.  Les  uns  &  les  autres  fe 
font  multiphés  depuis  la  découver- 
te du  Nouveau  Monde.  Pour  les 
fatisfaire  ,  il  -a  oublié  fes  intérêts 
les  plus  chers ,  &  eft  devenu  Tint 
trument  de  la  haine  de  deux  puil^ 
fances  rivales ,  comme  celui  de  fa 
propre  deftruaiou. 
FIN. 


ADDITION 

A  l^aveytijjemeni   des   ohfervatiom 

topographiques. 


D 


Epuis  m.  de  la  Verandiere,  les 
contrées  qu'il  avoit  reconnues,  ont 
été  vifîtées  par  M.  Carvsr.  Après  avoir 
hyverné  fur  les  bords  du  Miiîilîipi,  par 
les  44  degrés  de  latitude  ,  il  a  dirigé  fa 
courfe  vers  le  nord  du  continent  de 
PAriiérique  ,  &  a  paiîe  par  fa  partie  la 
plus  élevée,  d'où  partent  les  différents 
fleuves  qui  i'arrofent  5  ies  uns  allant  à 
la  mer  du  Nord,  les  autres  vers  le  cou- 
chant da  détroit  d'Anian.  Ce  voya- 
geur anglois  a  réjourné  dans  le  pays  des 
Sakis ,  des  NadoaeiHs ,  occ.  &  a  été  fur 
les  bord  de  la  rivière  Bourbon ,  du 
lac  Ouinipigon,  àc.  Leur  exjftence 
n'eCl  donc  plus  iKî  problèoie.  Il  feroife 
a  délirer  qu'on  traduisît  en  françois 
la  relation  que  M.  Carver  a  publiée^, 
en  1778  ,  defes  voyages  ,  pendant  les 
années  176^,  17^73  I7^S.  Elle  nous 
donne  de  nouvelles  lumières ,  &  étend 
.n^s  CGmiôiflaiices  géograpîiiques. 


TABLE 

DES   CHAPITRES 

Contenus  dans  ce  HP.  Volume. 


o 


ESERVATIONS  TOPOGRAPHI- 
QUES. Hveitiffemeiit,         pag.    3 

IntrodKclioîi.  7 

Chap.  I.  De  la  frontière  par  le 
lac   Cbamplain,  i  7 

Chap.1I  .  Du  fictive  St,  Laurent  ^ 
depuis  M  ont' Lié  al  juf qu'à  (Jhoue^ 
g  en.  6  6 

Chap.  111.  De  la  comJTJumcation 
de  la  rivière  de  Cf^ouegen  aux 
pojjejfwm  angloifes,  1  29 

Chas».  IV.  De  la   communication 


TABLE  DES  CHAPITRES  37f 

du  lac  Ontario  aux  frontières 
angloifes ,  par  la  rivière  de  Laf* 
conchiagon.  i  f  f 

Chap.  V.    De  la    communication 

de   Niagara  avec  la  Belle-Ri^ 

viere  ou  Obio,   en  anglois  Alli^ 

geny ,  ê«f  de  tOhio   en  PenfyU 

vanie  &  en  Virginie.  %6% 

Observations  Sur  les  mont agneî 
de    V Amérique  Septentrionale. 

189 
Remarques  Sur  le  Saut  de  Nia- 
gara. 203 
Des  Moeurs  et  des  Usages   des 

Sauvages  de  l'Amérique  SepteTu 
trionale.  2.27 

Addition  fur  le  nombre  des  San* 
vages  de  i Amérique  Septentrion 
nale,  3  67 

Fin  de  la  Table, 


APPROBATION. 

^  'Ai  lu  l'ouvrage  intitulé  :  AJé- 
pioires  fur  la  dernière  guerre  de 
l'Amérique  Septentrionale ,  &c,  & 
je  n'y  ai  rien  trouvé  qui  doive  en 
empêcher  Pimpreffion.  A  Yverdon 
le  20  Décembre  1780. 

E.  Bertrand  , 

.  Cenfeur, 


Cleaned    ^   Oiled 


1  c  ^